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ARTICLE 1747

MENTIONS EN MARGE DES INSCRIPTIONS

Document à mentionner constitué par l'extrait littéral d'un acte de quittance
Extrait réduit à la seule expression de la volonté du créancier
de ramener à une date postérieure à celle de l'acte
la limite d'effet des trois inscriptions à émarger
Formalité impossible - Radiation inévitable

Ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de SENS
( 7 novembre 1996 )

Les faits

Le 31 juillet 1996, Me S..., notaire à Paris, a remis à M. M... conservateur à J... deux extraits littéraux d'un acte reçu par lui le 24 juin 1996 et contenant les stipulations suivantes :

' L'an mil neuf cent quatre- vingt- seize le 24 juin à l'étude, Maître S... notaire soussigné a reçu le présent acte de QUITTANCE.

Le CREANCIER est :

La Caisse ... dont le siège social est à ...

Le notaire soussigné certifie que l'identité de la Banque susnommée, seule partie à l'acte, lui a été régulièrement justifiée.

EXPOSE :

Aux termes d'un acte reçu par Me L..., notaire à B..., le 24 août 1990, la Caisse ... a consenti à M. et Mme L... trois prêts dont les remboursements ont été garantis par la publication d'hypothèques conventionnelles au bureau des hypothèques de J... sur une propriété située commune de B... formant le lot n°... du 3ème lotissement municipal dit ... pour une contenance de ... .

I- Inscription d'hypothèque conventionnelle prise le 8 mars 1990, volume ... n°... au profit de la Caisse ... contre M. et Mme L... pour sûreté d'une somme totale de ... ayant effet jusqu'au 5 mai 2012;

II- Inscription d'hypothèque conventionnelle prise le 2 février 1981, volume ... n°... au profit de la Caisse ... contre M. et Mme L... pour sûreté d'une somme totale de ... ayant effet jusqu'au 25 avril 2004;

III- Inscription d'hypothèque conventionnelle prise le 16 mai 1980, volume ... n°... au profit de la Caisse ... contre M. et Mme L... pour sûreté d'une somme totale de ... ayant effet jusqu'au 30 mars 2004.

Les bordereaux de publication et les copies exécutoires qui n'étaient pas transmissibles par voie d'endos ont été restituées au notaire soussigné en vue de leur destruction.

MODIFICATION DE LA DUREE D'EFFET

Compte tenu de la nouvelle date de dernière échéance qui est antérieure au présent acte, la Caisse ... requiert la modification de la durée d'effet des publications précitées qui devient : 1er octobre 1996.

PUBLICATION

Le notaire soussigné requiert le conservateur du bureau des hypothèques de J... de publier un extrait du présent acte dans les conditions fixées par l'article 2149 du code civil.

SIGNATAIRES

Lecture faite, le présent acte est signé par :

1°) Mme D..., secrétaire, demeurant ... agissant au nom et pour le compte du créancier ci-dessus dénommé en vertu de trois procurations sous seings privés en date à A... du 25 mai 1996.

2°) Le notaire

Acte établi en deux pages et comprenant trois annexes.'

Suivent les signatures de Mme D... et de Me S... le 24 juin 1996.

' Le notaire soussigné certifie le présent extrait sur deux pages exactement collationné et conforme à la minute et à l'extrait certifié destiné à recevoir la mention de publication. Il certifie que la capacité et l'identité complète de la Caisse ..., seule partie à l'acte, lui ont été régulièrement justifiées '.

A la date de sa remise au bureau de J... et donc le 31 juillet 1996, ce document fut inscrit sur le registre des dépôts. Mais, quelques semaines plus tard, lors du rapprochement avec le fichier immobilier, il donna lieu à l'envoi d'une lettre qui, adressée le 23 août 1996 à Me S..., porte notification de la cause de rejet reproduite ci-après :

' Rejet pour refus non opposé en application de l'article 74 § 3 du décret du 14 octobre 1955, en vertu des articles 2157 et 2158 du code civil art. 880 du code général des impôts.

1°) Le fait pour le créancier de ramener au 1er octobre 1996 la date extrême d'effet des inscriptions conventionnelles prises au bureau des hypothèques de J... le 8 mars 1990 Vol... n°..., le 2 février 1981, Vol... n°..., le 16 mai 1980, Vol... n°... mettra fin à cette garantie à cette date .

Cela caractérise donc le renoncement à terme à celle-ci. Une telle stipulation apparaît ainsi à l'évidence comme ayant pour unique objet de soustraire son auteur à l'obligation de requérir, le moment venu, la radiation de l'inscription à laquelle, pourtant, eu égard au pouvoir de contrôle conféré au conservateur par les articles 2157 et 2158 du code civil, aucune autre formalité ne peut être substituée ( Cass. civ. 9 février et 13 juillet 1994 ).

2°) Provision insuffisante, dès lors qu'en cas de radiation, le salaire doit être liquidé au taux de 0,10 % sur les sommes garanties telles que dans les bordereaux, l'inscrivant les a chiffrées ( C.G.I., art. 295 de l'annexe III ).

3°) Existence d'une copie exécutoire à ordre pour l'inscription du 16 mai 1980, Vol... n°.... Seul le notaire détenteur de la minute est en mesure de certifier l'absence d'endos (loi du 15 juin 1976, article 10, 2ème alinéa). '

Cette notification fut immédiatement considérée par Me S... comme dénuée de fondement. Ce notaire dans une lettre envoyée le 29 août 1996 au conservateur formula les observations suivantes :

'1°) Aucun des textes que vous citez ne prévoit un refus de dépôt ou un rejet de formalité pour la publication d'un acte de réduction de durée d'effet de la publication d'un privilège ou d'une hypothèque.

2°) L'arrêt de la cour de cassation du 9 février 1994 - qui n'est d'ailleurs pas un texte sur la publicité foncière - ne concerne ni directement, ni indirectement les réductions de durée d'effet.

3°) L'arrêt de la cour de cassation du 13 juillet 1994 - qui n'est d'ailleurs pas un texte sur la publicité foncière - n'évoque que les réductions de durée d'effet qui mettent fin à une garantie ce qui n'est pas le cas d'espèce.

4°) Mon acte du 24 juin 1996 ne met pas fin à la garantie puisqu'elle subsiste jusqu'au 1er octobre 1996 et qu'elle peut être valablement prorogée avant cette date.

5°) Il ne faut donc pas procéder à la radiation et vous n'êtes saisi d'aucune demande en ce sens de sorte qu'un salaire de 0,10 % n'est pas justifié.

Toutefois, par esprit de conciliation, je vous adresse ci-joint la somme de 1.032 F, ce qui ne peut pas s'interpréter comme étant un accord pour la perception d'un salaire qui n'est pas dû.

6°) Le créancier aurait pu dès l'origine fixer la durée d'effet des publications au 1er octobre 1996 :

il s'agit donc d'un simple acte d'administration qui ne nécessite aucune justification particulière des pouvoirs du signataire.

7°) Votre objection concernant l'inscription ne me paraît pas pertinente parce que l'existence d'une copie exécutoire à ordre n'est pas mentionnée sur le bordereau publié le 16 mai 1980 Volume ... n° ... et rien n'indique qu'elle a été établie. D'ailleurs, l'article 10 de la loi du 15 juin 1976 est d'interprétation restrictive et ne concerne que les mainlevées.'

Aussi, le 4 septembre 1996 et donc avant l'expiration du délai légal de régularisation d'un mois, le conservateur procéda-t-il à la notification du rejet, laquelle fut assortie des explications rapportées ci-dessous.

' Votre lettre du 29 août 1996 emporte refus de satisfaire aux obligations légales à l'accomplissement desquelles, dans les circonstances de l'affaire, je suis tenu de subordonner mon concours.

C'est pourquoi, en application de l'antépénultième alinéa de l'article 34 par. 3 du décret du 14 octobre 1955, j'ai l'honneur de vous informer que je prononce le rejet de la formalité ci-dessus visée.

Ci-joint en retour le chèque de 1.032 F qui accompagnait la lettre du 29 août.

Celle-ci, quoique accompagnée d'un chèque portant le montant du salaire versé à celui dû pour radier les trois inscriptions en cause, vaut, en réalité, refus de mettre le conservateur en mesure d'exécuter ces formalités et ce, pour les raisons suivantes :

Tout d'abord, dans cette lettre, il est contesté que les stipulations de l'extrait littéral d'acte de quittance, qui a été remis, caractérisent le renoncement aux garanties hypothécaires désignées dans ce document.

Or, elles ne peuvent avoir une autre signification. En effet, il y est relaté que le créancier s'est dessaisi des bordereaux et des copies exécutoires à fin de destruction et il y est stipulé de ramener les limites de validité des inscriptions (5 mai 2012, 25 avril 2004, 30 mars 2004) à la date du 1er octobre 1996 qui, alors que les créances ont été payées, ne peut qu'être regardée comme définitivement fixée.

Du fait de cette contestation, et contrairement à la conséquence inscrite dans l'arrêt de cassation du 13 juillet 1994, il n'a pas dans la lettre été conclu que les inscriptions doivent être radiées dans les conditions prévues par l'article 2158 du code civil.

Corrélativement, il n'a pas été établi un avenant dans lequel la Caisse ... consentirait explicitement aux radiations, qui contiendrait l'analyse certifiée des pièces justifiant les pouvoirs du comparant, exigée au second alinéa de l'article 2158, et enfin où serait formulée la réquisition prévue au premier alinéa du même article'.

Le 10 septembre 1996, Me S... s'est pourvu contre cette décision devant le président du tribunal de grande instance de Sens statuant comme en matière de référé en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.

Ce magistrat débouta le demandeur après avoir dans son ordonnance analysé les dires des parties et exposé les motifs ayant formé sa conviction.

Cette analyse, ces motifs ainsi que le dispositif de sa décision sont reproduits ci-après.

DIRES DES PARTIES

Le 10 septembre 1996, Me S... a assigné le conservateur des hypothèques de J... en application des dispositions de l'article 26 du décret du 4 janvier 1955 afin que soit constaté que le rejet de formalité à lui notifié par le défendeur n'est pas fondé et ordonné au conservateur la publication de l'extrait de l'acte du 24 juin 1996 avec effet au 31 juillet 1996, ce sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Il réclame par ailleurs la condamnation du défendeur à lui verser la somme de 5.000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Me S... fait valoir qu'il ne peut être question pour lui de demander la radiation des hypothèques, une telle formalité ne concernant plus que les hypothèques inscrites avant le 1er janvier 1956 et celles inscrites au livre foncier.

Il conteste que l'existence d'une copie exécutoire à ordre soit établie.

Il dénie au conservateur des hypothèques le pouvoir d'interpréter son acte.

Monsieur M... conservateur des hypothèques à J..., soutient que les articles 2157 et 2158 du code civil prévoyant la radiation des hypothèques sont applicables à toutes les hypothèques, quelle que soit leur date.

Faisant valoir que le conservateur dispose d'un pouvoir d'appréciation de la validité au fond de l'acte visant à mettre fin aux inscriptions d'hypothèques conventionnelles, il affirme que l'acte litigieux du 24 juin 1996 contenait quittance par la Caisse ..., compte tenu du remboursement de sa créance et aurait dû entraîner la radiation des hypothèques et non une réquisition de la modification de la durée d'effet.

Monsieur M... souligne enfin que l'existence d'une copie exécutoire à ordre concernant l'inscription du 16 mai 1980 résulte d'une mention du 21 février 1981 sur le bordereau et au fichier dont Me S... pouvait avoir connaissance.

Il conclut que, s'agissant d'un acte assimilable à une mainlevée, seul le notaire détenteur de la minute pouvait y procéder.

Il observe que l'exécution provisoire de la décision à intervenir est prohibée par la loi.

Demandant le débouté de Maître S..., il lui réclame reconventionnellement, pour n'avoir pas respecté les engagements pris au titre d'une médiation intervenue dans de précédents litiges semblables, la somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts ainsi que 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. '

MOTIFS DE LA DECISION

' Les articles 2157 et 2158 du code civil insérés dans la section première 'dispositions générales' du chapitre V intitulé de la radiation réduction des inscriptions ne contiennent aucune disposition permettant d'en réserver l'application aux hypothèques antérieures au 1er janvier 1956;

Ces textes sont par conséquent applicables à toutes les hypothèques quelle que soit leur date;

S'agissant de textes spéciaux, ils ont vocation à régir toutes les situations où l'acte dont la publication est demandée équivaut à une demande de radiation de l'inscription;

Il appartient au conservateur des hypothèques de vérifier si la formalité qu'on lui demande d'effectuer est en conformité avec la teneur de l'acte à publier et correspond bien aux dispositions légales;

En l'espèce, l'acte du 24 juin 1996 remis par Me S... au conservateur des hypothèques de J... est qualifié d'acte de quittance;

Il est précisé que les bordereaux de publication et les copies exécutoires qui n'étaient pas transmissibles par voie d'endos ont été restitués au notaire en vue de leur destruction;

Il est enfin indiqué que la nouvelle date de la dernière échéance est antérieure au présent acte;

Dans ces conditions, la créance de la banque apparaissant éteinte au 24 juin 1996, la demande de modification de la durée d'effet des publications hypothécaires au 1er octobre 1996 apparaît destinée seulement à contourner la seule formalité applicable en l'espèce, à savoir la radiation des hypothèques;

C'est, par conséquent, à bon droit que sur ce motif la formalité appropriée demandée par Maître S... a été rejetée par le conservateur des hypothèques;

Compte tenu des nombreux procès antérieurs qui tous procédaient des tentatives de Maître S... de contourner la formalité de la radiation et avaient abouti à une médiation, cette nouvelle procédure apparaît abusive;

Elle a occasionné à Monsieur M... un préjudice moral qui sera réparé par l'octroi du franc symbolique;

Maître S... devra régler à Monsieur M... la somme de 6.000 F pour compenser ses frais irrépétibles;

PAR CES MOTIFS

Le Président, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Déboute Maître S... de l'ensemble de sa contestation et de ses demandes,

Le condamne à verser à Monsieur M..., conservateur des hypothèques de J..., la somme de un franc à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 6.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Le condamne aux dépens.'

OBSERVATIONS

Depuis 7 ans déjà, Me S..., notaire à Paris, s'est employé à imaginer et utiliser des formules d'acte inédites destinées à empêcher les conservateurs de radier les inscriptions.

La première en date a consisté à tenter d'obtenir la publication d'un acte de mainlevée sans que soit requise la radiation de l'inscription à laquelle il a été renoncé.

Cette combinaison est vraiment singulière puisque le créancier, après avoir, dans le document à formaliser, consenti à l'abandon de l'inscription, s'oppose ensuite à ce qu'elle soit radiée.

Mais son initiateur est insensible à cette contradiction. Il exige que la mainlevée soit mentionnée en marge de l'inscription qu'elle laisserait subsister et soutient qu'eu égard aux dispositions de l'article 2199 du code civil, le conservateur ne peut pas faire autrement que procéder à la publication requise.

Effectivement, l'article 2199, après avoir énoncé le principe selon lequel les conservateurs ne peuvent ni refuser, ni retarder l'exécution d'une formalité, y déroge seulement lorsqu'' ils sont fondés à refuser le dépôt ou à rejeter une formalité, conformément aux dispositions législatives ou réglementaires sur la publicité foncière '.

Or, observe Me S..., il n'existe aucun texte faisant défense d'analyser une mainlevée en marge de l'inscription dont l'abandon a été consenti sans, en même temps, la radier.

Mais, ce n'est pas sur ce terrain que la Cour de cassation s'est placée pour rejeter cette argumentation en la déclarant illégale.

Son illégalité, d'après l'arrêt du 9 février 1994 ( Bull A.M.C., art. 1604 ) résulte du ' pouvoir de contrôle du conservateur des hypothèques qui s'étend à la validité au fond de la mainlevée totale d'une inscription hypothécaire '.

En effet, ce pouvoir, qui a sa base légale dans les dispositions combinées des articles 2157 et 2158 ( 1er alinéa ) du code civil ( voir notamment Cass. civ. 3° 16 juillet 1975, Bull. A.M.C., art. 1033 ), n'est pas, pour l'agent public qui en est investi, une simple faculté.

Pour lui, au contraire, il constitue une impérieuse obligation professionnelle. Il ' doit ', est-il précisé dans l'arrêt du 9 février 1994, ' l'exercer lorsque la publication d'une telle mainlevée est demandée, celle-ci entraînant nécessairement la radiation de l'inscription '.

En réalité, en publiant une mainlevée sans radier, un conservateur accepterait de renoncer à l'exercice de l'une de ses attributions légales et se rendrait, dès lors, coupable du manquement consistant pour un fonctionnaire à méconnaître l'étendue de sa propre compétence.

C'est pourquoi lorsqu'il est requis de commettre une telle faute, ne peut-il que s'abstenir de prêter le concours qui lui est demandé et ce, sans qu'il soit besoin d'une disposition spéciale le lui ordonnant expressément.

Le même parti doit être pris à l'égard de l'autre stratagème auquel Me S... a recours lorsque, comme pour la mainlevée après paiement, le droit de privilège ou d'hypothèque s'est, en application de l'article 2180, 1° du code civil, éteint à la suite de l'entier remboursement de la créance garantie.

Dans ce cas, ce notaire dissuade tout d'abord le créancier d'accorder la mainlevée de l'inscription qui est le signe public de ce droit.

Puis à l'acte authentifiant le consentement à la radiation, pourtant expressément prévu au 1er alinéa de l'article 2158 du code déjà cité, il est substitué une convention dans laquelle la ' partie intéressée ', après avoir délivré quittance au débiteur, requiert le conservateur d'avancer la date extrême d'effet de l'inscription.

C'est de cette nouvelle date-limite qu'en application de l'article 2149 du même code, il est demandé la publication sous forme de mention en marge.

De la sorte, l'inscription ainsi modifiée cessera de figurer dans les états de renseignements hypothécaires dont la date de certification sera postérieure à l'arrivée de sa péremption, laquelle a été avancée uniquement afin que, comme s'il y avait eu radiation, l'immeuble grevé soit rapidement affranchi aux yeux des tiers.

En fait, une telle convention n'est qu'une mainlevée déguisée dès lors qu'elle exprime la volonté du créancier de voir disparaître l'inscription d'une sûreté qui s'est éteinte et à laquelle, dès lors, il n'a pu que renoncer.

C'est pourquoi, dans son arrêt du 13 juillet 1994 ( Bull. A.M.C., art. 1639 ), la Cour de cassation a assimilé à une mainlevée proprement dite une réduction de durée d'effet ayant mis fin à une garantie hypothécaire dans des conditions caractérisant un renoncement à celle-ci.

Selon la Cour Suprême, dans ce cas comme dans celui où le document à formaliser est dénommé ' mainlevée ', ' l'inscription devait être radiée dans les conditions prévues à l'article 2158 du code civil '.

Simplement, le conservateur doit motiver son refus de coopérer.

A cette fin, il lui faut désigner les faits ayant entraîné l'extinction de la sûreté et faire ressortir que la modification de la durée d'effet de l'inscription n'a eu d'autre but que d'éluder sa radiation.

Telle a été la démonstration menée par notre collègue M... lorsqu'ayant constaté que le dépôt aurait dû être refusé, il a, en se fondant sur le 3 de l'article 74 du décret du 14 octobre 1955, prononcé le rejet de la formalité.

Cette démonstration a été conduite sans qu'il lui fût apparu nécessaire de réclamer une expédition intégrale de l'acte du 24 juin 1996 dont seul un extrait littéral lui avait été remis.

Il eût pourtant été fondé à l'exiger.

En effet, lorsque par application de l'article 2149 du code civil, la publication d'un document est effectuée sous forme d'une mention en marge d'une inscription, cette mention est constituée par une analyse sommaire, datée et signée par le conservateur ( Décret du 14 octobre 1955, art. 58 ).

Celui-ci, par suite, lorsque ce document est un extrait littéral, est en droit, afin de donner aux stipulations qu'il résume, leur exacte signification, de les replacer dans leur contexte et pour cela, d'obtenir la production de la totalité de l'acte ou de la décision judiciaire d'où elles ont été tirées.

Au cas particulier, cette précaution n'était pas indispensable : le lecteur de l'extrait littéral savait qu'il s'agissait d'une quittance et que celle-ci ne pouvait qu'avoir constaté le remboursement des prêts accordés par la banque bénéficiaire des inscriptions qui y sont désignées.

Au surplus, l'extinction des hypothèques était corroborée par le fait que, dans l'extrait littéral, il était relaté que le prêteur s'était définitivement dessaisi des justificatifs de ses droits que sont les copies exécutoires et les bordereaux d'inscription revêtus de la mention de publicité.

A aucun moment d'ailleurs, tant dans sa lettre susrapportée du 29 août 1996 que dans l'assignation signifiée au conservateur le 10 septembre 1996, Me S... n'a dénié aux trois sûretés, citées dans l'extrait littéral qu'il n'a pu faire publier, d'être au nombre des droits qualifiés à l'article 2160 du code civil d''effacés par les voies légales'.

Il s'en est bien gardé et s'en est tenu opiniâtrement à son système consistant à faire abstraction du pouvoir de contrôle du conservateur découlant des dispositions combinées des articles 2157 et 2158 et qui, cependant, est le principe et la source du refus de publier.

Aussi, a-t-il invoqué de nouveau des arguments déjà développés sans succès devant la Cour de cassation, savoir, d'une part, la règle de la légalité des refus énoncée à l'article 2199 du code civil et d'autre part, l'abrogation des radiations prétendument intervenue le 1er janvier 1956 (1).

A ces arguments fidèlement relatés dans les motifs de l'arrêt du 13 juillet 1994 ( Bull. A.M.C. art. 1639 ) et qui ne pouvaient qu'être rejetés, il en a ajouté un autre destiné à écarter des débats les faits relevés par le défendeur pour donner à la modification de durée d'effet sa véritable portée.

Dans ce but, il a affirmé qu'un conservateur n'a pas qualité pour interpréter un document à publier et développer à son sujet 'des considérations personnelles'.

Cette affirmation est exacte en ce sens que pour répertorier et analyser un tel document sur les fiches de propriétaire et d'immeuble, il faut en rester à son sens littéral.

Mais en la circonstance, il ne s'agit pas de cela. Bien au contraire, comme il a été jugé dans la présente ordonnance, ' il appartient au conservateur des hypothèques de vérifier si la formalité qu'on lui demande d'effectuer est en conformité avec la teneur de l'acte à publier et correspond bien aux dispositions légales '.

Et ce sont les indices et présomptions mêmes avancés par le défendeur qui ont conduit le président du tribunal de Sens à décider que ' la demande de modification de la durée d'effet des publications hypothécaires au 1er octobre 1996 apparaît destinée seulement à contourner la seule formalité applicable en l'espèce, à savoir la radiation des hypothèques '.

Le demandeur a donc été entièrement débouté et il n'a pas interjeté appel. Mais, pour autant, il ne paraît pas avoir définitivement renoncé à lier le contentieux.

En effet, le 9 décembre 1996, soit un mois et deux jours après avoir perdu ce procès, il a, devant le tribunal de grande instance, assigné un autre collègue ayant refusé le dépôt d'un acte portant, lui aussi, modification de la durée d'effet d'une inscription.

(1) La thèse de l'abrogation des radiations n'a été admise par aucune des nombreuses juridictions devant lesquelles Me S.. l'a soutenue : c'est qu'elle est stupéfiante pour tous ceux qui savent que les libellés de l'article 2157 du code civil et du 1er alinéa de l'article 2158 du même code sont demeurés inchangés depuis leur promulgation intervenue le 29 mars 1804. Or, ce sont les dispositions combinées de ces deux articles qui, d'après la jurisprudence constante de la Cour de cassation, d'une part, chargent les conservateurs de radier les inscriptions et, d'autre part, pour les mainlevées volontaires, assortissent cette compétence légale de l'obligation de contrôler la validité du consentement du renonçant.

Rapprocher : Bull. A.M.C., art. 1540, 1604 et 1639.