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Art. 1620

PROCEDURE

Rejet de la formalité
Rejet infirmé par le président du tribunal de grande instance statuant en vertu des pouvoirs à lui conférés à l'article 26 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955
Appel interjeté après son admission à la retraite par le conservateur ayant défendu en première instance
Appel recevable

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE( 15ème Chambre )

Ordonnance du Conseiller chargé de la mise en état des procédures en date du 24 septembre 1993

Faits : Dans un acte reçu le 26 mars 1990 par Me S..., notaire à Paris, ce dernier, en qualité de mandataire de la Banque de Financement Immobilier SOVAC, comparaissant devant lui-même, a d'abord donné mainlevée totale d'une inscription de privilège de vendeur et de prêteur de deniers prise le 11 mars 1987 au 2ème bureau de Nice. Ensuite, il a poursuivi en requérant du conservateur du bureau déjà cité "la publication de la présente mainlevée en marge de l'inscription ci-dessus conformément à l'article 2149 du code civil".

Notre collègue, M. T..., à qui deux copies dudit acte avaient été remises, en refusa deux fois le dépôt. Puis, le 2 septembre 1992, il accepta d'inscrire cet acte sur le registre dont la tenue est prescrite à l'article 2200 du code civil sans, pour autant, effectuer l'émargement demandé.

En effet, dans une notification de cause de rejet faite le 30 du même mois, il subordonna la mention en marge de la mainlevée à la justification de la volonté de la banque créancière de ne pas obtenir la radiation de l'inscription.

Cette précision n'ayant pas été obtenue dans le délai légal d'un mois qui avait été imparti, la formalité fut rejetée par une décision du 16 novembre 1992 laquelle, envoyée à Me S... le lendemain 17 sous pli recommandé avec demande d'avis de réception, fut remise le 24 novembre à son destinataire.

A la suite de cette décision et par exploit signifié le 30 novembre, M. T... fut assigné par Me S... devant le président du tribunal de grande instance de Nice statuant comme en matière de référé mais en vertu de l'article 26 du décret du 4 janvier 1955. Il était demandé dans cette assignation d'ordonner au défendeur de procéder à la publication susvisée et ce, sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, ensemble, de le condamner aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 20.000 F au titre de l'article 700 N.C.P.C.

Il fut pour l'essentiel fait droit à ces conclusions dans une ordonnance rendue le 25 mars 1993, dont le dispositif est relaté ci-après :

"Ordonnons à Monsieur T..., conservateur au 2ème bureau des hypothèques de Nice, de procéder à la mention en marge du privilège de vendeur et du privilège de prêteur de deniers pris au 2ème bureau des hypothèques de Nice le 11 mars 1987, vol.. n°.. au profit de la Banque de Financement Immobilier SOVAC contre M. et Mme F..., de l'acte de mainlevée reçu par Me S..., notaire à Paris, le 26 mars 1990;

"Déboutons Me S... de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 N.C.P.C.

Condamnons M. T... aux dépens".

Par une déclaration d'appel du 6 avril 1993, le conservateur déféra cette décision à la censure de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence mais Me S... souleva l'irrecevabilité de ce recours.

A cette fin, dans des conclusions d'incident présentées le 30 juillet 1993 au conseiller chargé de la mise en état, l'intimé exposa qu'à la date de l'appel, M. T... avait été admis à la retraite depuis déjà quelques semaines et qu'ainsi, il n'avait plus intérêt à agir. Il demanda en conséquence de déclarer l'appel irrecevable et de condamner son auteur à lui payer la somme de 2.500 F par application de l'article 700 N.C.P.C.

Ces conclusions furent rejetées par une ordonnance du 24 septembre 1993 dont les motifs et le dispositif sont reproduits ci-dessous :

" La demande tendant à l'irrecevabilité de l'appel est motivée par le fait que M. T..., qui avait rejeté une formalité présentée par Me S..., a cessé depuis lors ses fonctions de conservateur des hypothèques, étant observé que le premier juge a été saisi en la forme des référés dans le cadre de l'article 26 du décret du 4 janvier 1955; bien que les conclusions d'incident ne précisent pas la date à laquelle M. T... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite, la question de l'irrecevabilité ne peut se poser que si cette date est antérieure à la déclaration d'appel;

Il faut considérer que M. T... a succombé en première instance et a également été condamné aux dépens en son nom personnel, ce qui caractérise un intérêt à relever en appel, la décision lui faisant grief;

En outre, M. T... a été partie en première instance, sans faire état d'une mission de représentation, de sorte qu'il a qualité à agir, étant précisé que le conservateur des hypothèques en cas de préjudice causé aux tiers par un acte de ses fonctions engage sa responsabilité personnelle et non une responsabilité administrative; la demande sera donc rejetée et les dépens seront réservés;

PAR CES MOTIFS

Rejetons le demande tendant à l'irrecevabilité de l'appel,

Disons n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Disons que les dépens de l'incident seront joints à ceux du fond. "

OBSERVATIONS :

Ainsi qu'il est prévu à l'article 911 N.C.P.C., dans sa rédaction issue de l'article 15 du décret n°84-618 du 13 juillet 1984, "le conseiller de la mise en état est compétent pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel".

Cependant, les décisions rendues dans l'exercice des pouvoirs ainsi conférés n'ont pas l'autorité de la chose jugée au principal. Elles peuvent, par suite, être mises en cause devant la formation collégiale de la cour, soit par simple requête dans les 15 jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance ou de constater son extinction (ibid. art. 914, 2ème alinéa), soit, de toute façon, dans le débat sur le fond (Cass. civ. 2° 12 octobre 1988, bull. civ. n°193).

La déclaration de recevabilité de l'appel de M. T... est donc seulement provisoire, mais les motifs lui servant de support paraissent solides.

Certes, notre collègue a été admis à la retraite à compter du 10 février 1993 si bien qu'il avait cessé ses fonctions lorsque le 6 avril suivant, il a relevé appel; mais le fait qu'il n'était plus désormais en mesure d'apposer lui-même la mention litigieuse n'était de nature ni à lui faire perdre la qualité de partie condamnée en première instance, ni, non plus, à l'exempter de l'obligation de réparer à l'aide de ses propres deniers les dommages imputables à l'inexécution de la publication en cause si cette dernière est ordonnée aussi en appel. Dans ce cas, l'ensemble constitué par l'acte notarié du 26 mars 1990 et les décisions de justice ayant respectivement condamné et débouté M. T... ne pourrait que conduire le conservateur alors en poste au 2ème bureau de Nice à déférer à la réquisition de publier.

Actuellement, toutefois, cette éventualité est dénuée de toute vraisemblance. En effet, dans un arrêt du 9 février 1994 (bull. A.M.C., art. 1604), la Cour de Cassation a jugé que la publication d'une mainlevée entraîne nécessairement la radiation de l'inscription.