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ARTICLE 1344

RADIATIONS.

Mainlevée judiciaire.
Ordonnance de référé prescrivant la radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire prise en vertu d'une ordonnance sur requête portant injonction de payer.
Exécution impossible lors même que les débiteurs n'étaient bénéficiaires que d'une vente à terme - ultérieurement résolue - de l'immeuble grevé.

Question. - Par acte d'huissier du 5 novembre 1984, a été notifiée au Conservateur une ordonnance de référé rendue le 12 octobre précédent par le juge au Tribunal d'Instance, prescrivant la radiation de l'inscription d'hypothèque judiciaire prise le 11 décembre 1978 en vertu d'une ordonnance sur requête du 8 mars 1978 portant injonction de payer.

Le Conservateur devait-il procéder à la radiation?

Réponse. - L'inscription en cause n'étant pas celle d'une hypothèque judiciaire provisoire, le Conservateur ne pouvait pas déférer à la réquisition de radiation.

Il s'agissait, en effet, de l'inscription d'une hypothèque judiciaire de l'article 2123 du Code Civil et non d'une hypothèque provisoire prévue par les articles 54 et suivants du Code de Procédure Civile (ancien).

L'article 15 du décret n° 72-790 du 28 août 1972, relatif au recouvrement de certaines créances, qui réglemente la procédure d'injonction de payer, est formel sur ce point. Il précise qu'une fois revêtue du visa du Juge qui l'a rendue, l'ordonnance portant injonction de payer produit tous les effets d'un jugement contradictoire.

Par ailleurs, la circonstance que les débiteurs n'étaient bénéficiaires que d'une vente à terme des biens grevés - vente dont la résolution a été constatée par un acte notarié du 18 octobre 1983 - n'affectait pas la validité de l'inscription prise contre eux, le 11 décembre 1978.

En effet, la vente à terme est définie par l'article 1601-2 du Code Civil.

Il résulte de cet article que la signature d'un contrat de vente à terme n'a pas pour effet d'opérer le transfert immédiat du droit de propriété mais seulement de concrétiser les engagements suivants :

- pour le vendeur, celui de livrer l'immeuble à son achèvement ;

- pour l'acquéreur, celui d'en prendre livraisons et d'en payer le prix à la date de sa livraison.

Lorsque l'immeuble est achevé, son achèvement doit être constaté suivant les règles tracées par l'article 2 du décret n° 67-1166 du 22 décembre 1967 (Code de la Construction et de l'Habitation, art. R 261-2). Cette constatation opère le transfert de propriété rétroactivement au jour de la vente.

L'acquéreur est donc placé pratiquement dans la situation d'un acquéreur sous condition suspensive de l'exécution des engagements respectifs pris par le vendeur et par l'acquéreur.

Cette conclusion se trouve, d'ailleurs, confirmée par l'article 3 du décret susvisé (Code de la Construction et de l'Habitation, art. R 261-3), aux termes duquel " la vente est soumise aux règles de la publicité foncière dans les mêmes conditions que la vente sous condition suspensive ".

La vente à terme doit, dès lors, être obligatoirement publiée dans le délai légal (A.M.C. 619).

Quant au droit conditionnel de l'acquéreur à terme, il peut, conformément a l'article 2125 du Code Civil, être grevé hypothèque (V. au surplus A.M.C. 1115); mais cette sûreté est soumise à la condition qui affecte le droit de l'acquéreur.

Il ressort de ces observations que l'inscription requise, le 11 décembre 1978 ne pouvait être refusée.

Du fait de la défaillance des acquéreurs, l'hypothèque ayant fait l'objet de cette inscription se trouve frappée de caducité.

Il n'en reste pas moins que cette inscription subsiste à la Conservation des Hypothèques et que sa radiation - qui relève des dispositions de l'article 2157 du Code Civil - ne pourra être opérée que du consentement des parties intéressées et ayant capacité à cet effet ou en vertu d'un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée.