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ARTICLE 1740

RADIATIONS

Mainlevée judiciaire

Radiation d'une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire prise par le Trésor en vertu de l'article 706-30 du code de procédure pénale.

Présentation d'une ordonnance du juge d'instruction décidant qu'il n'y a lieu à suivre mais ne contenant ni injonction de radier ni désignation de l'inscription dont le déposant requiert la radiation

Refus du dépôt justifié

Question : Statuant sur la suite à donner à une information ouverte contre une personne mise en examen pour trafic de stupéfiants, le juge d'instruction a rendu une ordonnance dans laquelle ce magistrat expose que "de l'information, il ne résulte pas de charges suffisantes contre Mme B... du chef de l'apport conscient de concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion de produit de trafic de stupéfiants" et dit "n'y avoir lieu à suivre de ce chef contre la susnommée".

Cette décision de justice est présentée à un conservateur par l'avocat de Mme B... . Elle vient à l'appui de sa demande de radier une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire constituée par le Trésor sur un immeuble appartenant à sa cliente.

Cette inscription qui, comme il est prévu à l'article 881-I du code général des impôts, a été prise sans avance du salaire du conservateur, avait été requise sur la base des dispositions de l'article 706-30 du code de procédure pénale et dans les conditions fixées audit article.

Selon cet article, " En cas d'information ouverte pour l'infraction aux articles 222-34 à 222-38 du code pénal (1) et afin de garantir le paiement des amendes encourues, ainsi que l'exécution de la confiscation prévue au deuxième alinéa de l'article 222-49 du code pénal (2), le président du tribunal de grande instance ou un juge délégué par lui, sur requête du procureur de la République, peut ordonner aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen.

La condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés.

La décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d'extinction de l'action publique ".

Aussi, en adressant au bureau de la situation de l'immeuble grevé, une expédition de l'ordonnance de non-lieu obtenue par Mme B..., son avocat, en invoquant les dispositions législatives qui précèdent, mais sans verser aucune somme au titre du salaire du conservateur, a requis celui-ci de procéder immédiatement à la radiation de l'inscription.

Suffit-il pour devoir déférer à cette réquisition d'obtenir le paiement à la fois du salaire liquidé en débet lors de l'inscription et de celui dû pour sa radiation ?

Réponse : Réponse négative.

En effet, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 2149 du code civil, les mainlevées et réductions d'inscription de privilège ou d'hypothèque sont traduites au registre public sous forme de mentions apposées par le conservateur dans la marge des bordereaux concourant à la formation du registre public.

Ces mentions, d'après l'article 58 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 sont des analyses et donc des abrégés des documents remis à celui qui les rédige, lequel, par suite, n'a pas à tenir compte des effets qui, sans être relatés dans lesdits documents, y seraient produits de plein droit.

C'est pourquoi, lorsque le titre présenté à l'appui d'une demande de radiation est une décision de justice, le refus du dépôt s'impose s'il ne contient ni la désignation de l'inscription concernée, ni l'ordre de la radier.

Nota : Dans l'espèce ayant conduit à établir le présent article, le refus opposé par le conservateur a amené l'avocat du propriétaire grevé à saisir le président du tribunal de grande instance qui avait autorisé l'inscription provisoire.

Statuant sur la requête ainsi formée, ce magistrat a rendu une ordonnance dont les motifs et le dispositif sont rapportés ci-après :

" Attendu que par ordonnance du... devenue définitive, Mme B... a bénéficié d'un non-lieu partiel du chef de l'infraction sur la base de laquelle ces mesures conservatoires ont été autorisées;

Attendu qu'aux termes de l'article 706-30 du code de procédure pénale, la décision de non-lieu emporte de plein droit, aux frais du Trésor mainlevée des mesures ordonnées;

Attendu que le conservateur des Hypothèques d'A... s'étant refusé à ordonner la radiation de l'hypothèque en excipant des dispositions des articles 2157 et 2158 du code civil pourtant inapplicables aux inscriptions provisoires d'hypothèque judiciaire et l'ordonnance de non-lieu emportant de plein droit mainlevée de cette hypothèque étant devenue définitive, il y a lieu d'ordonner la radiation de cette inscription d'hypothèque;

Attendu, en outre, qu'il convient, en tant que de besoin, de dire que les requérants pourront librement reprendre possession des biens meubles ayant fait l'objet de la saisie conservatoire;

PAR CES MOTIFS

" Vu l'ordonnance de non-lieu partiel rendue par le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'A... le... relativement à infraction d'apport conscient de concours à une opération de placement de dissimulation ou de conversion de produit de trafic de stupéfiants;

Constatons qu'en vertu des dispositions de l'article 706-30 du code de procédure pénale, cette ordonnance devenue définitive emporte de plein droit mainlevée des mesures conservatoires prescrites par l'ordonnance du... à savoir :

- Inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les immeubles situés commune de G... lieudit...

Saisie conservatoire opérée sur les meubles..........

Disons en conséquence que le conservateur des hypothèques d'A... sera tenu, sur présentation de la présente ordonnance, de procéder à la radiation de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise le... sous le n°... Vol... sur les immeubles situés à G... lieudit... section... n°...

Disons que les frais afférents à cette radiation seront à la charge du Trésor............".

Au vu de cet ordre de justice, notre collègue a radié l'inscription sans insister sur le versement préalable des salaires. Mais ceux-ci, que la Trésorerie générale s'était verbalement engagée à payer furent réglés quelques jours plus tard.

La radiation aurait également pu être faite si le comptable public mentionné dans le bordereau d'inscription comme appelé à bénéficier de la garantie avait, dans une lettre adressée au conservateur, pris acte de la mainlevée de plein droit et consenti, en conséquence, à la radiation de l'inscription et payé les salaires.

 (1) Les articles 222-34 à 222-38 du code pénal définissent et répriment diverses infractions relatives au trafic des stupéfiants. Les sanctions encourues sont très lourdes : elles comprennent de longues peines de réclusion criminelle ou d'emprisonnement auxquelles s'ajoute une amende de 50 millions de francs.

(2) Le second alinéa de l'article 222-49 du code pénal se place dans le cas d'une condamnation pour l'une des infractions prévues par les articles 222-34, 222-35, 222-36, 222-37 et 222-38 du même code. Il y est décidé qu'alors ' peut également être prononcée la confiscation de tout ou partie des biens du condamné, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. '