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ARTICLE 1250

PUBLICITE FONCIERE.

Effet relatif des formalités..
Titre du disposant sous seings privés.
Décision de justice statuant sur une difficulté portant sur l'exécution de la convention de ce titre.
Conséquences.

PROCEDURE.

Indemnité pour frais non inclus dans les dépens.
Instance devant le Président du Tribunal. - Frais d'avocat.
Allocation d'une indemnité au Conservateur non justifié.

ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LYON DU 8 FEVRIER 1982

Faits. - Aux termes d'un acte sous seings privés du 1er octobre 1974, la Société."Clinique Saint-Sauveur" a vendu un immeuble à la Société " Clinique Sainte-Nicole ". Il a été convenu dans l'acte que la vente serait réitérée par acte notarié au plus tard le 1er octobre 1975.

Cette réitération n'ayant pas eu lieu à la date prévue, la Société " Clinique Saint-Sauveur " a demandé la résolution de la vente. Mais sa demande a été rejetée par un jugement du Tribunal de Grande Instance de Lyon du 13 juillet 1979, qui a " donné acte à la Société " Clinique Sainte-Nicole " de ce qu'elle offre de régulariser la vente (du 1er octobre 1974) par acte authentique ". Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 2 juillet 1980.

Ultérieurement, par un acte notarié du 5 décembre 1981, la Société " Clinique Sainte-Nicole " a vendu l'immeuble dont il s'agit à la Communauté urbaine de Lyon (Courly). Cet acte a été publié le 17 du même mois ; mais, le 12 janvier 1982, le Conservateur des Hypothèques a rejeté la formalité en raison du défaut de publication du titre de la société venderesse.

Cette dernière a alors assigné le Conservateur devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Lyon pour faire prononcer l'annulation de la décision de rejet. Au soutien de sa demande, elle fait valoir que l'acte sous seings privés constituant le titre de la société venderesse a été authentifié par les deux décisions de justice susvisées qui ont reconnu la réalité du transfert de propriété résultant de cet acte.

Dans sa défense, notre collègue a objecté que les décisions de justice dont il s'agit n'ont nullement conféré à l'acte sous seings privés le caractère authentique et conclu au bien fondé de sa décision de rejet. Il a en outre demandé la condamnation du demandeur au payement d'une somme de 2.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Par une ordonnance du 8 février 1982, le Président du Tribunal de Grande Instance a rejeté la demande d'annulation de la décision de rejet, mais a refusé l'allocation d'une indemnité de 2.000 F demandée par le Conservateur.

Les motifs de la décision sont ainsi conçus :

" Attendu que la décision de notification de rejet de la formalité du 12 janvier 1982 est ainsi conçue : " l'immeuble sis à Villeurbanne cad. 6759 n'appartient pas à la société Sainte-Nicole ; celui-ci est propriété de la Clinique Saint-Sauveur. Le jugement du T.G.I. de Lyon du 13-VII-1979 n'authentifie pas la vente sous seing privé " ;

" Attendu que le jugement précité qui rejette la demande de résolution de la vente formée par la Clinique Saint-Sauveur a donné acte " à la société Clinique Sainte-Nicole de ce qu'elle offre de régulariser la vente par acte authentique et de régler les sommes dues ", qu'on comprend mal pourquoi maintenant la Clinique Sainte-Nicole se refuse à régulariser l'acte sous seing privé du 1er octobre 1974, alors qu'à l'époque du procès avec la Clinique Saint-Sauveur elle s'engageait à le faire ;

" Attendu qu'en droit la position de la Clinique Sainte-Nicole n'est pas plus solide ; qu'en vertu de l'article 3 du décret du 4 janvier 1955 " aucun acte ou décision judiciaire, sujet à publicité au Bureau des Hypothèques ne peut être publié au fichier immobilier si le titre du disposant ou précédent titulaire n'a été préalablement publié " ; que tel a été le cas puisqu'il s'agissait d'une mutation de droits réels immobiliers (article 8-1° a du décret); que l'article 4 du même décret exige la forme authentique de tout acte sujet à publicité ; que l'article 30 du décret concerne l'effet relatif des actes et décisions devant être publiées et qui ne l'ont pas été, effet consistant en l'inopposabilité desdits actes aux tiers ayant acquis des droits concurrents sur le même immeuble et qui ont fait l'objet d'une publicité ;

" Attendu qu'ainsi, de par l'article 34-3 du décret d'application, le Conservateur était fondé à procéder comme il l'a fait; que d'ailleurs la Clinique Sainte-Nicole a toujours la possibilité de se mettre en règle, tout au moins de se prémunir, le cas échéant, contre une quelconque réclamation ou contestation émanant de tiers répondant aux conditions de l'article 34 précité ;

" Attendu que la présence d'un conseil en référé n'est pas obligatoire, qu'il était loisible au défendeur, professionnellement spécialiste du droit de la publicité foncière, de faire valoir en personne, les arguments exposés par son conseil, qu'il n'y a pas lieu d'accorder une quelconque somme au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. "

Observations. - I. Aux termes de l'article 3 du décret du 4 janvier 1955, un acte ne peut être publié que si le titre du disposant ou dernier titulaire a été lui-même publié.

Dans le cas de la vente consentie par la Société Clinique Sainte-Nicole à la Communauté urbaine de Lyon (Courly) visée dans l'ordonnance rapportée, la difficulté portait sur le point de savoir s'il avait été satisfait à cette prescription

Le titre de la disposante ou dernière titulaire, c'est-à-dire de la venderesse consistait, au premier chef, dans l'acte sous seings privés du 1er octobre 1974 par lequel la Société Clinique Sainte-Nicole avait acquis l'immeuble en cause de la Société Clinique Saint-Sauveur. Il est incontestable que cet acte n'a pas été publié.

Mais ce titre pourrait résider également dans le jugement du Tribunal de Grande Instance de Lyon du 13 juillet 1979 (confirmé par un arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 2 juillet 1980) qui a refusé de prononcer la résolution de cette acquisition. Il faudrait toutefois, pour qu'il en soit ainsi, que la décision soit de nature par ses seules énonciations, à faire la preuve de la transmission opérée entre les deux sociétés susvisées, de telle sorte qu'elle puisse se substituer à l'acte sous seings privés du 1er octobre 1974.

Or tel n'est pas le cas. puisque le jugement a donné acte à la Société Clinique Sainte-Nicole de ce qu'elle offrait de régulariser la vente constatée par ce dernier acte, régularisation qui serait superflue si la décision du tribunal devait tenir lieu de cet acte.

Dans ces conditions. on peut considérer, bien que le jugement du 13 juillet 1979 ait été publié, que c'est à bon droit que l'ordonnance rapportée a reconnu fondé le rejet de la publication de la vente consentie par la Société Clinique Sainte-Nicole à la Courly, faute de publication du titre de la société venderesse.

Si le jugement du 13 juillet 1979 avait pu être considéré comme formant le titre de la société venderesse, l'affaire aurait soulevé une autre difficulté du fait que l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 2 juillet 1980 qui a confirmé ce jugement n'a pas été publié.

Lorsque le titre du disposant ou dernier titulaire consiste en une décision de Justice rendue en premier ressort, i1 est affecté d'une condition résolutoire, en raison de l'appel dont 1a décision est susceptible. Il ne perd son caractère conditionnel que lorsque le délai d'appel est expiré sans qu'un recours de cette nature ait été formé ou, dans le cas contraire, lorsque la décision de la Cour d'Appel est intervenue.

Par suite, les documents à publier, ensemble ou séparément, pour qu'il soit satisfait aux prescriptions de l'article 3 du décret du 4 janvier 1955 sont, selon le cas, soit la décision de justice et le certificat de non appel (1), soit cette décision et l'arrêt de la Cour d'Appel, soit seulement ce dernier arrêt s'il constitue à lui seul le titre à publier.

Au cas actuellement en cause, le défaut de publication de l'arrêt confirmatif de la Cour d'Appel aurait constitué une cause supplémentaire de rejet.

II. L'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile dispose : " Lorsqu'il parait inéquitable de laisser à la charge d'une partie les honoraires et tous autres frais non inclus dans les dépens, le juge peut condamner l'autre partie à lui payer la somme qu'il déterminer. "

L'ordonnance rapportée décide que, lorsqu'un Conservateur des Hypothèques se fait représenter par un avocat devant le Président du tribunal, la disposition susvisée n'est pas applicable pour ce qui concerne les frais de l'avocat étant donné que le recours à ce conseil n'est pas obligatoire dans les instances de cette nature et que le Conservateur " professionnellement spécialiste du droit de la publicité foncière " est en mesure de présenter personnellement ses moyens de défense.

Il ne faut pas, à notre avis, considérer ce refus comme une décision de principe.

Les circonstances d'une affaire peuvent justifier le recours aux services d'un avocat, même si la présence de ce conseil a l'instance n'est pas obligatoire ne serait-ce que lorsque le tribunal n'a pas son siège dans la même localité que la conservation. C'est dans chaque cas particulier que le juge est appelée à apprécier si le concours d'un avocat était ou non justifié.

Annoter : C.M.L. 2° éd. : I. n° 490 A, k, IV (feuilles vertes) ; II. n° 2052.

 (1) La publication du certificat de non-appel pourrait se heurter à des difficultés si l'on appliquait rigoureusement les textes. En fait, on conseille aux collègues de ne pas soulever la question de savoir si les certificats dont il s'agit, qu'ils soient délivrés par un greffier ou un avocat, revêtent le caractère authentique. D'autre part, pour l'annotation de ces certificats au fichier, on peut pour ce qui concerne l'identité des parties et la désignation des immeubles en cause, se reporter aux énonciations du jugement publié avant ou en même temps que le certificat.