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ARTICLE 1503

PUBLICATIONS D'ACTES.

Annulation par l'autorité judiciaire en première instance, puis en appel d'une décision de préemption prise par une SAFER.
Remise au Conservateur, en plus du jugement de l'arrêt, d'une attestation de l'avocat des demandeurs tirant les conséquences de la déclaration de nullité sur la situation actuelle des parcelles préemptées.
Refus du dépôt justifié.

Question : A la suite de l'exercice par une SAFER du droit de préemption prévu à l'article 7 de la loi 62-933 du 8 août 1962, deux adjudicataires de biens ruraux ont été dépossédés des parcelles qui leur avaient été attribuées à l'issue des enchères et cette éviction a été rendue opposable aux tiers par la publication du jugement d'adjudication accompagné de la déclaration de préemption. Puis certaines des parcelles ainsi transférées à la SAFER ont donné lieu à l'établissement par un notaire d'actes, eux aussi publiés, portant cession à des exploitants agricoles. Or, statuant sur un recours formé par les adjudicataires, le tribunal de grande instance de la situation des immeubles préemptés " dit que la SAFER M. L... a omis de motiver sa décision de préemption et en cela n'a pas respecté les dispositions de l'article 7 de la loi du 8 août 1962, pour ce motif, déclare nulle et de nul effet la notification de préemption que la SAFER a fait signifier aux consorts L... ". Quant à la cour d'appel, elle " confirme en toutes ses dispositions le jugement attaqué ". De la sorte, les déplacements de propriété, intervenus postérieurement à l'adjudication, se trouvent remis en cause mais de façon implicite car il n'a été statué sur aucun d'eux, ni en première instance, ni en appel. C'est pourquoi, en remettant ces décisions de justice au bureau des hypothèques en vue de les publier, l'avocat des consorts L... a joint une attestation qu'il a rédigée et dans laquelle les parcelles préemptées, après avoir été récapitulées et identifiées de la manière fixée à l'article 7 du décret du 4 janvier 1955, ont d'abord été réparties entre leurs propriétaires apparents actuels, puis réattribuées aux adjudicataires afin, a-t-il été précisé verbalement au conservateur, que les fiches de ses clients soient annotées en conséquence. Aussi, notre collègue a-t-il demandé si un dépôt ainsi composé doit être accepté.

Réponse : Réponse négative et ce, alors même que l'attestation susvisée aurait, par son dépôt au rang de minutes notariales, acquis l'authenticité exigée à l'article 4 du décret du 4 janvier 1955 et que le document à conserver au bureau serait constitué par le jugement, l'arrêt et l'attestation avec, ainsi qu'il est prévu pour les actes ou décisions formant le complément les uns des autres, un seul certificat de collationnement (décret 14 octobre 1955, art. 67-3, 2° alinéa) et une mention unique certifiant l'identité des parties (ibid., 1 de l'art. 38). En effet, la recherche et l'exposé par le conseil de l'une des parties des conséquences à tirer de l'annulation judiciaire d'une décision de préemption ne peuvent aboutir qu'à l'expression d'une simple opinion. Par suite, le fait de relater cette opinion par écrit ne saurait créer un titre constitutif, modificatif ou déclaratif de la situation juridique des immeubles préemptés. L'attestation, dès lors, n'est pas sujette à publicité et le refus qui doit être opposé entraîne celui du document tout entier (décret 14 octobre 1955, art. 74-4).

Nota : L'espèce ayant suscité la question à laquelle il est fait réponse a reçu la suite juridictionnelle relatée ci-après; elle a, d'autre part, appelé une observation complémentaire qu'il a paru intéressant de reproduire.

1 - Suite juridictionnelle

A la suite du refus du dépôt opposé par notre collègue, les consorts L... en ont référé au président du Tribunal de Grande Instance de Limoges pour qu'il soit statué sur les difficulté d'exécution des décisions de justice rendues en leur faveur. Par une ordonnance du 24 mai 1991, ce magistrat " statuant en application de l'article 811 du nouveau code de procédure civile et en présence de M. le Conservateur des hypothèques " a tout d'abord estimé que " le refus n'a pas à être apprécié " pour résoudre les difficultés soumises à sa décision ; il a ensuite énoncé le dispositif rapporté ci-après :

" Condamnons la SAFER

"- à faire les démarches nécessaires pour que, s'ils y consentent, les rétrocessionnaires puissent signer les actes authentiques constatant leur perte de droits sur les immeubles pour lesquels la préemption de la SAFER a été annulée ;

"- en cas de refus des intéressés et en tout cas dans les trois mois suivant la signification de la présente, à assigner devant la juridiction compétente lesdits rétrocessionnaires aux fins que soit tirées par celle-ci toutes conséquences de droit de cette annulation ;

" Disons que passé ce délai, il sera dû par la SAFER une astreinte de 500 F par jour de retard ;

" Condamnons la SAFER à payer aux consorts L... la somme de 2.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'à M. le Conservateur des hypothèques la somme de 2.000 F sur le même fondement ;

"La condamnons aux dépens".

2 - Observation complémentaire

Si, au lieu d'établir l'attestation qui n'a pu qu'être refusée, l'avocat avait publié de nouveau le jugement d'adjudication en reproduisant sur le même document la décision de préemption ainsi que le jugement et l'arrêt en ayant déclaré la nullité, il aurait abouti au résultat recherché qui est de rétablir au cadre A des fiches des consorts L... les parcelles qui leur ont été adjugées. Certes, il en serait résulté, pour les parcelles cédées par la SAFER à des tiers, la constitution d'une double chaîne mais il n'y aurait eu dans cette conséquence aucune cause de refus ou de rejet.