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ARTICLE 1377

RADIATIONS.

Mainlevée judiciaire. - Ordonnance d'un juge de la mise en état ordonnant
« la mainlevée des hypothèques encore inscrites sur l'immeuble litigieux ».
Créanciers bénéficiaires des inscriptions à radier non appelés à l'instance.
Refus de radier.

Question. - L'acquéreur d'un immeuble «. libre de toute inscription de privilège ou d'hypothèque », selon l'acte de vente, a assigné son vendeur devant le Tribunal de Grande Instance afin d'obtenir mainlevée de trois inscriptions grevant l'immeuble acquis. Le juge de la mise en état, après avoir procédé à l'audition du notaire rédacteur de l'acte susvisé, a rendu une ordonnance constatant « l'accord des parties sur le fond du litige » et ordonnant « la mainlevée des hypothèques encore inscrites sur l'immeuble litigieux ». Le refus de procéder aux radiations correspondantes est-il justifié ?

Réponse. - Sans même qu'il soit besoin de faire valoir que les inscriptions concernées ne sont pas individualisées dans la décision de justice présentée, ni même d'invoquer l'incompétence manifeste de son auteur qui n'a que des pouvoirs d'instruction, le fait pour ce dernier d'avoir statué sans que les titulaires actuels des hypothèques aient été appelés à l'instance suffit à empêcher le Conservateur de déférer à l'ordre de radier.

En effet, placé dans son contexte, le « jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée », exigé à l'article 2157 du Code Civil, apparaît comme destiné à tenir lieu de l'accord « des parties intéressées » lorsque celles-ci refusent de consentir à la mainlevée. Ce jugement, dès lors, doit être opposable auxdites parties et pour cela, être rendu après les avoir entendues ou appelées (art. 14 N.P.C.).

D'autre part, selon la Cour de Cassation (28 février 1900, D.P. 1900-2-295), « l'inscription d'une hypothèque ou d'un privilège ne vaut qu'en faveur des créanciers qui y sont dénommés ou clairement désignés, et dans la mesure de l'intérêt de chacun d'eux, tel qu'il a été révélé aux tiers par la publicité ». Il s'ensuit que pour l'application de l'article 2157 déjà cité, les partiels intéressées sont celles désignées comme les bénéficiaires actuels par les énonciations des bordereaux, complétées éventuellement par les mentions en marge; il s'agit donc des titulaires primitifs agissant personnellement ou représentés par leurs ayants cause à titre universel (héritiers, légataires universels, société absorbante) ainsi que des cessionnaires, endossataires, subrogés, etc.

Or, en l'espèce, d'après le fichier immobilier, les bénéficiaires actuels des inscriptions dont l'ordonnance en cause a ordonné la radiation ne sont pas le défendeur à l'instance mais pour d'eux d'entre eux l'un de ses créanciers et pour le troisième le créancier d'un précédent propriétaire de l'immeuble grevé.

Cette ordonnance, par suite, ne peut équivaloir à l'acte authentique par lequel les personnes ayant qualité pour le faire pourraient consentir à la mainlevée ; faute d'être opposable à ces personnes, elle ne saurait constituer le titre permettant d'opérer la radiation.