Art. 1645 INSCRIPTIONS EN RENOUVELLEMENT Troisième renouvellement d'une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire requis plus de trois ans après le second renouvellement mais moins de neuf ans après la date de l'inscription primitive Péremption acquise ARRET DE LA COUR D'APPEL DE BASTIA (CHAMBRE CIVILE) DU 27 FEVRIER 1992 Faits : Une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire, régie par l'article 54 de l'ancien code de procédure civile (1) , a été prise le 6 août 1981 au bureau de Bastia au profit du Crédit L... . Elle a été renouvelée une première fois le 27 juillet 1984 et une seconde, le 3 juin 1987. Un troisième bordereau de renouvellement remis le 5 juillet 1990 au même bureau fut porté au registre des dépôts. Mais, au moment d'annoter le fichier, le conservateur remarqua que l'inscription renouvelée était périmée depuis le lundi 4 juin 1990 à 24 heures et que, dès lors, ainsi qu'il résulte du 2° du 1 de l'article 64 du décret du 14 octobre 1955, le dépôt aurait dû être refusé. Faisant application de la possibilité ouverte par le 3 de l'article 74 de ce décret, il notifia l'irrégularité au déposant, puis prononça le rejet de la formalité. Cette décision, toutefois, fut soumise au jugement du président du tribunal de grande instance de Bastia statuant comme en matière de référé mais avec les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 26 du décret du 4 janvier 1955. Ce magistrat, par une ordonnance du 5 décembre 1990, annula le rejet et prescrivit l'exécution de la formalité. Au contraire, en appel, la Cour de Bastia prit le parti du conservateur par les motifs rapportés ci-après : "Attendu que l'appel, régulier en la forme, est recevable ; qu'il sera statué en application des dispositions de l'article 26 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ; "Attendu que les conditions de renouvellement d'une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sont identiques à celles d'une hypothèque définitive dans la mesure où elles sont énoncées par l'article 54 de l'ancien code de procédure civile qui faire référence à l'article 2154 du code civil relatif à cette dernière ; "Attendu qu'aux termes de l'article 2154-1 du même code, l'inscription cesse de produire effet si elle n'a pas été renouvelée au plus tard à la date visée au premier alinéa de l'article 2154, c'est-à-dire à la date que fixe le créancier lors de son inscription ; "Attendu que si, en matière d'inscription provisoire, la durée de la garantie est déterminée par la loi et préfixe, elle prend toujours effet à la date de son dépôt, comme pour toutes les formalités accomplies à la conservation des hypothèques ; "Attendu qu'il en est de même en matière de renouvellement où le nouveau délai de trois ans court à compter de la date d'accomplissement de cette formalité et non à compter de la date théorique à laquelle les effets de la première inscription doivent cesser, même si la mise en oeuvre de cette méthode de calcul a pour effet de réduire la période légale de garantie en cas de renouvellements successifs ; "Attendu qu'il sera surabondamment relevé que le raisonnement suivi par la banque intimée conduirait à garantir deux fois une même créance de manière identique entre la date de renouvellement et la date théorique d'expiration de la première inscription ; "Attendu que c'est à juste titre qu'en application des énonciations qui précèdent, le conservateur des hypothèques de Bastia a considéré que le renouvellement de l'inscription provisoire litigieuse du 5 juillet 1990 avait été effectué après que la péremption des inscriptions renouvelées fut intervenue et l'a écarté; "Qu'en conséquence, l'ordonnance attaquée, qui l'a désavoué, sera réformée ; PAR CES MOTIFS LA COUR "Reçoit l'appel, "Infirme l'ordonnance entreprise, Observations : Le premier alinéa de l'article 2134 du code civil indique que l'hypothèque n'a rang que du jour de l'inscription prise par le créancier. Or, selon le second alinéa de l'article 2150 du même code, ce jour est celui où il est fait mention du bordereau au registre des dépôts. C'est donc la date de cette mention qui marque le point de départ du délai de validité de l'inscription. Le terme de ce délai, au contraire, est, en principe, fixé par le créancier dans les limites tracées et avec les distinctions imposées par l'article 2154 du code civil dans sa rédaction issue de l'article 1er de l'ordonnance n° 67-839 du 28 septembre 1967 . Aussi, d'après les articles 55 § 2, 61 § 1 et 67 § 1 du décret modifié du 14 octobre 1955, ce terme doit-il, à peine de rejet de la formalité, être porté en lettres majuscules d'imprimerie sur les bordereaux tant des inscriptions originaires que de celles prises en renouvellement . De ce fait, les inscrivants ne sauraient se plaindre de dates qu'ils ont eux-mêmes fixées et dont, par suite, ils ne peuvent faire grief aux conservateurs. A ce principe, toutefois, l'article 54 de l'ancien code de procédure civile apporte une dérogation en décidant que l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire est "valable trois ans et renouvelable conformément à l'article 2154 du code civil (2) ; pour elle, dès lors, la date extrême d'effet n'est pas au nombre des informations qui doivent figurer obligatoirement, mais exclusivement, dans les bordereaux. Elle est ajoutée au bureau des hypothèques au moment du dépouillement-taxation. Cette addition, a priori, ne paraît pas susceptible de prêter à hésitation et donc de susciter des différends : le dernier jour d'un délai préfix de trois ans est le jour de la troisième année portant le même quantième que la date de l'acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. Mais en l'espèce, en quoi a consisté ce facteur originel ? Telle était la question. Pour y répondre, le créancier et le premier juge ont raisonné comme si l'inscription avait été prise pour 3, 6, 9 ans, etc... sous réserve que le renouvellement soit requis avant le terme de chaque période triennale. Cette condition étant remplie, c'est ce terme qui constituerait l’événement rouvrant le délai de validité. En conséquence, l'inscription originaire du 6 août 1981, renouvelée successivement les 27 juillet 1984 et 3 juin 1987 aurait vu reporter sa date extrême d'effet au 6 août 1990. La péremption, dès lors, n'aurait pas été acquise le 5 juillet 1990, date à laquelle le bordereau de renouvellement litigieux a été présenté au conservateur. Celui-ci, au contraire, lorsqu'il a formalisé les renouvellements des 27 juillet 1984 et 3 juin 1987 a estimé qu'un nouveau délai de trois ans commençait à courir à compter du jour de la relation de chacun d'eux au registre des dépôts. Ainsi, au plan de la durée de validité, il a assimilé entièrement les bordereaux de renouvellement au bordereau primitif pour déterminer la date limite d'effet. Cette manière de faire a été expressément approuvée par la Cour de Bastia pour le motif exposé dans les deux attendus reproduits ci-dessus en caractères italiques et gras. Malgré l'abrogation de l'article 54 de l'ancien code de procédure civile, cette jurisprudence demeure actuelle . Rien, en effet, ne semble s'opposer à ce qu'elle soit invoquée dans le cas des renouvellements de publicité provisoire opérés en application de l'article 257 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 selon lequel "la publicité provisoire conserve la sûreté pendant trois ans ; elle peut être renouvelée dans la même forme et pour la même durée". (1) L'article 54 de l'ancien code de procédure civile a été abrogé à compter du 1er janvier 1993 par les dispositions combinées du 2° de l'article 94 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et de l'article 3 de la loi n° 92-644 du 13 juillet 1992. (2) Dans la rédaction qui était la sienne à l'époque de la promulgation de l'article 1er de la loi n° 57-115 du 6 février 1957, dont les dispositions sont celles de l'article 54 de l'ancien code de procédure civile. |