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ARTICLE 1135

PUBLICITE FONCIERE.

Effet relatif des formalités.
Titre du disposant ou dernier titulaire publié dans les conditions prévues à l'article 37-2 du décret du 4 janvier 1955.
Conséquences.

ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE DU 10 JANVIER 1978

Faits. - Par acte sous seings privés du 10 janvier 19J4, les syndics de la société des « Etablissements Barthelemy », placée sous le régime de la liquidation des biens, ont vendu à la société des « Etablissements Coq », un terrain. Cette vente était affectée d'une condition suspensive et il était stipulé qu'à la suite de la réalisation de cette condition, la convention serait constatée par acte authentique.

Après la réalisation de la condition, la passation de l'acte authentique a rencontré des difficultés. En conséquence, par exploit du 15 mars 1976, la société des « Etablissements Coq », alors admise au régime du règlement judiciaire, et son syndic ont assigné les syndics de la société des « Etablissements Barthélémy » en réalisation de la vente. L'assignation, dans laquelle était reproduit in extenso le texte de l'acte sous seings privés du 10 janvier 1974, a été publiée le 31 mars 1976.

A la même date du 31 mars 1976, le syndic de la société des «Etablissements Coq » a requis l'inscription de l'hypothèque légale de la masse des créanciers de cette société sur l'immeuble faisant l'objet de l'acte sous seings privés du 10 janvier 1974.

Estimant que cette inscription ne satisfaisait pas aux prescriptions légales concernant l'effet relatif des formalités du fait que le titre de la société débitrice sur l'immeuble grevé était un acte sous seings privés qui n'avait pu être publié que dans les conditions spéciales prévues par l'article 37 du décret du 4 janvier 1955, le Conservateur a engagé une procédure en vue d'un rejet qui a été effectivement notifié à l'inscrivant le 3 juin 1976.

Ce dernier, ainsi que la société des « Etablissements Coq », contestant la légitimité du rejet, ont alors assigné le Conservateur devant le Président du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence, lequel, statuant comme en matière de référé, selon la procédure établie par l'article 26 du décret du 4 janvier 1955, a, par une ordonnance du 13 juillet 1976, reconnu justifiée la décision de rejet.

Sur appel formé par la société des « Etablissements Coq » et par son syndic, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a, de son côté, par un acte du 10 janvier 1978, confirmé l'ordonnance du 13 juillet 1976.

Cette décision est ainsi motivée :

« Attendu que la demande formée par les Etablissements Coq et le syndic Feraud-Prax qui tend à la réalisation en la forme authentique de la vente sous condition suspensive ayant fait l'objet d'un acte sous seings privés du 10 janvier 1974 après réalisation de cette condition, a été publiée conformément aux dispositions de l'article 37-2 du décret du 4 janvier 1955 ;

« Attendu qu'il s'agit là d'une formalité facultative dont cet article indique qu'elle a pour but « l'information des usagers » à la connaissance desquels elle porte de la sorte, d'une part l'existence d'une demande en justice ainsi que le fondement de celle-ci, d'autre part la date de transfert du droit revendiqué s'il venait à être consacré judiciairement;

« Attendu que le texte susvisé qui prévoit cette formalité exige qu'à la demande en justice soit annexé l'acte soumis à publicité ou qu'il soit littéralement reproduit dans celle-ci, exigence à laquelle il a été satisfait en l'espèce sous cette dernière forme;

« Attendu, par ailleurs, que l'article 3 du décret du 4 janvier 1955 subordonne la publication de tout acte sujet à publicité à la publication préalable, au fichier immobilier, du titre du disposant ou du dernier titulaire dont l'article 32 du décret du 14 octobre 1955 précise qu'il est celui « dont le droit se trouve transféré, modifié, confirmé, grevé ou éteint, ou est susceptible de l'être, avec ou sans son consentement, par la formalité dont la publicité est requise » ;

« Attendu que l'assignation délivrée aux représentants des établissements Barthélémy à la requête des Etablissements Coq et du syndic Feraud-Prax, ayant été publiée et cette assignation étant un acte authentique dans lequel sont intégralement reproduits les termes de l'acte de vente sous seings privés du 10 janvier 1974, il échet de déterminer si les Etablissements Coq peuvent ou non être considérés, dans ces conditions, comme le dernier titulaire du droit dont le transfert est prévu par cet acte de vente sous une condition s'étant réalisée ;

« Attendu qu'en organisant pour les demandes en justice, telle la demande formée par les Etablissements Coq et le syndic de leur règlement judiciaire, une publicité seulement facultative et en spécifiant, surtout, que celle-ci a pour but l'information des usagers, l'article 37 du décret du 4 janvier 1955 a ainsi limité de manière expresse la portée de cette publicité ;

« Attendu que celle-ci ne saurait donc conférer aux Etablissements Coq la qualité de « dernier titulaire » du droit auquel ils prétendent, selon le sens que donne à cette expression l'article 32 du décret du 14 octobre 1955, car, pour accueillir leur demande sur ce point, il faudrait donner à la publicité dont a été l'objet de leur part l'assignation du 15 mars 1976, une toute autre portée que celle qui lui est assignée par l'article 37 du décret du 4 janvier 1955 qui en fait une mesure d'information ;

« Attendu qu'à l'appui de cette interprétation il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'acte dont ils font état ne répond pas à l'exigence d'authenticité figurant à l'article 4 du décret du 4 janvier 1955 dès lors que ledit article édicte que « tout acte sujet à publicité dans un bureau des hypothèques doit être dressé en la forme authentique », que l'acte sous seings privés du 10 janvier 1974 n'a pas ce caractère et que le soin qui a été pris, de le reproduire intégralement dans la demande en justice, n'efface pas ce défaut d'authenticité originel ;

« Attendu que l'article 37-2 du décret du 4 janvier 1955 confirme ceci puisqu'il dispose que la publicité qu'il prévoit constitue une exception à la règle de l'authenticité ; qu'il indique en effet que « peuvent être publiés dans les mêmes conditions les documents énumérés ci-après, auxquels sont annexés, ou dans lesquels sont littéralement reproduits des actes soumis ou admis à publicité, quoique ces derniers n'aient pas été dressés en la forme authentique » ;

« Attendu que si la publication de tels actes, non revêtus de la garantie que leur confère l'authenticité, est ainsi admise, ce n'est que parce que cette publication a un effet moindre que celle des actes authentiques, cet effet étant limité à l'information des tiers ;

« Attendu, d'autre part, que l'article 5-3 du décret du 14 octobre 1955, en prescrivant l'annotation requise du chef du bénéficiaire d'un droit éventuel exclusivement sur la fiche du titulaire du droit actuel, confirme encore que ce bénéficiaire n'a pas, au regard de la loi, la qualité de disposant ou dernier titulaire au nom duquel est établi une fiche en application des dispositions de l'article 4 dudit décret ; que si l'expression « droit éventuel », sujette à critique de la part des appelants, prête à équivoque, elle englobe manifestement en l'espèce les droits litigieux dont la consécration est subordonnée à un événement en l'état incertain qui est la survenance d'une décision de justice favorable ;

« Attendu qu'il échet, en conséquence, de débouter les appelants de leurs prétentions, de confirmer l'ordonnance attaquée et de les condamner aux dépens. »

Observations. - Pour motiver sa décision, la Cour d'Appel s'appuie essentiellement sur la circonstance que les publications visées à l'article 37-2 du décret du 4 janvier 1955 sont faites « pour l'information des usagers ».

En réalité, ces publications ne sont pas exclusivement des mesures d'information.

Le dernier alinéa de l'article 37-2 dispose, en effet, que « les dispositions de l'article 30 sont applicables à compter du jour de la formalité, lorsque celle-ci est suivie, dans un délai de trois ans, de la publication d'un acte authentique ou d'une décision judiciaire constatant la réitération ou la réalisation ».

Ainsi les formalités dont il s'agit produisent le même effet que celles qui sont prévues à l'article 28, à cette seule différence près que cet effet est subordonné à la condition que lesdites formalités soient suivies, dans un délai de trois ans, de la publication d'un acte authentique ou d'une décision judiciaire constatant la réitération ou la réalisation de la convention sous seings privés.

La question se pose alors de savoir s'il s'agit d'une condition suspensive ou d'une condition résolutoire.

Aucun argument de texte ne répond directement à cette question. Mais il faut observer que le dernier alinéa de l'article 37-2 a pour objet de faire produire un effet rétroactif à la publication des actes ou décisions réitérant ou réalisant la convention sous seings privés et que, pour que cette rétroactivité présente une utilité pratique, il est nécessaire que puissent être publiés les actes appelés à en bénéficier.

C'est ainsi, par exemple, que, dans le cas d'une inscription portant sur un immeuble advenu à son propriétaire en vertu d'un acte sous seings privés publié dans les conditions prévues à l'article 37-2 du décret du 4 janvier 1955, il faut, pour que l'effet relatif attaché à la publication de l'acte authentique ou de la décision judiciaire qui réitérera ou réalisera la convention sous seings privés soit pratiquement utile, que l'inscription puisse être prise avant cette publication. Si elle ne pouvait être prise qu'après cette formalité, la rétroactivité de cette dernière serait dépourvue d'intérêt; la situation serait la même que si la publication ne produisait pas d'effet rétroactif.

C'est le motif pour lequel nous avons exprimé l'avis, dans l'article 1041 du Bulletin, qu'une inscription peut être valablement requise lorsque le titre du propriétaire de l'immeuble grevé est un acte sous seings privés qui a été publié dans les conditions prévues à l'article 37-2 du décret du 4 janvier 1955.

En l'état, nous croyons devoir conseiller aux collègues de considérer, jusqu'à ce que la Cour de Cassation ait été appelée à se prononcer sur la difficulté, qu'il est satisfait aux prescriptions de l'article 3 du décret du 4 janvier 1955 et de l'article 32 du décret du 14 octobre 1955 concernant l'effet relatif des formalités lorsque le titre du disposant ou dernier titulaire consiste dans un acte sous seings privés publié dans les conditions prévues à l'article 37-2, susvisé.

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 490 A k II (feuilles vertes).