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ARTICLE 1311

INSCRIPTIONS.

Hypothèque judiciaire définitive. - Identité du débiteur.
Ordonnance de référé du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris
du 19 décembre 1983

Nous, Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil ;

Vu l'assignation introductive de la présente instance en référé (l0 octobre 1983) et les motifs y énoncés ;

Vu les conclusions déposées au nom du Conservateur des Hypothèques de Paris (8° bureau), partie défenderesse à l'instance ;

Attendu que, suivant ordonnance du 2 janvier 1981, la Société Petrogas Industrie Anlagen Gmbh, société de droit allemand (en abrégé, Société Petrogas) a été autorisée, par application de l'article 54 du Code de Procédure Civile, à prendre une inscription d'hypothèque provisoire pour un immeuble sis a Paris, 28, avenue Foch (lots 7 et 42), " appartenant à l'établissement Sumawara Anstalt, Vaduz-Lichstenstein" et ce pour sûreté et conservation d'une somme de 5 millions de francs à laquelle a été provisoirement évaluée la créance de ladite société Petrogas;

Attendu que, par la même ordonnance, cette Société Petrogas se voyait imposer l'obligation d'assigner "au fond", l'établissement Sumawara;

Attendu que l'inscription provisoire d'hypothèque a été effectivement prise le 12 janvier 1981 (volume 130, n° 83) sur l'immeuble susvisé, le propriétaire subissant cette charge étant l'établissement Sumawara, selon acte d'achat du Ministère de M Peloni, Notaire associé à Paris du 30 octobre 1979, publié le 21 décembre 1979, volume 2723, n° 15;

Attendu que, par la présente assignation en référé, la Société Petrogas nous demande d'imposer au Conservateur des Hypothèques (8° bureau), seul défendeur à l'instance, de publier une inscription d'hypothèque judiciaire définitive sur l'immeuble en question (lots 7 et 42) et de dire que cette inscription se substituera à l'hypothèque judiciaire provisoire prise en vertu de l'ordonnance du 2 janvier 1981 ;

Attendu qu'au soutien de sa demande, la Société Petrogas prétend que l'appartement sis à Paris, 28, avenue Foch, n'est pas la propriété de l'établissement Sumawara, lequel établissement ne serait qu'une " entité fictive " n'ayant en France aucune existence juridique parce que créé en vue de frauder la loi française ;

Qu'elle affirme que l'appartement est la propriété " de fait et de droit " un sieur Peter Klein, contre lequel elle a obtenu un jugement définitif le condamnant au paiement d'une somme, en principal, de 29.500.000 D.M. (jugement du 24 mai 1983 du Tribunal de Grande Instance de Paris (5° chambre) et que, par voie de conséquence, la sûreté née de l'inscription d'hypothèque provisoire doit se voir substituer une sûreté définitive à l'encontre du propriétaire " réel " de l'immeuble grevé ;

Attendu que le défendeur à l'instance s'oppose à la demande de la Société Petrogas, au motif qu'il est impossible, " en l'état des documents présentés " de soutenir que Peter Klein et la Société Petrogas ne constituent qu'une seule et même personnes;

Qu'il fonde son refus de déférer à la réquisition de la Société Petrogas sur les dispositions de l'article 54- 1, alinéa 2, du décret du 14 octobre 1955 ;

Attendu que l'action en " substitution " formée par la Société Petrogas ne saurait se dérouler en l'absence de ceux qui, tenus pour les contradicteurs légitimes, ont seuls les moyens de fait et de droit de s'y opposer.

Attendu que la Société Petrogas, à qui l'ordonnance d'autorisation du 2 janvier 1981 faisait obligation d'assigner au fond l'établissement Sumawara, tenu pour être apparemment son débiteur, ne s'est pas acquittée de cette obligation ;

Qu'elle n'a formé aucune action en déclaration de fictivité contre cette société, ni même contre Peter Klein, bien qu'elle eût la possibilité de le faire à l'occasion de l'instance qui a abouti au jugement de condamnation du 24 mai 1983 ;

Attendu certes que ce jugement contient la mention que " Peter Klein avait créé dans le même cadre un autre établissement unipersonnel de la Sumawara qui lui a permis d'acheter l'immeuble lots 7 et 42 de l'avenue Foch " ;

Mais attendu qu'une telle mention, formulée de façon incidente, ne saurait avoir les caractères d'un motif décisoire, et ne saurait être revêtue de l'autorité de la chose jugée, alors qu'elle est sans lien direct avec l'objet de la demande en validité de saisie-arrêt dont le tribunal était seulement saisi et qu'elle ne constitue pas le soutien nécessaire du dispositif du jugement ;

Attendu qu'il importe peu que ce même jugement ait mis à la charge de Peter Klein les dépens nés de l'inscription d'hypothèque provisoire autorisée par l'ordonnance du 2 janvier 1981, dès lors que, de façon manifeste, les débats n'ont pas porté sur la prétendue fictivité de l'établissement Sumawara et qu'il ne se déduit pas nécessairement du jugement que Sumawara et Peter Klein sont une seule et même personne ;

Attendu que faire droit à la demande de la Société Petrogas reviendrait à bouleverser, hors la présence des seuls intéressés et au vu de simples présomptions de l'homme (certes graves mais non suffisamment précises et concordantes) un ordre juridique né d'un acte authentique d'achat (30 octobre 1979), légalement et régulièrement publié le 21 décembre 1979, bouleversement auquel le Conservateur des Hypothèques, seul défendeur à la présente instance, s'est justement refusé et qui ne saurait résulter d'une simple formalité de substitution d'inscription;

Attendu que ni les dispositions de l'article 26 du décret du 4 janvier 1955 ni celles de l'article 811 du Nouveau Code de Procédure Civile, toutes dispositions successivement invoquées par la Société Petrogas, ne sauraient servir à fonder, par la voie et en la forme des référés, une décision constitutive de droit et de caractère pétitoire évident ;

Par ces motifs :

Rejetons la demande présentée par la Société Petrogas suivant assignation du 10 octobre 1983 ;

Condamnons cette société aux dépens.