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Art. 1709

SALAIRES

Servitudes profitant au fonds vendu consenties par le vendeur à l'acquéreur dans l'acte même d'acquisition d'un immeuble

Dispositions indépendantes

Exigibilité de salaires particuliers

Question : Par acte notarié, une société A.. a vendu à une société B.. un terrain à bâtir figurant au cadastre sous les références BK 64, 66, 67, 70 et 73. En outre, dans cet acte, il a été concédé à l'acquéreur trois servitudes qui s'exercent sur des fonds dont le concédant reste propriétaire.

Ces servitudes comprennent :

- un droit de passage à pied et en voiture institué au profit des parcelles susdésignées et s'exerçant sur celles cadastrées BK 61, 68, 74, 62, 65, 69, 71,

- avec les mêmes fonds dominant et servant, le droit d'établir sous l'assiette du chemin des réseaux de fluides : eau potable, assainissement, ainsi que des lignes téléphoniques,

- enfin, sur les parcelles BK 62, 65, 69, 71 et au profit de celles cadastrées BK 64, 66, 70, 73, un passage pour le réseau EDF appelé à desservir la propriété de la société B.

Or, le document remis au bureau des hypothèques à fin de publication ne comporte ni le prix de chacune de ces servitudes, ni l'estimation qui, à défaut de "sommes énoncées", doit être faite afin que le salaire puisse être liquidé. Aussi, le conservateur a-t-il refusé le dépôt.

Toutefois, le notaire objecte que, s'agissant de dispositions dérivant nécessairement de la vente, aucune de ces servitudes ne doit donner lieu à la perception d'un salaire. D'autre part, il invoque l'avis d'un CRIDON, selon lequel, alors même que ces dispositions devraient être considérées comme indépendantes, les salaires en cause, s'ils étaient exigés, méconnaîtraient la règle "non bis in idem" (1).

Le refus, dès lors, doit-il être maintenu ?

Réponse : Réponse affirmative.

En effet, ainsi qu'il ressort des dispositions de l'article 296 de l'annexe III au code général des impôts, le salaire proportionnel doit être liquidé à raison de chacun des droits faisant l'objet de la publication.

Cependant, il est admis de ne pas s'employer à distinguer ces droits quand ils forment un tout indivisible et de prendre la position contraire seulement lorsqu'ils résultent de "dispositions indépendantes" au sens donné à cette expression à l'article 671 du code déjà cité.

Pour l'application de cet article, les notions de dépendance et d'indépendance ont été explicitées par la Cour de cassation qui a adopté un critère objectif.

Le fait que les dispositions se rattachent les unes aux autres dans les volontés communes des parties ne suffit pas.

Il faut aussi qu'elles constituent par leur réunion un ensemble ayant une qualification propre.

C'est ce qui a été jugé dans plusieurs arrêts tels, par exemple, Cass. civ. 22 août 1871 D.P. 1873.1.81, 17 décembre 1924, Dict. Indic. n° 1907, 19 novembre 1940, S. 1943.1.9.

Or, en l'espèce, s'il est vrai que la transmission du terrain vendu et la constitution des servitudes lui profitant ont été liées entre elles par l'intention des parties contractantes, ces dispositions, prises abstractivement, ne peuvent être regardées comme concourant ensemble à la formation d'un contrat unique dont elles seraient les éléments corrélatifs et nécessaires.

C'est pourquoi ces servitudes doivent être regardées comme procédant de dispositions indépendantes si bien que chacune donne ouverture à un salaire proportionnel, liquidé sur la portion du prix global dont elle a été la contrepartie sauf, toutefois, s'il y a lieu d'appliquer le minimum de perception de 100 F, à considérer que les deux servitudes de passage visant respectivement, les personnes et les canalisations n'en font qu'une dès lors que les fonds dominant et servant sont les mêmes.

Enfin, à l'argument tiré de l'adage "non bis in idem", il convient de répliquer que cette règle coutumière, qui d'ailleurs ne concerne ni le salaire du conservateur, ni les taxes de formalité, ne s'applique pas dés lors que chaque salaire réclamé correspond à une opération juridique distincte et à un prix qui lui est particulier parce que formant l'un des éléments constitutifs de la somme globale que l'acquéreur s'est engagé à payer au vendeur. Cette somme, pour les besoins de la liquidation des salaires, doit être ventilée.

(1) Cet adage, n'est énoncé dans aucune des dispositions du code général des impôts. Il a cependant valeur législative. Il signifie qu'une même opération juridique ne peut être soumise deux fois au droit proportionnel (et à plus forte raison plusieurs fois ), quel que soit le nombre d'actes qui la constatent.

Rapprocher : Bull. A.M.C., art. 891 et 1610.