Retour

ARTICLE 1334

RADIATIONS.

Mainlevée judiciaire. - Inscription d'hypothèque judiciaire provisoire.
Décision judiciaire ordonnant la radiation et assortie de l'exécution provisoire.

Question. - Par un jugement du 4 juin 1984 un Tribunal de Grande Instance a condamné une Société civile immobilière à payer à un architecte le solde des honoraires qui lui étaient dus. Il a ordonné, d'autre part, la mainlevée partielle de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, prise au profit de l'architecte et concernant un certain nombre de lots d'un ensemble immobilier appartenant à cette S.C.I. Mais, pour un des lots (n° 647) qu'il a dégrevé, le même Tribunal a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Dans le différend qui l'oppose à l'avocat au sujet de l'exécution de cette décision, le Conservateur des hypothèques a fait valoir qu'il ne pouvait opérer la radiation de l'inscription requise, dès lors que la décision du juge ne semble pas entrer dans la catégorie des ordonnances de référé prescrivant la radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, en exécution des articles 489 - 1er alinéa et 514 - 2° alinéa du nouveau Code de Procédure Civile.

Le Conservateur estime que la radiation ne pourra être opérée que conformément aux prescriptions de l'article 2157 du Code Civil, c'est-à-dire en vertu d'un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée.

Réponse. - La question posée appelle les observations suivantes :

L'article 2157 du Code Civil stipule que les inscriptions des privilèges et hypothèques sont rayées du consentement des parties intéressées et ayant capacité à cet effet, ou en vertu d'un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée.

Toutefois, par un arrêt rendu le 21 novembre 1978, publié et commenté sous l'article 1134 du Bulletin de l'A.M.C., la Cour de Cassation a estimé que l'article 2157 " est étranger à l'institution de l'hypothèque judiciaire provisoire dont la constitution et la radiation sont réglementées spécialement par les articles 54 et 55 du Code de Procédure Civile ".

L'A.M.C. a commenté cet arrêt, non seulement sous l'article 1134, mais encore sous les articles 1153, 1199 et 1304 de son Bulletin.

La position est la suivante (A.M.C., art. 1153) :

Dans tous les cas où une ordonnance du juge des référés prescrit la radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, les Conservateurs doivent effectuer immédiatement la formalité, sans attendre l'expiration du délai d'appel ou, si l'appel est déjà formé, sans attendre la décision de la Cour d'Appel, même si l'ordonnance ne prescrit pas expressément l'exécution provisoire.

Mais ce régime, fondé par l'arrêt du 21 novembre 1978, est celui des ordonnances de référé : il n'a pas été étendu aux jugements.

Ceux-ci, sous l'angle de l'exécution provisoire. sont régis par les articles 514 et suivants du nouveau Code de Procédure Civile.

L'article 515 décide notamment " hors des cas ou elle est de droit (cas délimités par l'article 514) l'exécution provisoire peut être ordonnée à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.

Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation.

D'ailleurs, la Cour de Cassation (2° chambre civile) dans son arrêt du 7 janvier 1982, n° 80-15637 (Bulletin des arrêts de la Cour 1982 II, n° 5) qui malgré une certaine obscurité découlant de la rédaction abusivement concise du premier attendu, vise bien " un jugement " a expressément déclaré " qu'aucune disposition n'interdit d'assortir de l'exécution provisoire un jugement ordonnant la mainlevée d'une hypothèque conservatoire ".

Transposées à l'espèce évoquée dans la question, ces observations amènent aux conclusions suivantes :

Comme il est évident, et d'ailleurs indiscuté, que la décision de justice du 4 juin 1984 est, tant dans la forme qu'au fond, un jugement et non une ordonnance de référé, c'est à bon droit qu'a été exclue l'hypothèse d'une exécution provisoire de la mainlevée fondée sur les articles 489, 1er alinéa et 514, 2° alinéa du nouveau Code de Procédure Civile.

Le jugement ne se trouve pas, pour autant, amputé de toute possibilité d'exécution provisoire. En effet, le juge a très expressément usé, dans le cadre des textes légaux, de son pouvoir, reconnu par la Cour Suprême, d'assortir sa décision de l'exécution provisoire.

Mais il en a limité l'usage à la radiation de l'inscription grevant la seule parcelle n° 7.

Aucun élément du dossier communiqué ne permet de discerner pour quel motif cette parcelle bénéficie d'un sort privilégié.

Mais cet aspect du problème échappant, bien entendu. à la compétence du Conservateur des hypothèques, il lui appartient seulement d'exécuter la décision de radiation dès l'instant ou elle est légale et explicite, puisque le jugement " ordonne, du chef de la radiation d'inscription concernant le lot n° 647, l'exécution provisoire du présent jugement ".

L'exécution provisoire n'étant pas requise pour la radiation des inscriptions grevant les autres parcelles, le Conservateur des hypothèques ne peut, semble-t-il, qu'attendre la décision prise à leur sujet pat l'arrêt à venir de la Cour d'Appel.