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ARTICLE 1028

RADIATIONS.

Mainlevée notariée. - Epoux mariés sous le régime de la communauté légale avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965.
Créance hypothécaire recueillie par le mari dans une succession.
Mainlevée consentie sans le concours de la femme. - Régularité.

(Rép. Min. Justice, 6 septembre 1975)

Question. - M. Boudon signale à M. le Ministre de la Justice les faits suivants : M. Durand est marié sous l'ancien régime de la communauté dite légale. Il hérite, au décès d'une tante, d'une créance hypothécaire. L'emprunteur ayant remboursé le prêt, M. Durand donne mainlevée de l'hypothèque. Le Conservateur des Hypothèques exige la signature de Mme Durand pour enregistrer la mainlevée. L'attitude du Conservateur est-elle normale, étant donné que l'hypothèque acquise par voie de succession est tombée dans la communauté dont M. Durand est seul administrateur conformément aux règles antérieures à la réforme de 1965.

Réponse. - La créance dont le mari a hérité est tombée dans la communauté avec sa garantie. Dès lors que le débiteur a payé et que la mainlevée de l'hypothèque est donnée à l'occasion du paiement, ce qui semble être la situation évoquée par l'auteur de la question écrite, le mari, en sa qualité d'administrateur de la communauté, a pouvoir de donner seul mainlevée, cet acte n'étant pas au nombre de ceux qui nécessitent le concours de la femme. A supposer même qu'il n'y ait pas eu paiement ou que la réalité de celui-ci ne soit pas établie, l'intervention de l'épouse ne s'imposerait pas nécessairement. A cet égard, il convient de rappeler que l'article 9 du décret n° 67-1252 du 22 décembre 1967 a ajouté au décret du 14 octobre 1955 sur la publicité foncière un article 59-1 qui précise que la mainlevée d'une inscription prise au profit d'un époux est donnée par cet époux seul, même en l'absence de constatation de paiement, toutes les fois que la créance pour la sûreté de laquelle l'hypothèque ou le privilège a été inscrit résulte d'un contrat auquel il avait consenti sans le concours de son conjoint. Il est indiqué en outre dans ce texte que pour la radiation de l'inscription, aucune pièce justificative du pouvoir qu'a l'époux de donner mainlevée seul n'est exigée quand il est certifié dans l'acte de mainlevée que la créance résulte d'un tel contrat. Sons réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, il semble que ces dispositions puissent être adaptées à la situation particulière évoquée par l'honorable parlementaire.

En effet, dans l'hypothèse considérée, si l'inscription n'a pas été prise ni le contrat principal signé par l'époux qui demande la mainlevée, ils, l'ont été par une personne aux droits de laquelle il a été substitué en acceptant sa succession (J.O. 6; septembre 1975, Déb. Ass. Nat., p. 5995).

Observations. - I. - Dès lors que la créance garantie par l'inscription à radier avait pour origine un prêt, le mari avait, en vertu de l'art. 1421 du Code Civil, le pouvoir de donner mainlevée seul, si cette mainlevée était la conséquence d'un paiement (Bull. A.M.C., art. 627, n° 2 et5, 654 et 674).

II. -· En l'absence de constatation de paiement, la mainlevée pourrait également être consentie par le mari seul dans les conditions prévues à l'art. 59-1 ajouté au décret du 14 octobre 1955 par l'art. 9 du décret n° 67-1252 du 22 décembre 1967 (Bull. A.M.C., art. 702 et 741).

Sans doute, étant donné qu'il s'agissait d'une créance recueillie dans une succession, l'auteur de la mainlevée ne satisfaisait pas directement à la condition d'avoir consenti au contrat formant le titre de la créance ; mais, comme l'observe la réponse ministérielle, il y satisfaisait indirectement du fait qu'il était substitué aux droits du créancier qui avait signé le contrat. Au surplus, ce qu'exige essentiellement le texte, c'est que le conjoint an concours duquel on ne fait pas appel n'ait pas participé au contrat constitutif de la créance et cette condition était incontestablement remplie.

III. - Dans l'espèce actuelle, la difficulté provenait du fait que l'héritier était marié sans contrat avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965 ( 1er février 1966) et que le régime légal auquel il était soumis était celui de la communauté de meubles et d'acquêts, de sorte que la créance hypothécaire qu'il avait recueillie était tombée dans la communauté.

Le régime légal auquel sont assujettis les époux mariés sans contrat depuis le 1er février 1966 est celui de la communauté d'acquêts. La créance hypothécaire qui serait recueillie par l'un d'eux lui demeurerait propre et celui-ci pourrait donner seul mainlevée sans constatation de paiement (Bull. A.M.C., art. 627, n° 3), sans avoir recours à la disposition exceptionnelle contenue dans l'art. 59-1 du décret du 14 octobre 1955.

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 1080 ; Jacquet et Vétillard, V° femme mariée, n° 18.