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ARTICLE 1296

Publicité foncière. - Fichier immobilier. - Etats hypothécaires.
Délivrance de renseignements. - Inscriptions radiées ou périmées.

Question. - Pour en tirer argument dans une procédure qu'il a entamé, au sujet de la portée d'un legs, contre le propriétaire d'immeubles ayant fait l'objet de publication au fichier immobilier d'une Conservation, un tiers a demandé de lui délivrer une copie des fiches personnelles de ce propriétaire en y mentionnant " Toutes inscriptions radiées ou périmées ". A l'appui de sa réquisition, il produit une ordonnance sur requête du Président du Tribunal de Grande Instance devant lequel il a assigné le propriétaire en cause, ordonnance " autorisant " le conservateur des Hypothèques à délivrer les références ou copies de toutes inscriptions relatives aux immeubles appartenant à. "

Quelle suite doit-on réserver à cette demande ?

Réponse. - Il est de principe qu'une inscription radiée ou périmée n'a plus aucune portée juridique. Le créancier qui a consenti valablement une mainlevée ou qui a laissé s'achever le délai de péremption a définitivement perdu son droit hypothécaire. Au regard des tiers, " l'inscription radiée est comme si elle n'avait jamais existé " (Jacquet et Vétillard, traité p. 10, n° 5). C'est pourquoi l'article 2196 du Code Civil limite aux inscriptions subsistantes l'obligation faite aux Conservateurs de délivrer copie des documents déposés à leur bureau. De même l'article 2197 du même Code prévoit que la responsabilité personnelle du Conservateur est engagée en cas d'omission dans un certificat par lui délivré d'une ou plusieurs inscriptions existantes.

Les termes " subsistantes " et " existantes " figuraient d'ailleurs dans la rédaction des articles 2196 et 2197 C. Civ. antérieure à la réforme de 1955. Mais leur portée a été étendue et précisée par l'article 43 du décret du 14 octobre 1955, selon lequel les copies " des fiches de propriétaires ou d'immeubles délivrées aux requérants doivent comporter toutes les annotations de formalités visées par la réquisition même si elles sont soulignées en rouge sur les fiches... à l'exception toutefois des annotations relatives aux inscriptions ou saisies périmées ou radiées ". Pour assurer, au plan pratique, le respect de ces prescriptions lorsque la copie demandée est établie au moyen d'un appareil de reprographie, la Direction Générale a prescrit de recouvrir d'un cache les annotations concernant les inscriptions périmées ou radiées (cf. notamment Instruction du 1er juin 1981, B.O.D.G.I. 10 F 3-81 n° 107).

En présence d'une disposition aussi catégorique, il n'est plus possible de suivre l'opinion exprimée dans le Précis de MM. Chambaz, Masounabe-Puyanne et Leblond (n° 1632, p. 444, et n° 1713, p. 468) selon laquelle le Conservateur serait tenu de délivrer même les inscriptions ayant cessé d'exister lorsqu'il en est expressément requis. Fondées sur deux décisions de jurisprudence très anciennes, rendues dans des circonstances de fait non précisées, cette opinion se heurte aujourd'hui au texte impératif du décret du 14 octobre 1955.

Sans doute l'existence d'un préjudice causé par la délivrance d'une inscription radiée serait-elle difficile à établir lorsque la réquisition est formulée par le créancier au profit de qui l'inscription avait été prise, ou a fortiori par le débiteur, mais il en est différemment lorsqu'elle émane d'un tiers qui entend utiliser le document obtenu contre le propriétaire de l'immeuble concerné. En pareille situation, qui est celle examinée ici, ce propriétaire pourrait reprocher au Conservateur une faute constitutive de préjudice. Il est, sans incidence, à cet égard, que le demandeur de l'état ait obtenu une ordonnance sur requête autorisant le Conservateur à lui délivrer les renseignements qu'il souhaite obtenir. Cette procédure n'est prévue par aucun texte en matière de publicité foncière, la compétence du juge des référés, étant, d'ailleurs, strictement limitée à l'appel des décisions du Conservateur prononçant le rejet d'une publication (cf. Cass. Civ. 30 mai 1978; Bull. A.M.C., art. 1132). A fortiori, une ordonnance sur requête oui n'est pas opposable au propriétaire des immeubles en cause (art. 493q C. Proc. Civ.) ne saurait fait échec aux dispositions précitées.

Annoter : Jacquet et Vétillard, traité p. 10, n° 5; Bull. A.M.C. art. 1132.