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ARTICLE 1467

PUBLICATIONS D'ACTES.

Refus de publier un procès-verbal de remembrement additionnel destiné à indiquer une servitude constituée pour l'implantation d'un pipe-line et subsistant sur les parcelles attribuées.
Exclusion de la relation des servitudes dans les procès-verbaux de remembrement, édictée à l'article 5 ancien du décret n° 56-112 du 24 janvier 1956.
Application de l'article 5 nouveau limitée par l'article 3 du décret 81-67 du 26 janvier 1981 aux opérations de remembrement et de réorganisation foncière ordonnées après le 30 juillet 1981.
Remembrement de l'espèce prescrit par un arrêté préfectoral du 21 juin 1961.
Refus justifié.

ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 14 JUIN 1990
(1ere Chambre, section des urgences)

Faits. - Un arrêté préfectoral du 21 juin 1961 avait ordonné des opérations de remembrement rural dans les communes de B... et de M... ; ces opérations ont été clôturées suivant procès-verbal du 15 septembre 1971 qui a été le même jour publié au bureau des hypothèques de Melun sans qu'il ait été fait mention audit procès-verbal ainsi que, par voie de conséquence, au fichier immobilier, de la servitude grevant des fonds compris dans le périmètre de remembrement et constituée au profit de la société T..., spécialisée dans la pose et l'exploitation de pipe-lines. Ultérieurement, soit le 16 avril 1988, la société T... a remis au bureau déjà cité un complément au procès-verbal de remembrement de la commune de B... avec extension sur celle de M... signé le 24 mars 1988 par le président de la commission communale de réorganisation foncière et de remembrement et ayant pour objet de faire réinscrire au fichier les servitudes déjà citées qui, par application des dispositions combinées des articles 703 du code civil et 32 du code rural subsistent sur des parcelles attribuées. Ce dépôt a été refusé par une décision du 28 avril 1988 où il est observé d'une part, que le décret n° 56-112 du 24 janvier 1956 dans sa rédaction applicable lors du remembrement de la commune de B... excluait le report des servitudes sur les parcelles remembrées et, autre part, que si le décret n° 81-67 du 26 janvier 1981 contient des dispositions prescrivant l'indication des servitudes subsistantes sur les immeubles attribués, il y est précisé que ces dispositions "s'appliqueront aux opérations de remembrement et de réorganisation foncière ordonnées six mois après publication du présent décret au Journal Officiel. A la suite de ce refus, le Conservateur a été assigné devant le Tribunal de grande instance de Melun qui, par un jugement du 17 octobre 1989, a ordonné la publication de l'additif en cause en se référant à l'article 2199 du code civil et au motif que le Conservateur des hypothèques n'avait pas qualité pour apprécier et interpréter à sa guise le contenu d'un acte à publier ; mais ce jugement, dont notre Collègue avait relevé appel, a été infirmé par un arrêt de la Cour de Paris rendu le 14 juin 1990 et dont les motifs sont rapportés ci-après :

"Sur le fond :

"Considérant qu'il résulte de l'article 2199 du code civil que le Conservateur des hypothèques est fondé à refuser le dépôt ou à rejeter une formalité lorsque ceux-ci ne sont pas prévus par une disposition législative ou réglementaire sur la publicité foncière ;

"Considérant en l'espèce que le décret du 24 janvier 1956 dans plusieurs articles de son chapitre I, qui n'ont pas été modifiés par les décrets des 21 février 1959 et 16 août 1965, excluait formellement de toute publicité foncière les servitudes grevant les immeubles échangés ou remembrés en cas d'opération de réorganisation foncière ou de remembrement ;

"Que ce texte s'appliquait aux opérations de remembrement de la commune de B... commencées en 1961 et terminées en 1971 ;

"Considérant que si le décret du 26 janvier 1981 - modifiant le décret du 24 janvier 1956 - prescrit désormais l'indication des servitudes existantes ou constituées sur les parcelles attribuées lors des opérations d'aménagement foncier, ce dernier texte ne s'applique, suivant son article 3, qu'aux opérations de réorganisation foncière ordonnées six mois après sa publication au Journal Officiel effectuée le 29 janvier 1981, qui dépourvu d'effet rétroactif ne peut s'appliquer aux opérations de remembrement précitées, qui étaient terminées 10 ans avant son entrée en vigueur ;

"Que les additifs de 1987 (1) et de 1988 aux procès-verbaux d'origine qui ne constatent pas des opérations de réorganisation foncière ou de remembrement au sens de l'article I du décret du 26 janvier 1981, n'entrent pas dans le domaine d'application de ce texte et ne peuvent avoir pour effet de la rendre applicable rétroactivement et par un artifice de procédure à des opérations de remembrement clôturées en 1971 ;

"Considérant qu'en l'espèce, le Conservateur n'a pas apprécié la validité des actes qui lui étaient présentés, mais a seulement refusé d'en effectuer la publication au fichier immobilier dès lors que celle-ci était formellement exclue par une disposition réglementaire ;

"Que ce faisant, M. M... n'a fait qu'user des pouvoirs que lui confère l'article 2199 du code civil, - contrairement à ce que soutient la société intimée et à ce qu'a décidé le premier juge dont la décision sera réformée en toutes ses dispositions ;

"Considérant enfin que l'équité commande de condamner la société T... à payer à M. M... 5.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Observations. - Nul ne pouvait douter que le document dont le dépôt a été refusé avait été établi en méconnaissant la règle portant exclusion des servitudes des procès-verbaux de remembrement ; cette règle, en effet, ressort expressément des dispositions du second alinéa de l'article 5-1° du décret n° 56-112 du 24 janvier 1956 dans sa rédaction applicable aux opérations de remembrement de la commune de B..., lesquelles avaient été prescrites par un arrêté préfectoral du 21 juin 1961.

(1) Le 30 juillet 1987, il avait été procédé à la confection d'un complément au procès-verbal de remembrement de la commune de B... ayant le même objet que celui susvisé en date du 24 mars 1988 ; déposé au bureau de Melun, ce complément avait été refusé le 22 octobre 1987 par le prédécesseur de M. M... par le motif qu"'un tel rectificatif tendrait à faire rentrer un procès-verbal de remembrement, publié en 1971, dans le champ d'application du décret du 26 janvier 1981, texte qui ne peut s'appliquer qu'aux seules opérations d'aménagement foncier ordonnées à partir du 1er août 1981" ; ces considérations avaient paru convaincre la société T... qui n'avait alors délivré aucune assignation ; mais quelques mois plus tard, cette société recommençait la procédure en faisant établir un nouveau procès-verbal additionnel, bien décidée cette fois à lier le contentieux.

Il était également évident que l'exclusion dont il s'agit n'avait pas été abrogée rétroactivement par le décret n° 81-67 du 26 janvier 1981 : ce texte réglementaire, selon les principes généraux du droit, ne dispose que pour l'avenir ; son application, au surplus, a été formellement limitée par ses auteurs aux opérations ordonnées six mois après sa publication au Journal Officiel et donc à partir du 30 juillet 1981. Ce moyen de légalité aurait pu être utilement invoqué devant le juge administratif à l'appui d'un recours formé par toute personne y ayant intérêt et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du complément de procès-verbal. Mais les Conservateurs des hypothèques ne doivent pas se faire juges de la validité des actes qu'il leur est demander de publier si bien que la solution du litige se ramenait au point de savoir si le refus qui avait été opposé trouvait sa justification dans des dispositions législatives ou réglementaires sur la publicité foncière. Or, c'est en vue de la publication au bureau des hypothèques des procès-verbaux de remembrement que certaines conditions de forme sont imposées par le 1er alinéa du 1° de l'article 5 déjà cité et que l'alinéa qui suit énumère les informations que ces procès-verbaux doivent contenir ; il doit, dès lors, être considéré que celles qui n'y sont pas énumérées et a fortiori, les servitudes qui en étaient expressément exclues ne sont pas susceptibles d'être publiées. Aussi, le juge d'appel a-t-il reconnu que notre Collègue, en s'opposant à la publication, loin d'être sorti des limites de sa compétence légale, "n'a fait qu'user des pouvoirs que lui confère l'article 2199 du code civil". Cette décision, toutefois, n'a pas mis définitivement fin au litige : la société T..., en effet, s'est pourvue en cassation.