ARTICLE 1467 PUBLICATIONS D'ACTES. Refus de publier un procès-verbal de remembrement additionnel destiné à indiquer une servitude constituée pour l'implantation d'un pipe-line et subsistant sur les parcelles attribuées. ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 14 JUIN 1990 Faits. - Un arrêté préfectoral du 21 juin 1961 avait ordonné des opérations de remembrement rural dans les communes de B... et de M... ; ces opérations ont été clôturées suivant procès-verbal du 15 septembre 1971 qui a été le même jour publié au bureau des hypothèques de Melun sans qu'il ait été fait mention audit procès-verbal ainsi que, par voie de conséquence, au fichier immobilier, de la servitude grevant des fonds compris dans le périmètre de remembrement et constituée au profit de la société T..., spécialisée dans la pose et l'exploitation de pipe-lines. Ultérieurement, soit le 16 avril 1988, la société T... a remis au bureau déjà cité un complément au procès-verbal de remembrement de la commune de B... avec extension sur celle de M... signé le 24 mars 1988 par le président de la commission communale de réorganisation foncière et de remembrement et ayant pour objet de faire réinscrire au fichier les servitudes déjà citées qui, par application des dispositions combinées des articles 703 du code civil et 32 du code rural subsistent sur des parcelles attribuées. Ce dépôt a été refusé par une décision du 28 avril 1988 où il est observé d'une part, que le décret n° 56-112 du 24 janvier 1956 dans sa rédaction applicable lors du remembrement de la commune de B... excluait le report des servitudes sur les parcelles remembrées et, autre part, que si le décret n° 81-67 du 26 janvier 1981 contient des dispositions prescrivant l'indication des servitudes subsistantes sur les immeubles attribués, il y est précisé que ces dispositions "s'appliqueront aux opérations de remembrement et de réorganisation foncière ordonnées six mois après publication du présent décret au Journal Officiel. A la suite de ce refus, le Conservateur a été assigné devant le Tribunal de grande instance de Melun qui, par un jugement du 17 octobre 1989, a ordonné la publication de l'additif en cause en se référant à l'article 2199 du code civil et au motif que le Conservateur des hypothèques n'avait pas qualité pour apprécier et interpréter à sa guise le contenu d'un acte à publier ; mais ce jugement, dont notre Collègue avait relevé appel, a été infirmé par un arrêt de la Cour de Paris rendu le 14 juin 1990 et dont les motifs sont rapportés ci-après : "Sur le fond : "Considérant qu'il résulte de l'article
2199 du code civil que le Conservateur des hypothèques est fondé
à refuser le dépôt ou à rejeter une formalité
lorsque ceux-ci ne sont pas prévus par une disposition législative
ou réglementaire sur la publicité foncière ; "Considérant en l'espèce que le décret
du 24 janvier 1956 dans plusieurs articles de son chapitre I, qui n'ont
pas été modifiés par les décrets des 21 février
1959 et 16 août 1965, excluait formellement de toute publicité
foncière les servitudes grevant les immeubles échangés
ou remembrés en cas d'opération de réorganisation
foncière ou de remembrement ; "Que ce texte s'appliquait aux opérations de remembrement
de la commune de B... commencées en 1961 et terminées en
1971 ; "Considérant que si le décret du 26 janvier
1981 - modifiant le décret du 24 janvier 1956 - prescrit désormais
l'indication des servitudes existantes ou constituées sur les parcelles
attribuées lors des opérations d'aménagement foncier,
ce dernier texte ne s'applique, suivant son article 3, qu'aux opérations
de réorganisation foncière ordonnées six mois après
sa publication au Journal Officiel effectuée le 29 janvier
1981, qui dépourvu d'effet rétroactif ne peut s'appliquer
aux opérations de remembrement précitées, qui étaient
terminées 10 ans avant son entrée en vigueur ; "Que les additifs de 1987 (1) et de 1988 aux procès-verbaux
d'origine qui ne constatent pas des opérations de réorganisation
foncière ou de remembrement au sens de l'article I du décret
du 26 janvier 1981, n'entrent pas dans le domaine d'application de ce
texte et ne peuvent avoir pour effet de la rendre applicable rétroactivement
et par un artifice de procédure à des opérations
de remembrement clôturées en 1971 ; "Considérant qu'en l'espèce, le Conservateur
n'a pas apprécié la validité des actes qui lui étaient
présentés, mais a seulement refusé d'en effectuer
la publication au fichier immobilier dès lors que celle-ci était
formellement exclue par une disposition réglementaire ; "Que ce faisant, M. M... n'a fait qu'user des pouvoirs
que lui confère l'article 2199 du code civil, - contrairement à
ce que soutient la société intimée et à ce
qu'a décidé le premier juge dont la décision sera
réformée en toutes ses dispositions ; "Considérant enfin que l'équité
commande de condamner la société T... à payer à
M. M... 5.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure
civile. Observations. - Nul ne pouvait douter que le document dont le dépôt a été refusé avait été établi en méconnaissant la règle portant exclusion des servitudes des procès-verbaux de remembrement ; cette règle, en effet, ressort expressément des dispositions du second alinéa de l'article 5-1° du décret n° 56-112 du 24 janvier 1956 dans sa rédaction applicable aux opérations de remembrement de la commune de B..., lesquelles avaient été prescrites par un arrêté préfectoral du 21 juin 1961. (1) Le 30 juillet 1987, il avait été procédé
à la confection d'un complément au procès-verbal
de remembrement de la commune de B... ayant le même objet que celui
susvisé en date du 24 mars 1988 ; déposé au bureau
de Melun, ce complément avait été refusé le
22 octobre 1987 par le prédécesseur de M. M... par le motif
qu"'un tel rectificatif tendrait à faire rentrer un procès-verbal
de remembrement, publié en 1971, dans le champ d'application du
décret du 26 janvier 1981, texte qui ne peut s'appliquer qu'aux
seules opérations d'aménagement foncier ordonnées
à partir du 1er août 1981" ; ces considérations avaient
paru convaincre la société T... qui n'avait alors délivré
aucune assignation ; mais quelques mois plus tard, cette société
recommençait la procédure en faisant établir un nouveau
procès-verbal additionnel, bien décidée cette fois
à lier le contentieux. Il était également évident que l'exclusion
dont il s'agit n'avait pas été abrogée rétroactivement
par le décret n° 81-67 du 26 janvier 1981 : ce texte réglementaire,
selon les principes généraux du droit, ne dispose que pour
l'avenir ; son application, au surplus, a été formellement
limitée par ses auteurs aux opérations ordonnées
six mois après sa publication au Journal Officiel et donc
à partir du 30 juillet 1981. Ce moyen de légalité
aurait pu être utilement invoqué devant le juge administratif
à l'appui d'un recours formé par toute personne y ayant
intérêt et tendant à l'annulation pour excès
de pouvoir du complément de procès-verbal. Mais les Conservateurs
des hypothèques ne doivent pas se faire juges de la validité
des actes qu'il leur est demander de publier si bien que la solution du
litige se ramenait au point de savoir si le refus qui avait été
opposé trouvait sa justification dans des dispositions législatives
ou réglementaires sur la publicité foncière. Or,
c'est en vue de la publication au bureau des hypothèques des procès-verbaux
de remembrement que certaines conditions de forme sont imposées
par le 1er alinéa du 1° de l'article 5 déjà cité
et que l'alinéa qui suit énumère les informations
que ces procès-verbaux doivent contenir ; il doit, dès lors,
être considéré que celles qui n'y sont pas énumérées
et a fortiori, les servitudes qui en étaient expressément
exclues ne sont pas susceptibles d'être publiées. Aussi,
le juge d'appel a-t-il reconnu que notre Collègue, en s'opposant
à la publication, loin d'être sorti des limites de sa compétence
légale, "n'a fait qu'user des pouvoirs que lui confère l'article
2199 du code civil". Cette décision, toutefois, n'a pas mis définitivement
fin au litige : la société T..., en effet, s'est pourvue
en cassation.
|