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ARTICLE 1157

PROCEDURE.

Litige entre parties. - Mise en cause du Conservateur.
Absence de grief contre lui. - Irrecevabilité

ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE DU 3 AVRIL 1979

Faits. - Par une ordonnance du 29 août 1978, le Président du Tribunal de Grande Instance de Grasse a rétracté une précédente ordonnance du 13 juillet 1978 par laquelle il avait autorisé la société X... à prendre contre la société Y... une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire ; il a ordonné en conséquence la mainlevée de l'inscription requise en vertu de l'ordonnance rétractée.

La société X... a interjeté appel contre l'ordonnance du 29 août 1978 et elle a appelé devant la Cour d'Appel, non seulement la société Y..., mais encore le Conservateur qui avait déjà été mis en cause en première instance.

Dans ses conclusions en défense, notre collègue a fait valoir que des textes impératifs lui imposent l'obligation d'accomplir, dans les conditions prévues par la loi, les formalités hypothécaires régulièrement requises et qu'il est inutile et même abusif de l'assigner à cette fin en justice.

Cette argumentation a été retenue par la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence qui, par un arrêt du 3 avril 1979, a mis le Conservateur hors de cause.

La décision est, sur ce point, ainsi motivée :

" Sur la mise en cause du Conservateur des Hypothèques :

" Celui-ci a été assigné en première instance, non pas pour être condamné, mais pour être présent aux débats et entendre prononcer la mainlevée des inscriptions hypothécaires.

" Il a été attrait en cause d'appel par la (société X...) qui ne demande rien à son encontre, pas plus d'ailleurs que la société Y... qui ne sollicite que la confirmation de l'ordonnance attaquée, laquelle est muette à propos dudit Conservateur.

" Au vu de cette situation, il y a lieu de le mettre hors de cause, sa présence à l'instance n'étant nullement nécessaire pour que la décision qui sera prise s'impose à lui. "

Observations. - Fréquemment, en cas d'action en justice tendant à la radiation d'une inscription hypothécaire, le débiteur assigne non seulement le créancier, mais aussi le Conservateur sans formuler contre ce dernier de grief particulier.

Cet appel en cause n'est pas justifié.

D'une part, en effet, le Conservateur n'a pas à prendre parti dans les conflits d'intérêts que soulèvent entre parties les formalités hypothécaires ; il doit au contraire y rester étranger.

D'autre part, si sa mise en cause a pour objet de lui rendre opposable la décision à intervenir qu'il sera appelé à exécuter, elle est inutile, la législation en vigueur traçant les règles selon lesquelles il est tenu d'accomplir les formalités hypothécaires lorsqu'elles sont régulièrement requises.

Le Conservateur ainsi assigné à tort ne peut dès lors que demander sa mise hors de cause et celle-ci lui est presque toujours accordée, aussi bien en première instance (v. Bull. A.M.C., art. 7, 93, 471, 502, 516, 552, 681 et 973), qu'en appel (v. Bull. A.M.C., art. 123, 353, 514, 515, 528, 551 et 615).

Certaines des décisions, qui ont mis le Conservateur hors de cause ont même reconnu le caractère abusif de son appel à l'instance et lui ont alloué des dommages-intérêts (C. Aix-en-Provence, 15 janvier 1949, J.C.P. 1949-II-4814 ; Toulon, 20 juin 1951, Bull. A.M.C., art. 93 ; Sétif, 26 février 1957, Bull. A.M.C., art. 308 ; C. Bordeaux, 29 janvier 1962, Bull. A.M.C., art. 514 ; C. Aix-en-Provence, 24 juin 1964, Bull. A.M.C., art. 615 ; Fontainebleau, 27 janvier 1971, Bull. A.M.C., art. 681 ).

Actuellement, une telle allocation, destinée à dédommager le Conservateur des frais qui ne seraient pas couverts par la condamnation de l'adversaire aux dépens, trouverait son fondement dans l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 2048 et 2052; Jacquet et Vétillard, V° Jugement de radiation, n° 57 et 62.