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ARTICLE 1347

REDRESSEMENTS ET LIQUIDATIONS JUDICIAIRES.

I. - Jugement d'ouverture.
Influence sur les publications et inscriptions
.

II. - Continuation de l'entreprise.
Publication des jugements comportant une inaliénabilité temporaire.

III. - Liquidation judiciaire. - Réalisation de l'actif.

IV. - Radiation des inscriptions.

La loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire et la liquidation de biens a été abrogée, dans ses dispositions essentielles, par l'art. 238 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985.

Cette dernière loi a institué, en effet, de nouvelles procédures de règlement collectif, à savoir le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire pouvant faire suite à ce redressement.

Le décret n° 85-1388 du 7 décembre 1985 est venu compléter la loi en question.

Les nouvelles dispositions s'appliquent, d'après les articles 240 et 243 de la loi et les articles 198 et 199 du décret, aux procédures ouvertes depuis le 1er janvier 1986.

La loi du 25 janvier 1985 et le décret précité renferment un certain nombre de mesures concernant directement la publicité foncière ou influant indirectement sur cette publicité. De ce fait, les conservateurs vont se trouver confrontés à quelques problèmes.

Avant d'examiner ceux-ci, il convient de faire deux remarques.

Dans les nouvelles procédures, l'hypothèque légale de la masse des créanciers a disparu avec la suppression de cette masse, ce qui va mettre un terme aux difficultés nées de la radiation de cette sûreté.

Par ailleurs, le décret du 27 décembre 1985 soumet le jugement de redressement judiciaire à une certaine publicité ; mais il ne s'agit pas de publicité foncière. Aucune publicité de l'espèce n'est également prévue pour l'acte ou la décision mettant fin au redressement ou à la liquidation.

Certes, il résulte de plusieurs des dispositions de la loi de 1985 et notamment de ses articles 33, 34, 107 et 108 que le chef d'entreprise ne peut plus disposer librement de ses biens à compter du jugement de redressement, ce qui pourrait être assimilé à une restriction au droit de disposer ; mais le jugement en question n'en tombe pas pour autant sous le coup de l'article 28, 2° du décret du 4 janvier 1955, car cette disposition ne vise que les actes à l'exclusion des décisions judiciaires et ne concerne, au surplus, que les actes dressés distinctement pour constater des restrictions au droit de disposer, ce qui n'est pas le cas du jugement de redressement qui a d'autres finalités.

Cela dit, les principales modifications apportées par les nouveaux textes sur le plan de la publicité foncière peuvent être classées comme suit :

I. - Jugement de redressement judiciaire.
Influence sur les publications et inscriptions.

L'article 2147 du Code civil énonce, dans Son alinéa 3, que " en cas de ...faillite ou de règlement judiciaire, l'inscription des privilèges et des hypothèques produit les effets réglés par les dispositions ...sur la faillite et le règlement judiciaire ". Or, la loi du 25 janvier 1985, qui réglemente dorénavant les procédures de règlement collectif, renferme, Sous la rubrique " l'interdiction des inscriptions ", un article 57 dont l'alinéa 1er est ainsi conçu :

" Les hypothèques (nantissements), privilèges ainsi que les actes et décisions judiciaires translatifs ou constitutifs de droits réels ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire ".

Le mot " inscrits " doit évidemment être entendu, pour les actes et décisions visés par ce texte, dans le sens de " publiés ".

Par ailleurs et bien que l'article 57 ne le prévoie pas, tout laisse à penser que l'interdiction édictée cesse seulement à la clôture du redressement ou, si celui-ci est suivi d'une liquidation judiciaire, à la clôture de cette liquidation.

Enfin, le texte ne précise pas si cette interdiction concerne ceux qui déposent des documents à la Conservation des hypothèques ou ceux qui les reçoivent, c'est-à-dire les conservateurs. Autrement dit, la disposition dont il s'agit doit-elle être considérée comme relevant avant tout du droit des affaires ou comme étant propre au droit de la publicité foncière?

Il est difficile de trancher cette question car, si l'article 57 fait partie intégrante d'un texte afférent au droit des affaires et prévoit lui-même, dans ses deux alinéas suivants des exceptions relatives au Trésor public et au vendeur de fonds de commerce, c'est-à-dire à des personnes pouvant requérir des formalités de publicité foncière, il n'en reste pas moins que celui qui est chargé d'effectuer la publicité elle-même est le conservateur.

Quoi qu'il en soit, il ne semble pas que le conservateur ait à tenir compte de l'interdiction de publier ou d'inscrire à partir du jugement de redressement.

L'article 2199 du Code civil lui interdit, en effet, de refuser ou de retarder l'exécution d'une formalité dans tous les cas où il n'est pas fondé, conformément aux dispositions sur la publicité foncière, à refuser le dépôt ou à rejeter la formalité. Et, se basant sur ce texte, la Cour de Cassation a décidé qu'il ne peut refuser le dépôt ou rejeter la formalité " que dans les cas limitativement énumérés par la loi ". (Cass. Civ. III, 14 mars 1968, Bull. A.M.C., art. 734.)

Or, l'article 57 de la loi de 1985 ne parle ni de refus, ni de rejet. Sans doute, a-t-il été jugé, à l'occasion de l'article 21 du décret n° 76-1240 du 29 décembre 1976 sur les plus-values immobilières selon lequel l'accomplissement de la formalité est " subordonné " à l'existence de certaines mentions, que le refus de publier était la conséquence implicite, mais nécessaire de ce texte et que l'instruction du 29 avril 1977 où figurait le mot " refus " n'avait pas, dès lors, à être annulée (Cons. d'Etat, 9 novembre 1979 : J.C.P. éd. N, 1981 II, p. 69). Mais, aucune instruction qui assimilerait à un refus de dépôt d'interdiction contenue dans l'article 57 de la loi de 1985 n'a encore été prise.

Cette assimilation pourrait-elle être faite que le Conservateur ne pourrait refuser le dépôt d'une pièce que s'il pouvait avoir la certitude, par le seul examen de celle-ci, que la personne qui dispose de son bien a fait l'objet d'un redressement judiciaire et que ce redressement ou la liquidation qui a suivi n'est pas encore clôturé le jour du dépôt, dès lors que, comme il a déjà été dit, les décisions d'ouverture et de clôture de ces procédures de règlement collectif n'ont pas à être publiées au Bureau des Hypothèques. Il est rappelé, en effet, que, mis à part les actes de mainlevée, les conservateurs n'ont pas à se préoccuper de la validité ou de l'efficacité des documents déposés à leur bureau, ni à faire de recherches extrinsèques.

Or, l'hypothèse dans laquelle il serait certifié dans la pièce déposée que le disposant ou le constituant a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire et que ce redressement, suivi éventuellement d'une liquidation judiciaire, n'est pas encore clôturé semble relever plus de la théorie que de la pratique.

Dans ces conditions et hormis peut-être ce cas particulier, l'Association estime que ses membres n'ont pas actuellement à se préoccuper des dispositions de l'article 57 de la loi du 25 janvier 1985

L'interdiction contenue dans ce texte a, d'ailleurs, un champ d'application restreint et comporte, à l'intérieur même de ce champ d'application. un certain nombre d'exceptions.

Actes et décisions judiciaires.

a ) Champ d'application du texte.

D'après l'alinéa 1er de l'article 57, l'interdiction de publier concerne uniquement les actes et décisions judiciaires translatifs ou constitutifs de droits réels (immobiliers, bien sûr, puisqu'il s'agit de publicité foncière).

Tous les documents n'entrant pas dans le cadre de cette définition ne tombent donc pas sous le coup de l'interdiction. Il en est ainsi, notamment, des baux ou cessions de loyers, des restrictions au droit de disposer, des demandes judiciaires en annulation d'actes et des décisions rejetant ces demandes, des actes déclaratifs et des promesses unilatérales de vente. Spécialement les demandes de nullité introduites après le jugement de redressement par application des articles 33, alinéas 4 ou 107 et suivants de la loi de 1985 pour des actes passés après ce jugement ou entre la cessation des paiements et ledit jugement peuvent être publiées.

Il y a lieu de remarquer, en revanche, que l'expression utilisée dans l'article 57 ne correspond pas exactement à celle de l'article 28, 1° a du décret du 4 janvier 1955 qui vise les actes et décisions judiciaires portant ou constatant " entre vifs " mutation ou constitution de droits réels immobiliers.

On peut, dès lors, se demander si les attestations de propriété après décès qui constatent la transmission ou la constitution de tels droits ne sont pas à comprendre dans les actes qui ne peuvent pas être publiés après le jugement de redressement.

L'intention du législateur paraît. d'ailleurs, de nature à exclure de l'interdiction toute une série d'actes et de décisions judiciaires.

L'article 57 est, en effet, une conséquence de la disparition de l'hypothèque légale de la masse des créanciers dont l'inscription rendait inopposable à cette masse les actes de disposition et les sûretés publiés ou inscrits postérieurement. Cette disposition a pour but évident de " geler " la situation patrimoniale de l'entreprise telle qu'elle existe à l'ouverture du redressement.

Cet article 57 semble donc permettre malgré la généralité de ses termes, de publier tout document qui n'entraînerait pas ou ne serait pas susceptible d'entraîner un appauvrissement du patrimoine de l'entreprise en difficulté. Resteraient, notamment, ainsi en dehors de l'interdiction les actes d'acquisition d'immeuble par l'entreprise, les actes par lesquels l'entreprise échangerait un de ses immeubles contre un autre de valeur équivalente ou supérieure, les donations faites à l'entreprise, les décisions judiciaires annulant des actes de disposition passés par l'entreprise (ce qui serait, d'ailleurs normal puisque les demandes en annulation et les décisions rejetant ces demandes peuvent être publiées) ou, encore, en admettant qu'elles entrent dans les documents visés par le texte, les attestations de propriété dressées, après décès, au profit de l'entreprise.

b) Exceptions proprement dites.

Quel que soit le domaine d'application de l'article 57, il faut en excepter certains documents.

Plusieurs de ces exceptions sont expressément prévues par les nouveaux textes, et d'autres découlent de ceux-ci.

Il convient de citer, notamment, à cet égard :

- les actes de disposition non compris dans la mission de l'administrateur, que le débiteur peut continuer à exercer sur son patrimoine (loi, art. 32, 1er al.) ;

- les actes de disposition, étrangers à la gestion courante de l'entreprise, qui sont passés par le chef d'entreprise ou l'administrateur après autorisation du juge-commissaire (loi, art. 33, al. 2) ;

- les décisions de justice comportant, en cas de continuation de l'entreprise, une inaliénabilité temporaire d'immeubles (loi, art. 70 et décret, art. 186 commentés infra) ;

- certains des documents dressés, en cas de liquidation judiciaire, lors de la réalisation de l'actif immobilier et, en particulier, les ordonnances du juge-commissaire autorisant la vente par saisie ou adjudication amiable et les actes ou jugements d'adjudication (loi, art. 154 et décret, art. 125 et s. commentés également infra).

D'autre part, il semble que l'on doive excepter de l'interdiction les actes ou décisions passés valablement ou rendus avant le jugement de redressement, mais non encore publiés à cette date, de même que ceux dont la publication rétroagit, en vertu de l'article 37, § 2 du décret du 4 janvier 1955, à une date antérieure audit jugement.

Privilèges et hypothèques.

a) Champ d'application du texte.

L'article 57 vise les hypothèques et les privilèges sans faire de distinction entre les différents privilèges, ni entre les hypothèques légales, judiciaires ou conventionnelles.

L'interdiction d'inscrire est donc applicable à toutes les hypothèques et à tous les privilèges.

Les inscriptions de telles sûretés étant susceptibles d'appauvrir, lorsqu'elles sont prises sur les immeubles de l'entreprise, le patrimoine de celle-ci, on ne peut invoquer ici le but poursuivi par le législateur pour réduire, en ce qui les concerne, le champ d'application de l'interdiction.

Par contre, rien ne devrait empêcher l'entreprise de prendre des inscriptions hypothécaires sur des immeubles appartenant à des tiers.

b) Exceptions proprement dites.

Le législateur lui-même a prévu plusieurs exceptions au principe de l'interdiction d'inscrire. On peut relever, entre autres, sur ce point :

- l'alinéa 2 de l'article 57 lui-même qui permet au Trésor public d'inscrire son privilège pour recouvrer certaines créances ;

- les articles 34, alinéa 2 et 78 de la loi d'après lesquels le débiteur ou l'administrateur peut proposer aux créanciers la substitution, aux garanties qu'ils détiennent, de garanties équivalentes et le juge-commissaire peut ordonner, à défaut d'accord amiable cette substitution, car la nouvelle garantie peut consister en une hypothèque ;

- l'article 107, § 7 de la loi, selon lequel l'hypothèque judiciaire prise à a suite d'une inscription provisoire antérieure à la cessation des paiements est valable, ce qui implique nécessairement de pouvoir inscrire l'hypothèque définitive.

D'autre part, en raisonnant par analogie avec cette dernière situation, il semble que les privilèges de l'article 2103 du Code civil qui, inscrits dans les délais voulus, rétroagissent à la date d'un acte (vente ou partage) ou d'un fait (décès) antérieur au jugement de redressement, ne tombent pas également sous le coup de l'interdiction d'inscrire.

En résumé, même en admettant que les conservateurs soient obligés de prendre en considération l'interdiction édictée par l'article 57, il leur faudrait faire un tri parmi les documents déposés à leur bureau.

II. - Continuation de l'entreprise.
Publicité des jugements comportant une inaliénabilité temporaire
.

D'après l'article 70 de la loi de 1985, le tribunal qui ordonne la continuation de l'entreprise peut décider, dans le jugement arrêtant ou modifiant le plan, que " les biens qu'il estime indispensables à la continuation de l'entreprise ne pourront être aliénés, pour une durée qu'il fixe, sans son autorisation " et que " la publicité de l'inaliénabilité temporaire est assurée pour les immeubles, conformément aux dispositions de l'article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ". Et il ajoute que tout acte soumis à publicité et passé en violation de ces dispositions est annulé si la demande en est présentée dans le délai de trois ans à compter de la publication.

De son côté, l'article 186 du décret du 27 décembre 1985 complète, d'une part, l'article 28, 2° du décret de 1955 en y ajoutant les jugements en question et, d'autre part, l'article 32 du même texte en ajoutant les greffiers à la liste des personnes tenues de faire publier les actes et décisions judiciaires visés notamment audit article 28, 2°.

Ces dispositions, fort claires, n'appellent pas de commentaires particuliers.

On remarquera simplement que l'article 38 du décret du 14 octobre 11955 renvoie, pour les personnes habilitées à certifier l'identité des parties, à l'article 5 du décret du 4 janvier antérieur et que ce dernier texte ne semble pas comprendre les greffiers des tribunaux de commerce qui, à l'inverse des greffiers d'autres juridictions ont, d'après l'article L 821 -2 du Code de l'organisation judiciaire, la qualité d'officiers ministériels et non de fonctionnaires

Dans le doute, il est préférable cependant, d'agir comme si les greffiers des tribunaux de commerce avaient qualité pour certifier l'identité des parties.

III. - Liquidation judiciaire. - Réalisation de l'actif.

L'article 154 de la loi du 25 janvier 1985 prévoit que, quand le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire " les ventes d'immeubles ont lieu suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière ", mais que " le juge-commissaire peut ...autoriser la vente soit par adjudication amiable..., soit de gré à gré ". Il ajoute que " les adjudications emportent purge des hypothèques " et que " le liquidateur... règle l'ordre entre les créanciers sous réserve des contestations qui sont portées devant le tribunal de grande instance ".

Les modalités d'application de cette disposition figurent dans les articles 125 et suivants du décret du 27 décembre 1985.

L'article 126 est ainsi conçu :

" L'ordonnance (du juge-commissaire autorisant la vente des immeubles par voie de saisie immobilière ou d'adjudication amiable) est notifiée à la diligence du greffier... au débiteur et aux créanciers inscrits... L'ordonnance se substitue au commandement prévu aux articles 2217 du Code civil et 673 du Code de procédure civile ; elle est publiée à la diligence du liquidateur ou du créancier poursuivant au Bureau des Hypothèques de la situation des biens dans les conditions prévues pour le commandement à l'article 674 du Code de procédure civile.

Le Conservateur des hypothèques procède a la formalité de publicité de l'ordonnance même si des commandements ont été antérieurement publiés. Ces commandements cessent de produire effet à compter de la publication de l'ordonnance. "

S'il s'agit d'une vente sur saisie, l'article 129 du décret prévoit qu'elle " est soumise aux dispositions du titre XII du livre V du Code de procédure civile (art. 673 à 717) dans la mesure où il n'y est pas dérogé par les dispositions du décret ". Or, indépendamment des dispositions précitées de l'article 126, les dérogations ne portent que sur des points secondaires n'intéressant pas directement la publicité foncière (voir, toutefois, l'art. 130 relatif aux mentions à porter sur les ordonnances du juge). D'après l'article 131, la vente de plusieurs immeubles situés dans des ressorts de tribunaux différents peut être autorisée par le juge-commissaire.

Si, au contraire, la vente est ordonnée par voie d'adjudication amiable, les articles 132 à 137 du décret édictent plusieurs règles particulières en rendant seulement applicables quelques articles du titre XII sans grand intérêt pour la publicité foncière.

L'article 132 précise, notamment, que l'ordonnance " désigne le notaire qui procédera à l'adjudication ". Et l'article 133 ajoute : " le notaire informe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception les créanciers inscrits... d'avoir à prendre communication du cahier des charges... et d'y faire inscrire leurs dires... Par la même lettre, le notaire convoque les créanciers à la vente. Le liquidateur et le débiteur sont convoqués par le notaire".

Par ailleurs, l'article 134 énonce que " si aucune enchère n'atteint le montant de la mise à prix, le notaire... peut adjuger le bien à titre provisoire ", mais qu'alors le juge-commissaire " peut soit déclarer l'adjudication définitive et la vente réalisée, soit ordonner qu'une nouvelle vente aura lieu ".

Enfin, l'article 138 indique les modalités à suivre quand le juge-commissaire a autorisé la vente de gré à gré en précisant, notamment, que " le liquidateur passe les actes nécessaires à la réalisation de la vente ".

Cette dernière procédure ne paraît pas soulever de difficulté au regard de la publicité foncière.

La vente passée par le liquidateur serra, en effet, publiée comme s'il s'agissait d'une vente amiable ordinaire. L'acte devra, toutefois, porter que le liquidateur a été autorisé, par ordonnance du juge-commissaire, à procéder à une telle vente, car, d'après les textes, l'ordonnance du juge autorisant une vente de gré a gré n'a pas à faire l'objet d'une publication spéciale. Si, néanmoins, la publication d'une ordonnance de l'espèce était requise, il semble qu'elle devrait être acceptée.

En revanche, les ventes par voie de saisie ou d'adjudication amiable risquent de poser certains problèmes aux conservateurs.

Il résulte, en effet, des articles 154 de la loi et 126 du décret précités, que l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente des immeubles de l'entreprise sous l'une ou l'autre des formes en question équivaut à un commandement de saisie immobilière et qu'elle doit être publiée même si des commandements ont déjà été publiés, ces commandements cessant alors de produire effet.

Les conservateurs devront, dès lors, accepter de publier de telles ordonnances même en cas de publication antérieure de commandements valant saisie, ce qui constitue une exception importante à la règle posée par l'article 680 du Code de procédure civile.

Bien que les textes de 1985 ne prévoient pas, en cas de commandements précédemment publiés, de porter sur ceux-ci et sur l'ordonnance du juge des mentions particulières, il semble indispensable, par analogie avec les dispositions de l'article 680, de procéder de la sorte, surtout en ce qui concerne les précédents commandements qui cessent de produire effet à partir de la publication de l'ordonnance.

Il est donc fortement conseillé de mentionner sur ces commandements, en marge de la copie conservée au bureau, l'ordonnance publiée postérieurement avec l'identité du liquidateur, nouveau poursuivant, et les références de publication (date, volume et numéro) et de porter sur l'ordonnance, en marge ou à la suite de celle-ci, les commandements déjà publiés avec l'identité des poursuivants et les références de publicité.

Les commandements ainsi annotés n'ayant pas fait l'objet d'une radiation expresse et n'étant pas déclarés périmés, il conviendra, par mesure de prudence, de les délivrer (cf. art. 44, 3° al. du décret du 14 octobre 1955) avec la mention de publication de l'ordonnance.

Si l'ordonnance publiée a autorisé la vente par voie de saisie immobilière, celle-ci pourra être annotée, en marge, de toutes les mentions prévues par les articles 673 à 717 du Code de procédure civile en matière de saisie immobilière (sommations au saisi et aux créanciers inscrits, et jugement prorogeant le délai d'adjudication, etc.).

Si, au contraires la vente a été autorisée par voie d'adjudication amiable, les textes de 1985 ne prévoient pas que le notaire chargé d'y procéder ait à faire porter en marge de l'ordonnance les mentions en question et notamment qu'il y ait à y faire mentionner la lettre recommandée qu'il adresse aux créanciers inscrits, au liquidateur et au débiteur en application de l'article 133 du décret.

Il serait plus prudent, cependant, d'accepter d'effectuer de telles mentions en marge si leur publication était requise.

Il faut noter, enfin, que l'article 47 de la loi de 1985 " arrête ou interdit " toute voie d'exécution de la part des créanciers antérieurs au jugement de redressement et donc également pendant la liquidation judiciaire de l'entreprise.

Cette disposition permettrait donc aux conservateurs de refuser, après le jugement en question, toute publication de commandement valant saisie ainsi que toute publication, en marge d'un commandement déjà publié, même s'il n'existe aucun commandement ou ordonnance du juge déjà publié. Il semble, toutefois, préférable, dans cette dernière hypothèse, d'accepter de telles publications car les conservateurs ne sont pas juges de la validité au fond des actes à formaliser.

Il faut examiner, enfin, les répercussions que peuvent avoir les nouveaux textes sur l'adjudication, sur l'ordre et sur la radiation des inscriptions qui doivent suivre normalement les ventes autorisées par le juge-commissaire.

L'art. 154 de la loi énonce à cet égard, dans un 3° alinéa, que " les adjudications réalisées en application des alinéas qui précèdent emportent purge des hypothèques " et que " le liquidateur répartit le produit des ventes et règle l'ordre entre les créanciers sous réserve des contestation qui sont portées devant le tribunal de grande instance ".

De son côté, le décret prévoit, dans son art. 140, que " l'adjudicataire fait publier au bureau des hypothèques l'acte ou le jugement d'adjudication dans les deux mois de sa date et, en cas d'appel, dans les deux mois de l'arrêt confirmatif, sous peine de revente sur folle enchère " et que l'adjudicataire doit verser à la Caisse des Dépôts et Consignations, dans les trois mois de l'adjudication, la totalité du prix d'adjudication.

L'art. 141 ajoute que " dès la publication de la vente, le liquidateur requiert du conservateur des hypothèques l'état des inscriptions conformément à l'art. 2196 du Code civil en vue de régler l'ordre entre les créanciers et procéder à la distribution du prix " et que " en cas de vente de gré à gré, le liquidateur... procède à l'ouverture de l'ordre après accomplissement des formalités de purge prescrites par les art. 2181 et suivants du Code civil et versement du prix à la Caisse des Dépôts et Consignations

Enfin, les art. 142 à 144 précisent, d'une part, que l'état de collocation est dressée par le liquidateur après versement du prix (adjudication) ou accomplissement des formalités de purge (vente de gré à gré) qu'il est clôturé après un certain délai et déposé par lui. sous forme de procès-verbal, au greffe du tribunal et, d'autre part, que, s'il y a inscription à titre conservatoire, le créancier ne peut obtenir paiement que sur présentation de l'inscription définitive prévue à l'art. 54 du Code de procédure civile et qu'en cas de mainlevée, tout intéressé peut requérir la réouverture de l'ordre.

Quant à la radiation des inscriptions, elle est réglée par les art. 145 à 147 du décret.

L'art. 145 prévoit que " lorsque le prix de vente a été payé... et que des créanciers n'ont pas donné mainlevée de leurs inscriptions, le liquidateur fait prononcer la radiation des inscriptions " et qu'il peut en être de même pour l'acquéreur après accomplissement des formalités de purge et versement du prix. Il ajoute qu'à cet effet le liquidateur ou l'acquéreur saisit le juge aux ordres près le tribunal de grande instance, lequel, après avoir statué sur les oppositions éventuelles, ordonne la radiation des inscriptions.

Et l'art. 146 est ainsi rédigé : " Le liquidateur remet au conservateur des hypothèques une expédition du procès-verbal de clôture de l'ordre, de l'ordonnance du juge des ordres prononçant la radiation des inscriptions ou l'acte par lequel les créanciers ont donné mainlevée de leurs inscriptions. Le conservateur procède à la radiation des inscriptions, mais reste tenu de procéder à l'inscription définitive prévue à l'art. 54 du Code de procédure civile. "

La publication des adjudications effectuées à la suite d'une ordonnance du Juge ayant autorisé la vente par voie de saisie immobilière ou d'adjudication amiable ne semble devoir soulever de difficultés majeures.

Il est précisé, toutefois, qu'en cas d'adjudication amiable à titre provisoire, la publication ne devrait intervenir qu'après que l'adjudication ait été déclarée définitive par le juge-commissaire. Mais, si cette condition n'était pas remplie, il serait plus prudent d'accepter néanmoins de publier.

L'attention est appelée, par ailleurs, sur la mention à porter d'office en marge de la copie de l'ordonnance d'autorisation déjà publiée.

Certes, l'art. 716 du Code de procédure civile qui oblige le conservateur à porter une telle mention ne paraît applicable qu'aux ordonnances autorisant la vente par voie de saisie car, si l'art. 129 du décret de 1985 soumet cette vente aux dispositions des art. 673 à 717 non contraires à celles édictées par ce décret (voir supra), l'art. 137 du décret ne rend pas applicables, pour les adjudications amiables, les dispositions de l'art. 716 (voir également supra).

Mais, il est préférable de mentionner dans tous les cas l'adjudication en marge de l'ordonnance.

D'autre part; la délivrance de l'état des inscriptions prévue à l'art. 141 du décret devrait avoir lieu sans difficultés.

On remarquera seulement que la levée d'un tel état, si elle présente un intérêt certain pour le liquidateur en cas d'adjudication amiable ou de vente de gré à gré où des inscriptions ont pu être prisés valablement jusqu'à la publication de l'adjudication ou de la vente et où, en outre, pour les ventes de gré à gré aucun état a pu ne pas être encore demandé, offre moins d'intérêt en cas d'adjudication par voie de saisie où un état a nécessairement été levé, par application de l'art. 674 du Code de procédure civile, après la publication de l'ordonnance et où cette publication ne permet plus de prendre utilement inscription sauf pour les privilèges rétroagissant dans le temps et l'hypothèque judiciaire définitive de l'art. 54 de ce code.

Enfin, la radiation des inscriptions sur mainlevée des créanciers ou ordonnance du juge des ordres ne paraît pas devoir entraîner également de difficultés particulières.

Il y aura lieu, notamment, de procéder, en cas d'ordonnance du juge des ordres, dans les conditions habituellement suivies en matière de saisie immobilière, même si la vente qui a provoqué cette ordonnance n'est pas intervenue par voie de saisie, mais par voie d'adjudication amiable ou de gré à gré.

Il faut noter simplement que les dispositions sus-indiquées des art. 143 et 146 du décret de 1985 relatives à l'hypothèque judiciaire de l'art. 54 du Code de procédure civile ont pour objet de permettre aux créanciers, titulaires d'une inscription provisoire, mais n'ayant pas entre pu inscrire l'hypothèque définitive, de participer à la distribution du prix alors que la Cour de Cassation le leur refusait quand l'hypothèque provisoire avait été radiée par ordonnance du juge rendue en application de l'art. 777 dudit code (Cass. civ. II, 17 février 1983, Bull. civ. II, n° 42. Voir également Lafond, Feu l'inscription d'hypothèque provisoire? : J.C.P. éd. N, 1984, I, pp. 339 et s.).

L'inscription d'une hypothèque définitive ne devra donc pas être refusée au motif que l'hypothèque provisoire a été précédemment radiée par ordonnance du juge aux ordres.

IV. - Radiation des inscriptions.

Il faut distinguer ici la procédure normale de redressement judiciaire, la procédure simplifiée de ce règlement (qui s'applique d'après les art. 2 et 137 à 147 de la loi du 25 janvier 1985 et l'art. 1er du décret n° 85-1387 du 27 décembre suivant, aux entreprises occupant 50 salariés au plus et dont le chiffre d'affaires est inférieur à 20 millions de francs par an) et la liquidation judiciaire.

Procédure normale de redressement judiciaire.

D'après l'art. 10 de la loi du 25 janvier 1985, les organes de cette procédure comprennent obligatoirement, entre autres, un juge-commissaire et un administrateur.

L'art. 32 de la loi prévoit que le chef d'entreprise continue à exercer sur le patrimoine de l'entreprise les actes de disposition et de gestion ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission e l'administrateur.

De son côté, l'art. 31 énonce que l'administrateur peut être chargé par le tribunal soit de surveiller les opérations de gestion, soit d'assister le chef d'entreprise pour tout ou partie des actes de gestion, soit d'assurer seul, totalement ou partiellement, l'administration de l'entreprise et que cette mission peut être modifiée à tout moment.

Ainsi donc, les pouvoirs respectifs du chef d'entreprise et de l'administrateur sont variables et peuvent se trouver modifiés dans le temps..

Il résulte de ces textes que le pouvoir d'accorder mainlevée avec constatation de paiement appartient :

- au chef d'entreprise si l'administrateur est chargé d'une simple mission de surveillance ou d'une mission partielle d'assistance ou de gestion n'englobant pas l'encaissement de fonds et la délivrance de quittances ;

- à l'administrateur s'il est chargé d'une mission de gestion totale ou partielle comportant les pouvoirs sus-indiqués ;

- au chef d'entreprise assisté de l'administrateur si ce dernier est chargé d'une mission d'assistance totale ou d'une mission d'assistance partielle ne comprenant pas les pouvoirs en question.

L'acte de mainlevée avec paiement devra donc indiquer la nature et l'étendue de la mission de l'administrateur et comporter en annexe, s'il ne contient pas la certification de l'art. 2158, al. 2 du Code civil, une expédition du jugement d'ouverture et du ou des jugements ayant modifié ultérieurement la mission de l'administrateur.

Il résulte, d'autre part, de l'art. 33 de la loi de 1985 que le chef d'entreprise peut continuer à exercer, sur le patrimoine de celle-ci, des actes de disposition à condition d'y avoir été autorisé par le juge-commissaire et qu'il en est de même pour l'administrateur dont la mission normale n'englobe jamais les actes de disposition.

Il s'ensuit que les mainlevées sans constatation de paiement ne peuvent être consenties par le chef d'entreprise ou l'administrateur que si celui-ci a obtenu auparavant l'autorisation expresse du juge-commissaire. Quant à la question de savoir si, compte tenu de la mission confiée à l'administrateur, l'autorisation doit être accordée au chef d'entreprise ou à l'administrateur, elle relève uniquement du juge-commissaire.

L'acte de mainlevée sans paiement devra donc mentionner l'autorisation donnée par le juge-commissaire et une expédition de l'ordonnance d'autorisation devra être jointe à l'acte si celui-ci ne renferme pas la certification de l'art. 2158, al. 2 du Code civil.

Les mêmes règles sont applicables aux mainlevées des privilèges ou hypothèques que l'administrateur aurait été amené à prendre lui-même en cas de carence du chef d'entreprise ou qui se seraient substituées à d'autres garanties (voir supra).

Toutefois, dans ce dernier cas, l'art. 100 du décret de 1985 -prévoit que " la radiation ne peut intervenir qu'après constitution de la garantie substituée ".

La radiation de l'ancienne garantie ne devra donc être effectuée que si l'acte de mainlevée mentionne que la nouvelle garantie a été prise, cette mention pouvant toutefois être remplacée, si la nouvelle garantie est un privilège ou une hypothèque, par l'inscription de celui-ci au même bureau dès hypothèques.

Procédure simplifiée de redressement judiciaire.

Dans cette procédure où il existe également un juge-commissaire, l'art. 139 de la loi de 1985 prévoit qu'un administrateur n'est nommé que si cette nomination apparaît nécessaire au tribunal.

Quand un administrateur a été nommé, il convient de suivre, pour les mainlevées avec ou sans paiement les mêmes règles que celles qui viennent d'être indiquées pour la procédure normale.

Par contre, si aucun administrateur n'a été désigné, les règles suivantes doivent être appliquées :

Pour les mainlevées après paiement, le chef d'entreprise possède évidemment seul le pouvoir de les accorder.

De même, le chef d'entreprises dûment autorisé par le juge-commissaire peut seul consentir mainlevée sans paiement.

Liquidation judiciaire.

L'art. 148 de la loi de 1985 énonce que le tribunal qui prononce la liquidation judiciaire nomme un liquidateur, lequel peut être remplacé par la suite. Par ailleurs il résulte des art. 154 et suivants de cette loi que le juge-commissaire reste en fonction.

D'après l'art. 152, le jugement de liquidation dessaisit le chef d'entreprise de l'administration et de la disposition de ses biens, les droits et actions de ce chef d'entreprise étant exercés par le liquidateur. L'art. 158 précise que le liquidateur doit également obtenir l'autorisation du juge-commissaire pour transiger, la transaction devant même être homologuée dans certains cas par le tribunal.

Enfin, l'art. 153 prévoit que, si le tribunal autorise le maintien de l'activité de l'entreprise, l'administration de celle-ci est assurée par l'administrateur qui reste alors en fonction ou, à défaut, par le liquidateur.

Le liquidateur peut donc accorder mainlevée après paiement; mais il partage ce pouvoir avec l'administrateur si celui-ci est resté en fonction.

L'acte de mainlevée avec paiement devra donc justifier de la nomination du liquidateur et; éventuellement, du maintien en fonction de l'administrateur. Le jugement de liquidation et, éventuellement, le ou les jugements ultérieurs concernant le remplacement du liquidateur ou le maintien en fonction de l'administrateur devront être joints à l'acte lorsque celui-ci ne contiendra pas la certification de l'art. 2158, al. 2 du Code civil.

Par contre, toute mainlevée sans paiement doit être autorisée par le juge-commissaire. Et il semble que cette autorisation ne puisse être donnée qu'au liquidateur, même si l'administrateur est resté en fonction. Quoi qu'il en soit, dans cette hypothèse, ce n'est pas au conservateur à apprécier si l'autorisation accordée par le juge est ou non valable.

L'acte de mainlevée sans paiement devra donc justifier de la nomination du liquidateur et de l'autorisation du juge-commissaire. Si cette autorisation visait l'administrateur, il faudrait justifier du maintien en fonction de cet administrateur.

Au cas où l'art. 2157, al. 2 du Code civil ne serait pas utilisé, l'acte devrait comprendre, en annexe, le jugement de liquidation, éventuellement le ou les jugements ayant procédé au remplacement du liquidateur et l'autorisation donnée à ce dernier par le juge-commissaire. Au cas où cette autorisation serait accordée à l'administrateur, le ou les décisions judiciaires concernant le liquidateur seraient remplacées par celle ou celles qui sont relatives au maintien en fonction de l'administrateur.

Pour les radiations sur ordonnance du juge aux ordres après réalisation de l'actif, on se reportera à ce qui a déjà été proposé sur ce point.

Voir AMC n° 1383, 1418.