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ARTICLE 1300

Radiations. - Hypothèque constituée pendant une indivision.
Attribution de l'immeuble à un autre co-indivisaire.
Référence à l'article 2125, al. 1 du Code Civil insuffisante pour permettre la radiation.
Radiation judiciaire. - Acte judiciaire de caractère authentique.
Pouvoirs du juge.

Questions. - I. - Une ordonnance de référé rendue, à la requête de attributaire d'un immeuble, a constaté qu'à la suite d'un partage et en application des dispositions combinées des articles 883 et 2125, al. 1 du Code Civil, diverses inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires ou autres étaient devenues caduques et en a prescrit la radiation.

Deux créanciers seulement sur quatre étaient représentés. Ils ne se sont pas opposés à la demande.

La seule caducité des inscriptions permet-elle de procéder aux radiations ordonnées ?

II. - Peut-on considérer que les créanciers représentés qui ont admis la caducité, ont ainsi donné leur consentement à la radiation des inscriptions dont ils bénéficiaient ?

Le silence des deux autres créanciers peut-il être assimilé à un consentement ?

Réponses. - I. - Toute hypothèque constituée pendant une indivision est subordonnée, dans sa validité, à la condition de l'attribution de l'immeuble grevé à celui contre lequel elle a été prise. Mais l'attribution de l'immeuble à un autre co-indivisaire n'empêche pas l'inscription de continuer à exister matériellement et sa caducité, envisagée par l'article 2125, al. 1 du Code Civil, n'est pas suffisante pour permettre la radiation.

En effet, il ne rentre pas dans la mission du Conservateur d'apprécier les effets civils des actes ou événements qui entraînent l'extinction de l'hypothèque et cette extinction ne porte nulle atteinte à la règle de l'article 2157 du Code Civil d'après laquelle les inscriptions sont rayées du consentement des parties intéressées ou en vertu d'un jugement passé en force de chose jugée. D'ailleurs, l'article 2160 du Code Civil envisage expressément le cas où la radiation doit être ordonnée par les voies légales (Jacquet et Vétillard, V° Successions, n° 17 ; Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 976).

II. - Les deux créanciers représentés à l'audience ne s'étaient pas opposés à la requête du demandeur tendant à obtenir la reconnaissance de la caducité des inscriptions et leur radiation. En ce qui les concerne, l'ordonnance n'est pas une décision de justice contentieuse puisqu'elle ne statue pas sur un différend. C'est un acte judiciaire de caractère authentique (C. Riom, 14 janvier 1'9°52 - Bull. A.M.C. 123) qui, constatant le consentement tacite des créanciers renferme l'équivalent d'une mainlevée volontaire, recueillie par un juge et non par un notaire. (Cf Jacquet et Vétillard, jugement de radiation n° 52 - 3° al.). Les règles de compétence qui régissent les décisions de justice contentieuses ne lui sont pas applicables et, spécialement, le juge pouvait prescrire, comme conséquence du consentement des créanciers, la radiation des inscriptions de quelque nature qu'elles soient. (Bull. A.M.C., art. 1228.)

Le consentement prévu par l'article 2157 du Code Civil ne peut se présumer. L'officier ministériel qui établit l'acte authentique (art. 2158, Code Civil) doit constater l'accord des parties intéressées à la radiation par comparution personnelle ou par mandataire. Vis-à-vis des deux créanciers non représentés, l'ordonnance ne remplit pas ces conditions, car il n'y a pas consentement constaté par le jugement mais carence des inscrivants.

L'ordonnance conserve donc son caractère de décision judiciaire provisoire. Comme telle, elle n'a pas l'autorité de la chose jugée (art. 488, Code Proc. Civ.) et ne permet pas de procéder aux radiations ordonnées.

- Sur un plan pratique toutefois la difficulté demeure dès lors que deux créanciers sur quatre n'ont pas comparu à l'audience des référés, par eux-mêmes ou par un représentant et ne peuvent, par conséquent, être considérés comme ayant acquiescé à la décision du juge. (Cf art. 1228, A.M.C. précité.)

La décision du juge est inapplicable dans son ensemble tant que les créanciers défaillants n'auront pas comparu à une nouvelle audience ou, à tout le moins, fait part de leur acquiescement à cette décision.

Dès lors, la solution consisterait à faire prendre par le Tribunal de Grande Instance un jugement qui, lorsqu'il serait passé en force de chose jugée, permettrait d'effectuer sans problèmes la radiation de toutes les inscriptions prises.

Annoter : Jacquet et Vétillard, V° Successions n° 17 et Jugement de radiation n° 52 - 3° al. - Masounabe, 2° éd., n° 976 - Bull. A.M.C., art. 123 et 1228.