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Art.1604

RADIATIONS

Mainlevée notariée
Mention d'un acte de mainlevée en marge d'une inscription sans que sa radiation soit requise
Formalité impossible

ARRET DE LA COUR DE CASSATION ( 3ème Chambre Civile ) ( 9 Février 1994 )

Faits : Les circonstances de l'affaire ont été exposées dans le bulletin sous l'article 1552 auquel le lecteur est invité à se reporter.

Il y est relaté et commenté un arrêt de la Cour d'appel de Chambéry du 2 juin 1992 qui, rendu dans une instance opposant Me S... notaire à Paris, à M. M ...,conservateur des hypothèques à Bonneville, a condamné l'intimé.

Dans la partie finale des observations, il est indiqué que notre collègue s'est pourvu en cassation afin de faire juger que l'arrêt est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où il y est considéré que "la radiation n'est pas la suite nécessaire de la publication de la mainlevée" et "qu'ainsi, le conservateur n'est pas tenu de radier l'inscription s'il est saisi d'une réquisition limitée à la publication de l'acte de mainlevée."

Statuant sur ce pourvoi, la 3ème Chambre Civile a, le 9 février 1994, cassé l'arrêt attaqué par les motifs et dans le dispositif reproduits ci-après.

"Sur le moyen unique :

"Vu les articles 2149 et 2157 du code civil;

"Attendu que sont publiés par le conservateur des hypothèques, sous forme de mentions en marge des inscriptions existantes, les subrogations aux privilèges et hypothèques, mainlevées, réductions... et, d'une manière générale, toutes modifications, notamment dans la personne du créancier bénéficiaire de l'inscription qui n'ont pas pour effet d'aggraver la situation du débiteur; que les inscriptions sont rayées du consentement des parties intéressées et ayant capacité à cet effet ou en vertu d'un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée;

"Attendu selon l'arrêt attaqué ( Chambéry, 2 juin 1992 ), que M. S..., notaire, a requis le conservateur des hypothèques de publier, par mention en marge, un acte de mainlevée totale d'une inscription d'hypothèque prise par le Crédit... sur un immeuble, en précisant qu'il ne demandait pas la radiation de cette inscription; que le conservateur des hypothèques a refusé de procéder à la mention faute de justification;

"Attendu que pour ordonner au conservateur des hypothèques de publier la mainlevée sans vérification de la validité du consentement du créancier, l'arrêt retient que celui-ci n'est pas tenu de radier l'inscription s'il est saisi d'une réquisition limitée à la publication de l'acte de mainlevée et qu'il ne peut fonder le rejet de la formalité prévue à l'article 2149 du Code Civil sur l'absence d'éléments d'appréciation tirés de l'application des articles 2159 (1) et 2158 du code civil;

"Qu'en statuant ainsi, alors que le pouvoir de contrôle du conservateur des hypothèques, qui s'étend à la validité au fond de la mainlevée totale d'une inscription hypothécaire, doit s'exercer lorsque la publication d'une telle mainlevée est demandée, celle-ci entraînant nécessairement la radiation de l'inscription, la cour d'appel a violé les textes susvisés;

"PAR CES MOTIFS

"CASSE et ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon;

"Condamne M. S.. aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;

"Dit n'y avoir lieu à indemnités en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

"Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près de la cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Chambéry, en marge ou en suite de l'arrêt annulé.

OBSERVATIONS:

Depuis près deux siècles, les conservateurs des hypothèques procèdent à l'exécution matérielle des mainlevées de privilège et d'hypothèque en radiant les inscriptions.

La radiation est opérée en mentionnant la mainlevée en marge de l'inscription qu'elle concerne ; à partir de la signature de cette mention, l'inscription, signe public du droit réel de privilège ou d'hypothèque, n'est plus révélée dans les réponses faites aux demandes de renseignements dans le cas d'une radiation totale, ou ne l'est que partiellement s'il s'agit d'une réduction.

Avant de radier, "le conservateur, responsable de la régularité de la radiation, a l'obligation de s'assurer de la capacité et des pouvoirs des personnes qui la requièrent, ainsi que d'exiger la production de toutes pièces susceptibles de l'éclairer sur ce point" (Cass. Civ. 3°, 16 juillet 1975, bull. A.M.C., art. 1033).

Selon une jurisprudence ancienne et constante, l'obligation ainsi impartie a sa source dans les dispositions combinées - demeurées inchangées depuis 1804 - de l'article 2157 du code civil et du premier alinéa de l'article 2158 actuel du même code.

Cette obligation constitue pour lui un devoir impérieux à l'accomplissement duquel nul ne peut le soustraire.

En particulier, ainsi que la Commission juridique l'a constamment préconisé, le conservateur ne peut que refuser son concours s'il lui est demandé de relater dans les documents publiés un acte de mainlevée sans, en même temps, d'une part, être requis de radier l'inscription ou de la réduire et, d'autre part, être mis en état de s'assurer de la validité du consentement de la partie intéressée.

C'est ce qui a été jugé dans l'arrêt susrapporté.

 (1) Il faut, d'après le contexte, lire 2157 et non 2159

Rapprocher: Bull. A.M.C. art. 1552