ARTICLE 1516 SAISIES. Radiation judiciaire. ORDONNANCE DU PRESIDENT DE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'EPINAL Faits: A la date du 28 juin 1988, un établissement
de crédit fait signifier un commandement de saisie immobilière
qui est publié le 5 septembre suivant au bureau des hypothèques
territorialement compétent. Plus de deux ans plus tard, soit le
17 octobre 1990, l'avocat du poursuivant présente une requête
au président du tribunal de la situation du bien saisi. Il est
exposé dans cette requête " qu'en raison des engagements
souscrits par le débiteur, le créancier a consenti au sursis
de la procédure, que le cahier des charges n'a, en conséquence,
pas été déposé dans le délai impératif
de l'article 688 du code de procédure civile, que le débiteur
n'a pas respecté les engagements souscrits et que le créancier
est donc bien fondé à reprendre les poursuites, qu'il ne
peut, cependant, agir ainsi sans délivrer un nouveau commandement,
ce, en raison de la déchéance qui affecte la procédure
originaire et de la publication d'un précédent commandement
" ; de ce qui précède, il est conclu " qu'il convient, donc,
de constater la déchéance encourue et dire que le commandement
en date du 28 juin 1988 publié à la conservation des hypothèques
d'Epinal le 5 septembre 1988 vol... N°... sera sans effet, en ordonner,
en conséquence, la mainlevée du rang des publications de
l'immeuble cadastré section... ". Statuant le 24 octobre 1990 sur cette requête,
le Président du tribunal d'Epinal a rendu l'ordonnance rapportée
ci-après : " Vu la requête qui précède et les pièces jointes, " Vu les articles 688 et 715 anciens du code de procédure civile, " Attendu qu'il est constant que la Caisse... n'a pas
déposé au greffe de ce tribunal le cahier des charges pour
la vente de l'immeuble appartenant à M. M..., ayant fait l'objet,
à sa requête, d'un commandement de saisie immobilière
en date du 28 juin 1988, publié à la conservation des hypothèques
d'Epinal le 5 septembre 1988 ; " Attendu que le délai de quarante jours prescrit
par la loi pour le dépôt du cahier des charges à peine
de déchéance automatique est expiré ; que ledit commandement
ne peut donc plus produire aucun effet ; " Attendu d'autre part qu'en l'absence de dépôt
du cahier des charges aucune juridiction n'est actuellement saisie des
poursuites ; qu'il appartient donc au Président du tribunal de
grande instance, conformément à l'article 812 du nouveau
code de procédure civile, d'ordonner toutes mesures urgentes découlant
de cette caducité, et notamment la mainlevée de la publication
du commandement, qui fait matériellement et sans droit obstacle
à toutes autres inscriptions ; " Par ces motifs, " Constate la caducité du commandement de payer
délivré à la requête de la Caisse... le 5 septembre
1988 par Me J..., huissier de justice, à M. M... pour valoir saisie
immobilière de la maison à usage d'habitation lui appartenant,
commune de.. section.. " Ordonne en conséquence à M. le Conservateur
des hypothèques d'Epinal de procéder à première
réquisition à la mainlevée de la publication de ce
commandement, effectuée le 5 septembre 1988, vol..., n° ...
". Observations : L'article 812 du nouveau code de
procédure civile se trouve dans le chapitre II d'un sous-titre
II de ce code relatif aux pouvoirs du président du tribunal de
grande instance. Il y est tout d'abord rappelé que " le président
du tribunal est saisi par requête dans les cas spécifiés
par la loi " ; puis, il est ajouté qu" il peut également
ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances
exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement". C'est en se
fondant sur ces dispositions législatives que le président
du tribunal d'Epinal a considéré qu'il était habilité
à briser par ordonnance le cercle dans lequel un créancier
poursuivant s'était enfermé : d'une part, il n'avait pas
été procédé au dépôt du cahier
des charges au greffe dans le délai de 40 jours fixé à
l'article 688 de l'ancien code de procédure civile et compté
à partir de la publication du commandement si bien que cet acte
était frappé de la déchéance édictée
à l'article 715 du même code ; d'autre part, tant que le
signe matériel de cet exploit, qui vaut procès-verbal de
saisie, subsiste dans la documentation hypothécaire, il empêche,
en pratique, la reprise des poursuites puisque faisant obstacle, en application
de l'article 680 C.P.C. (1), à la publication d'un second commandement.
Sans doute est-on tenté d'observer que la compétence générale
dévolue au président par le second alinéa de l'article
812 déjà cité ne peut être mise en oeuvre que
dans la mesure où elle ne se heurte pas à des voies de droit
spécifiques ; or, pour la saisie immobilière, il y a les
dispositions combinées de l'article L. 311-2 du code de l'organisation
judiciaire et de l'article 673 de l'ancien code de procédure civile
qui semblent bien attribuer en cette matière compétence
exclusive au gardien de la propriété immobilière
qu'est le tribunal de grande instance Toutefois, ainsi que Jacquet et
Vétillard l'ont remarqué, un conservateur " n'a pas à
connaître des motifs d'un jugement de radiation ni à s'inquiéter
des nullités dont il peut être infecté " (2). Aussi,
n'est-ce pas sur ce sujet que le conservateur intéressé
a consulté la commission juridique. Bien qu'ayant radié
au vu à la fois de l'ordonnance du 24 octobre 1990 et de l'exploit
l'ayant signifiée le 20 novembre suivant à la partie saisie,
notre collègue s'interrogeait sur le point de savoir s'il avait
pris le bon parti. Plus précisément, il avait remarqué
qu'aux termes de l'article 496 N.C.P.C., " s'il est fait droit à
la requête, tout intéressé peut en référer
au juge qui a rendu l'ordonnance " de sorte qu'il voulait savoir si, en
la circonstance, il avait pleinement rempli l'obligation de s'assurer
du caractère définitif de la décision de justice
lui enjoignant de radier. Cette question a paru appeler une réponse
affirmative. En effet ouverte à tous ceux qui s'estiment lésés
par la mesure obtenue, la voie de recours évoquée est une
forme de tierce-opposition et elle ne peut être qualifiée
d'ordinaire. Par suite, ainsi qu'il est prévu à l'article
579 N.C.P.C., il faudrait, ce qui n'est pas le cas, que le législateur
l'ait décidé expressément, pour qu'un tel recours
soit suspensif d'exécution; son existence, dès lors, n'est
pas susceptible, en l'état des dispositions de l'article 500 du
même code, de faire perdre à la décision juridictionnelle
dont il peut amener le retrait la qualité d'être passée
en force de chose jugée. (1) Cet obstacle, en réalité, n'aurait pas dû être invoqué dans la présente espèce ; le demandeur, en effet, était une caisse du Crédit Agricole Mutuel, laquelle bénéficie des dispositions d'exception de l'article 745 du code rural (cf. sur ce point l'article 587 du bulletin de l'association). (2) Traité de la mainlevée d'hypothèque,
page 411, n° 36.
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