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ARTICLE 1061

PUBLICATION D'ACTES

Actes soumis à publication.
Consentement du donateur au maintien des droits réels créés par le donataire, en cas de réduction de la donation (C.C., art. 929)

MENTIONS EN MARGE DES INSCRIPTIONS
Consentement du donateur au maintien des privilèges et hypothèques grevant l'immeuble du chef du donataire, en cas de réduction de la donation.
(C.C., art. 929). Mention possible.

(Rép. Premier Ministre, Econ. et Fin., 6 octobre 1976)

Question. - M. Pierre Lagorce expose à M. le Premier Ministre (Economie et Finances) que l'article 929 du Code Civil précise que les droits réels créés par le donataire conserveront leurs effets, même si la réduction vient à s'opérer en nature, lorsque le donateur y aura consenti dans l'acte même de constitution ou dans un acte postérieur. Il lui demande si l'acte constatant le consentement du donateur, exprimé en vertu du texte susvisé, doit ou non faire l'objet d'une publication à la Conservation des Hypothèques lorsque la donation porte sur un immeuble et, dans l'affirmative, par référence à quel texte.

Réponse. - Sous réserve de l'interprétation souveraine des tribunaux, la question posée par l'honorable parlementaire appelle les observations suivantes : 1° En consentant aux droits réels créés par le donataire, le donateur, qui paraît agir non en vertu d'un droit propre qu'il aurait conservé sur l'immeuble (comme en cas de stipulation du droit de retour ou d'une interdiction d'aliéner ou d'hypothéquer) mais pour le compte des futurs réservataires, éventuels bénéficiaires du droit à réduction, fait que ces derniers sont placés, par avance, dans la situation de renonçants à une partie des effets de la réduction en nature de la donation. Ainsi entendue, son intervention n'entre formellement dans aucune des catégories d'opérations que les textes en vigueur en matière de publicité foncière soumettent à la formalité. Cependant, si l'on remarque que, par exemple, l'article 28 (4°, d) du décret n° 55-22 modifié du 4 janvier 1955 assujettit obligatoirement à la publicité au fichier immobilier les désistements d'action et d'instance qui ont pour conséquence de consolider des droits réels immobiliers nés de titres sujets à résolution, révocation, annulation ou rescision, il s'avère conforme à l'esprit de ces textes que les consentements de l'espèce soient publiés. Il est, en outre, de l'intérêt des titulaires des droits réels créés de faire connaître que leurs droits échapperont à l'extinction prévue à la première phrase de l'article 929 du Code Civil. Aussi bien, doit-on recommander aux Conservateurs des Hypothèques d'accepter de publier les actes renfermant le consentement dont il s'agit ; 2° La réquisition de publier et l'exécution de la publicité diffèrent, pratiquement, selon, d'une part, que le droit réel créé est autre qu'un privilège ou une hypothèque ou consiste en une telle sûreté (les droits de ces deux catégories n'étant pas régis par les mêmes textes) et, d'autre part, que le consentement du donateur est exprimé dans l'acte même de constitution ou dans un acte postérieur. a) Le droit réel étant supposé ne pas être un privilège ou une hypothèque, l'acte constitutif fait l'objet d'une publication obligatoire, en application du 1°, a, de l'article 28 précité, et le consentement du donateur, s'il y est contenu, est, ipso facto, publié, étant observé qu'il est procédé en ce qui le concerne dans les conditions fixées par les dispositions des articles 4 (§ 1 al. 4), 5 (§ 4) et 41 (al. 4) du décret n° 55-1350 modifié du 14 octobre 1955 relatives aux formalités concernant des droits éventuels. Si ce consentement est donné dans un acte postérieur, les mêmes dispositions, et plus spécialement celles de l'article 28 (1°, a), sont applicables, car il est de principe, non écrit mais évident, qu'un texte visant un acte déterminé vise aussi tout écrit qui vient à rectifier ou compléter un tel acte. b) Pour les sûretés (et il s'agira surtout d'hypothèques conventionnelles), que le consentement du donateur résulte du titre générateur du privilège ou de l'hypothèque ou d'un acte postérieur, publié ou non, c'est essentiellement dans les bordereaux déposés en vue de l'inscription qu'il convient de relater ce consentement, sous l'une des rubriques " En vertu de... Titre du créancier " et " Contre... Propriétaire grevé " : de fait, la possibilité de constituer une sûreté invulnérable découle non pas seulement de la libéralité faite au profit du donataire, propriétaire grevé, mais aussi du consentement du donateur qui entraîne renonciation à une éventuelle extinction de cette sûreté. Si le consentement du donateur est donné dans un acte postérieur à l'inscription, la situation semble ne pas pouvoir être révélée par une simple mention portée en marge du bordereau archivé et nécessiter le dépôt d'un bordereau complémentaire : la modification intervenue, qui aboutit à transformer un droit éventuellement résoluble en un droit inattaquable et qui, de surcroît, menace le donataire de répondre, un jour, s'il y a lieu, de la dépréciation causée par le maintien de la sûreté (C. Civ., art. 929, 3° phrase), paraît, en effet, relever de celles qui aggravent la situation du débiteur au sens de l'article 2149, alinéa 1er, du Code Civil (J.O., 6 octobre 1976, Déb. Ass. Nat., p. 6345).

Observations. - I : Un arrêt de la Cour de Cassation du 14 mars 1968 (Bull. A.M.C., art. 734) a reconnu qu'une formalité hypothécaire ne pouvait être refusée ou rejetée que si le refus ou le rejet était expressément prévu par un texte législatif ou réglementaire.

Or l'acte postérieur à la donation, par lequel, conformément aux prévisions de l'art. 929 du Code Civil, un donateur consent à ce que les droits réels créés par le donataire sur les immeubles donnés conservent leurs effets en cas de réduction de la donation, n'entre, par sa nature, dans le champ d'application d'aucun des textes qui prescrivent le refus du dépôt ou le rejet de la formalité.

Par suite, lorsqu'un Conservateur est requis de publier un tel acte, il ne peut qu'accomplir la formalité si cet acte ne contrevient à aucune des dispositions d'ordre général dont l'observation est prescrite à peine de refus ou de rejet (identité des parties, désignation des immeubles, effet relatif, etc.).

II : Aux termes de l'art. 2149 du Code Civil, sont publiées sous la forme de mentions en marge des inscriptions existantes " ...toutes modifications... qui n'ont pas pour effet d'aggraver la situation du débiteur ".

Cette dernière restriction a pour but d'assurer la protection des intérêts des bénéficiaires des inscriptions d'un rang inférieur à celui de l'inscription à émarger, lesquels risqueraient d'être lésés si les droits conservés par une inscription qui leur est préférable pouvaient être aggravés par voie de mention (Bull. A.M.C., art. 445).

Or le consentement donné par un donateur, au nom de ses héritiers réservataires, au maintien des privilèges et hypothèques grevant, du chef du donataire, les immeubles donnés, au cas où la réduction de la donation ferait rentrer tout ou partie de ces immeubles dans sa succession, a pour effet de consolider les droits du créancier sur les immeubles grevés et non d'accroître l'importance de la créance garantie. Il ne peut par conséquent porter atteinte aux droits des créanciers inscrits à un rang inférieur.

En conséquence, au cas où un Conservateur serait requis de publier un tel consentement sous la forme d'une mention en marge de l'inscription, il devrait, à notre avis, accepter d'effectuer cette mention.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 835 et 901 A (feuilles vertes).