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Art. 1641

INSCRIPTIONS

Inscription provisoire d'hypothèque assurant la publicité d'une sûreté judiciaire régie par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles

Introduction d'une procédure ou accomplissement des formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.

Dénonciation de ces diligences aux personnes ayant la qualité de tiers entre les mains de qui la mesure est pratiquée 

Qualité non susceptible d'être reconnue aux conservateurs.

AVIS DE LA COUR DE CASSATION N°4 DU 1er MARS 1994

Faits : Le dispositif législatif et réglementaire ayant conduit les créanciers à faire signifier à plusieurs de nos collègues une copie des actes attestant les diligences requises par l'article 215 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 a été exposé sous l'article 1558 du présent bulletin auquel le lecteur est invité à se reporter.

La question de savoir si les conservateurs doivent être regardés comme se trouvant au nombre des destinataires légaux de ces significations a été, le 7 décembre 1993, posée à la Cour de cassation par le juge au Tribunal d'instance de Dax agissant en qualité de juge de l'exécution.

La demande présentée à cette fin dans une instance opposant M. B... à la société S... B... est ainsi libellée : "Compte tenu du caractère général des dispositions de l'article 216 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, le conservateur des hypothèques doit-il, lors de la constitution à titre conservatoire d'une sûreté judiciaire sur un immeuble, être qualifié de tiers envers lequel le créancier doit signifier, à peine de caducité de la mesure, la copie des diligences requises par l'article 215 dudit décret ?"

Les motifs et le contenu de l'avis qui a été rendu sont reproduits ci-dessous :

"La signification prévue par l'article 216 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 n'est destinée qu'aux personnes qui, se trouvant dans un rapport de droit avec le débiteur et à qui la mesure conservatoire pratiquée impose des obligations, ont intérêt à savoir si le créancier a effectué, dans les délais impartis, les diligences requises par la loi pour que la mesure conservatoire conserve son efficacité ;

"EN CONSEQUENCE :

"EST D'AVIS qu'en cas d'inscription provisoire d'hypothèque le conservateur des "hypothèques n'est pas un tiers au sens de l'article 216 du décret du 31 juillet 1992".

Observations : Par voie de codification directe opérée dans la partie législative du code de l'organisation judiciaire, l'article 1er de la loi n° 91-491 du 15 mai 1991 a ouvert la possibilité de soumettre à la Cour de cassation une question de droit litigieuse avant qu'elle ne soit jugée. Selon, l'article L.151-1 nouveau de ce code, l'emploi de cette innovation est réservé aux juridictions de l'ordre judiciaire . Celles-ci, avant de statuer sur une demande soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de cassation qui se prononce dans le délai de trois mois de la saisine.

La procédure suivie est contradictoire, ainsi qu'il résulte des dispositions des articles 1031-2, 1031-4 et 1031-5 du nouveau code de procédure civile tous issus de l'article 1er du décret d'application n° 92-228 du 12 mars 1992 . En particulier, la décision sollicitant l'avis ainsi que la date de transmission du dossier sont notifiées aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; les parties sont admises à présenter des observations lesquelles, dans les matières où la représentation est obligatoire, doivent être signées par un avocat aux Conseils ; de même, l'affaire est communiquée au Procureur général près la Cour de cassation qui est informé de la date de la séance.

Bien entendu, cette compétence nouvelle ne marque pas la restauration des arrêts de règlement : aux termes de l'article L. 151-1, "l'avis rendu ne lie pas la juridiction qui a formulé la demande" . A fortiori, il ne saurait s'imposer aux autres tribunaux.

Cet avis, toutefois, reçoit une large publicité . Il n'est pas seulement notifié aux parties par le greffe de la Cour de cassation et adressé à la juridiction qui l'a demandé. Il est également communiqué au premier président de la Cour d'appel et au procureur général lorsque la demande n'émane pas de la Cour (NCPC, art. 1031-7) . Ses auteurs, d'autre part, peuvent, s'ils le souhaitent, ordonner sa publication au Journal officiel (ibid. art. 1031-6).

Surtout, compte tenu de la composition de la formation d'où il émane, il ne peut que jouir d'une grande autorité. Il est délibéré, en effet, par un collège qui, présidé par le premier président, comprend les présidents de chambre et deux conseillers désignés par chaque chambre spécialement concernée (Code de l'organisation judiciaire, art. L.151-2).

Celui reproduit ci-dessus est tranchant, mais sa motivation est d'une extrême concision : il faut se reporter à l'article 216 du décret du 31 juillet 1992 pour savoir que le "tiers" y est désigné comme étant la personne entre les mains de qui la mesure est pratiquée, ce qui, effectivement, implique qu'elle a un lien de droit avec le débiteur et que la mesure lui impose des obligations. Telle n'est pas, manifestement, la situation dans laquelle se trouve le conservateur à l'égard du débiteur-propriétaire dont un immeuble a été grevé par une inscription provisoire d'hypothèque.

C'est pourquoi tant l'Administration que l'A.M.C. ont recommandé de classer sans suite les exploits délivrés à nos collègues en application de l'article 216.

Cette recommandation, conforme désormais à l'avis donné par la Cour de cassation, apparaît de la sorte comme très solidement étayée. Elle ne peut, dès lors, qu'être maintenue.

Rapprocher : Bulletin A.M.C., art. 1558.