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ARTICLE 1469

RADIATIONS.

Mainlevée notariée.. - Procuration. - Validité.
Etendue du rôle du Conservateur.

La commission juridique, saisie par un collègue d'une demande d'avis au sujet d'un refus de radier, lui a fait tenir la réponse suivante :

1er motif de refus

La mainlevée a été accordée par l'administrateur provisoire de la société créancière, lequel n'a pas comparu devant le notaire mais a été représenté par un mandataire ; ce dernier avait été habilité par un pouvoir s.s.p. qui est annexé à l'acte notarié ; toutefois, il n'a été précisé ni dans cet acte, ni dans le pouvoir que l'administrateur a été formellement autorisé à accorder des mainlevées sans paiement ; il est fait état du silence gardé sur ce point pour contester le défaut de qualité de l'auteur de la mainlevée.

Observations

Il n'y a pour un Conservateur aucun risque à considérer de plano, c'est-à-dire sans s'interroger sur l'étendue de la mission confiée à l'administrateur provisoire d'une société, que ce mandataire peut poursuivre le recouvrement des créances sociales et, corrélativement, donner mainlevée comme conséquence du paiement. En revanche, s'il y a eu mainlevée sans paiement, la prudence ne peut que conduire à exiger la relation de la disposition ayant conféré à l'administrateur provisoire le pouvoir de la consentir. C'est pourquoi il ne saurait être considéré comme abusif de différer la radiation tant que cette justification n'aura pas été fournie.

2eme motif de refus

Il n'a pas non plus été relaté dans l'acte notarié que l'administrateur provisoire pouvait, pour donner mainlevée, se faire substituer par un mandataire de son choix.

Observations

S'agissant en l'espèce d'un administrateur nommé par le Ministre de l'Urbanisme et du Logement et donc d'une autorité administrative, la délégation des compétences de cet agent public n'est légale qu'à condition qu'elle ait été expressément autorisée par une disposition législative ou réglementaire. Or, il n'est fait référence à une telle disposition ni dans l'acte de mainlevée, ni dans le pouvoir annexé audit acte. Ce second motif de refus ne peut, dès lors, qu'être approuvé.

NOTA. - Les lacunes relevées dans les observations formulées ci-dessus au sujet des deux premiers motifs du refus de radier ne sauraient être couvertes par l'affirmation faite par le notaire conformément au second alinéa de l'article 2158 C. Civ. et selon laquelle "les personnes pouvant éventuellement intervenir aux présentes en qualité de représentant sont dûment mandatées". Il n'y a pas, en effet, dans cette énonciation la relation explicite des actes établissant la qualité et la capacité des parties ; il s'agit d'une appréciation qui, ne liant pas le Conservateur, ne saurait couvrir sa responsabilité.

3eme motif de refus

Le Conservateur, en lisant d'autres actes de mainlevée déposés à son bureau, avait appris que les associés de la société concernée avaient, à une date antérieure à celle de l'acte en cause, nommé un liquidateur amiable expressément habilité à la fois à consentir des mainlevées sans paiement et à substituer toute personne dans ses pouvoirs. Aussi, dans la motivation du refus, a-t-il été ajouté l'incidente suivante : "nonobstant le fait que ces pouvoirs ont été donnés à M. Laureau, administrateur judiciaire, liquidateur amiable de la société A.G. des 27/03/87 et 16/03/89)".

Observations

La référence ainsi faite à des connaissances personnelles méconnaît le principe qui veut que le Conservateur, qui n'est pas un magistrat, ne soit investi d'aucun pouvoir d'instruction. Même pour les radiations où son rôle est plus actif que pour les inscriptions et publications, ce mandataire légal, selon Jacquet et Vétillard (Voir Introduction n° 53) doit se borner à examiner l'acte produit en lui-même, d'abord dans sa forme extérieure et, ensuite, au point de vue de sa validité juridique, du chef de la qualité de la partie intéressée et de sa capacité à consentir mainlevée ; par suite, il sort du cadre de sa mission en se livrant à des recherches extérieures pour trouver des justifications susceptibles de confirmer ou d'infirmer les énonciations d'un acte de mainlevée. Ainsi, le motif invoqué en dernier n'apparaît pas pertinent ; mais de toute évidence, il a un caractère surabondant ; il ne saurait, dès lors, avoir vicié la décision de refus.