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ARTICLE 1755

INSCRIPTIONS

RADIATIONS

Réforme des procédures civiles d’exécution ( Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 )

Inscriptions provisoires et définitives de sûretés judiciaires immobilières

Radiations desdites inscriptions

Pouvoirs et obligations des conservateurs

I- GENERALITES

Les nouvelles procédures civiles d’exécution ont été mises en application le 1er janvier 1993, date d’entrée en vigueur à la fois de la loi 91-650 du 9 juillet 1991 et du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 qui en assure l’exécution.

Depuis cette date, elles ont donné lieu à diverses difficultés d’interprétation auxquelles des solutions ponctuelles ont été apportées dans le Bulletin de l’A.M.C.

Les hésitations portent le plus souvent sur certains aspects du rôle dévolu en la matière aux conservateurs.

Aussi, sur les points prêtant à discussions a-t-il paru utile de préciser les pouvoirs qui leur sont conférés et d’en induire corrélativement les obligations qui leur incombent.

Tel est l’objet des développements qui suivent.

II - PUBLICITE PROVISOIRE

A ) Inscription provisoire d’hypothèque:

Une inscription provisoire d’hypothèque peut être prise sur autorisation du juge (art. 67 de la loi).

Elle peut également l’être sans son autorisation (art. 68 de la loi) :

- en vertu d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire

- en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles.

1 ) Délai

a) Inscription prise sur autorisation du juge en vertu d’une ordonnance prise sur requête.

L’hypothèque conservatoire autorisée par le juge de l’exécution doit être inscrite dans les trois mois à compter de l’ordonnance ( article 214 du décret.)

b) Inscription prise sans autorisation du juge ( art. 68 de la loi )

Le créancier peut prendre l’inscription provisoire sans qu’un délai lui soit imposé.

2 ) Forme ( art. 251 du décret )

L’inscription est opérée à la conservation des hypothèques par le dépôt de deux bordereaux contenant exclusivement:

- les mentions prévues pour les bordereaux par les paragraphes 1er et 2ème de l’alinéa 3 de l’article 2148 du code civil ( désignation du créancier et du débiteur et élection de domicile );

- l’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel l’inscription est requise;

- l’indication du capital de la créance garantie et de ses accessoires;

- la désignation, conformément au 1er et au 3ème alinéa de l’article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, de l’immeuble sur lequel l’inscription est requise.

Il est également prévu que les alinéas 4 à 7 de l’article 2148 du code civil sont applicables:

- exigence de la mention de certification de l’identité des parties, prescrite par les articles 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955;

- définition des causes de refus ou de rejet de la formalité.

En revanche, il n’est pas prévu d’indiquer la date, le volume et le numéro de la formalité de publication du titre de propriété du débiteur. En effet, l’alinéa 3-6° de l’article 2148 du code civil qui prévoit, dans le cas général, ces indications n’est pas visé par l’article 251 du décret.

Bien que les auteurs dudit article 251 aient employé l’adverbe " exclusivement ", le fait que ces indications soient incluses dans le bordereau ne saurait bien évidemment constituer une cause de rejet de l’inscription (même si elles étaient erronées).

Toutefois, les inscriptions provisoires sont soumises au principe de l’effet relatif; il appartient donc au conservateur, lors de l’annotation du fichier, de s’assurer, avant d’achever l’exécution de la formalité, que le titre du disposant ou dernier titulaire a été publié et qu’il n’a pas cessé de produire ses effets. (Arrêt de cassation du 13 mai 1987, inséré et commenté à l’article 1368 du Bulletin et arrêt de cassation Hédreul du 12 juin 1996)

3 ) Durée de conservation de l’inscription provisoire d’hypothèque ( art. 257 du décret )

L’inscription provisoire conserve la sûreté pendant trois ans.

Elle peut être renouvelée pour la même durée (une ou plusieurs fois.)

Enfin, ainsi qu’il est précisé par l’article 257 dans sa rédaction issue de l’article 10 du décret du 18 décembre 1996, le renouvellement est opéré dans les conditions de droit commun, c’est-à-dire conformément aux dispositions des article 61 et suivants du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 ( cf. lettre d’information A.M.C. de Janvier 1997 )

4 ) Notification de l’inscription au débiteur ( art. 255 du décret )

A peine de caducité, le créancier doit informer le débiteur par acte d’huissier du dépôt des bordereaux d’inscription provisoire dans les 8 jours de ce dépôt.

Cette signification doit contenir:

- copie de l’ordonnance du juge ou du titre en vertu duquel la sûreté a été prise;

- indication du droit pour le débiteur de demander la mainlevée de la sûreté;

- reproduction des articles 210 à 219 et 256 du décret.

B) Rôle du conservateur

1) Contrôle du respect des délais par le créancier.

Le conservateur est fondé à refuser l’inscription lorsqu’elle est requise plus de trois mois après l’autorisation du juge.

Dans ce cas, en effet, il est décidé à l’article 214 du décret que cette autorisation est caduque.

Le créancier, alors, ne dispose plus de l’autorisation nécessaire pour inscrire si bien que la situation est la même que si l’inscription était requise sans titre.

Le conservateur doit donc faire valoir à l’appui de son refus que l’obligation de présentation de l’autorisation du juge édictée par l’article 250 du décret n’est pas remplie puisque cette autorisation est caduque.

Selon l’article 214, le délai de trois mois court " à compter de l’ordonnance ". Son point de départ se situe donc au jour où elle est prononcée ( article 453 du Nouveau code de procédure civile ).

2 ) Contrôle de la validité et de l’efficacité du titre.

Le conservateur des hypothèques n’a pas à se préoccuper de la validité de l’autorisation ou du titre permettant, en application des articles 67 et 68 de la loi, de prendre l’inscription provisoire requise.

Néanmoins, dans la mesure où l’article 250 du décret oblige à présenter ce document au conservateur, celui-ci est tenu de l’exiger et de rapprocher les dispositions qu’il contient des diverses rubriques des bordereaux qu’il accompagne.

C’est pourquoi il convient d’assimiler à l’absence de titre les discordances (1) relevées en opérant ce rapprochement ( rapp. art. 1460 du Bulletin ). Il en est ainsi notamment des discordances dans les sommes garanties. Le conservateur s’assure que la décision judiciaire, le titre ou les autres documents communiqués ( lettre de change acceptée, billet à ordre, chèque, bail, etc... ) sont bien constitutifs d’une créance en capital dont le montant est au moins égal à celui de l’inscription requise.

A l’absence de titre doit également être assimilé le cas où le document présenté n’est manifestement pas en mesure de produire les effets qui y sont attachés. Il en est ainsi, par exemple, lorsqu’il n’est pas signé et daté ou lorsque la créance qui y est constatée n’est pas déterminée dans son montant.

Dans ces différentes situations, il convient d’opposer un refus.

a ) Inscription provisoire requise en vertu d’une ordonnance sur requête.

Un conservateur n’est pas habilité à apprécier la régularité et le bien fondé des décisions de justice en vertu desquelles des hypothèques peuvent être inscrites.

Il n’a donc pas à s’assurer lorsque l’autorisation du juge lui est présentée, que cette décision entrait dans la compétence du magistrat qui en a été l’auteur, ni non plus à s’intéresser à son mérite.

En revanche, il doit veiller à ce qu’en la forme, ce titre soit bien celui voulu par les dispositions législatives et réglementaires qui le régissent.

En particulier, à peine de refus de dépôt, l’autorisation doit être assortie des précisions exigées par l’article 69 de la loi du 9 juillet 1991 et par l’article 212 du décret du 31 juillet 1992.

Il faut donc que l’objet de la mesure soit indiqué (art. 69 de la loi) et dès lors, que l’expression " sûreté judiciaire " ou " inscription provisoire d’hypothèque " ou toute autre locution ayant le même sens figure dans la décision.

Celle-ci doit préciser la nature des biens sur lesquels porte la sûreté ainsi que le montant des sommes susceptibles d’être conservées par l’inscription (article 212 du décret).

Il a été admis ( voir article 1170 du Bulletin ) sous le régime de l’hypothèque judiciaire provisoire défini par l’article 54 de l’ancien code de procédure civile (2), dès lors que les immeubles individuellement désignés dans le bordereau d’inscription entraient dans le cadre d’une formule plus générale utilisée par le juge dans son ordonnance, que l’inscription était régulièrement requise en ce qui concerne les immeubles grevés.

Cette solution reste valable sous le nouveau régime et on pourra considérer qu’il en est ainsi si le juge, utilisant une formule qui n’exclut pas explicitement les biens immobiliers, a manifesté ainsi son intention de ne pas limiter la mesure conservatoire aux seuls biens mobiliers du débiteur.

b) Inscription prise sans autorisation du juge ( art. 68 de la loi ).

- en vertu d’un titre exécutoire.

En application de l’article 3 de la loi, seuls constituent des titres exécutoires :

1° Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire;

2° Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution;

3° Les extraits des procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties;

4° les actes notariés revêtus de la formule exécutoire;

5° Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque;

6° Les titres délivrés par les personnes de droit public qualifiés comme tels par la loi ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

S’agissant d’un des titres visés au 6°, la référence du texte de loi le qualifiant d’exécutoire doit être mentionnée au bordereau.

Si le titre présenté n’est pas de ceux visés ci-dessus, le refus doit être opposé.

- en vertu d’une décision judiciaire qui n’a pas encore force exécutoire.

Le conservateur n’a pas à se préoccuper de la régularité de la décision judiciaire n’ayant pas encore force exécutoire qui serait produite en vertu de l’article 68 de la loi - rapp. ci-dessus a).

- en vertu d’un jugement rendu par un tribunal étranger.

S’il n’a pas encore reçu l’exequatur, il doit être regardé comme une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire dans la mesure où la décision de justice dont l’inscrivant se prévaut a été prise dans un pays ayant adhéré à la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (cf. N.C.P.C. Dalloz 1997, p. 679).

En effet selon l’article 26 de cette convention " les décisions rendues dans un Etat contractant sont reconnues dans les autres Etats contractants sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ".

Dès lors, bien que la reconnaissance n’emporte pas la force exécutoire, qui en France ne peut provenir que de l’exequatur, cette reconnaissance suffira au conservateur pour publier l’inscription provisoire.

- en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée (3) ou d’un billet à ordre.

Si la lettre de change prévoit une clause de " retour sans frais ", " sans protêt "ou toute autre clause équivalente qui dispense le porteur de la formalité du protêt pour exercer son recours ( articles 148 A et 150 du Code de commerce ), cet effet est le seul document susceptible d’être présenté au conservateur, qui peut dès lors l’accepter à l’exclusion de tout autre document.

En revanche, en l’absence d’une telle clause, le protêt qui établit le défaut de paiement doit être présenté avec la lettre de change au conservateur pour justifier le défaut de paiement.

Les dispositions des articles 148A et 150 du Code de commerce étant rendues applicables aux billets à ordre par l’article 185 du même code, la règle à suivre pour ces billets est la même que pour les lettres de change acceptées.

- en cas de défaut de paiement d’un chèque.

Pour justifier le défaut de paiement, le déposant doit produire:

- soit le protêt établissant le non-paiement du chèque ( art. 40 du décret-loi du 30 octobre 1935 , repris dans le Code de commerce );

- soit l’attestation de défaut de paiement délivrée au bénéficiaire par le banquier ( art. 65-3 du même décret).

- en cas de loyer resté impayé, résultant d’un contrat écrit de louage d’immeubles.

L’article 68 de la loi dispose qu’une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire dans ce cas. Aussi, lorsque le bail écrit est un acte sous seings privés, le conservateur exigera-t-il la présentation du bail, accompagné de l’exploit d’huissier constatant le non paiement du loyer. L’exploit d’huissier pourra, s’il s’agit d’un bail rural, être remplacé par la mise en demeure qui, prévue au 1er alinéa de l’article L. 411-53 du code rural ainsi qu’à l’article R. 411-10 du même code, est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

En revanche, si le bail est un acte authentique et qu’il est revêtu de la formule exécutoire, il entre dans le domaine d’application de la première phrase de l’article 68 de la loi qui exige seulement pour la réquisition d’inscription provisoire, la présentation du titre exécutoire.

III - LA PUBLICITE DEFINITIVE.

D’après l’article 260 du décret du 31 juillet 1992, la publicité provisoire doit être confirmée par une publicité définitive et celle-ci, selon l’article 261 du même décret, est opérée conformément à l’article 2148 du code civil et donc en appliquant le droit commun des inscriptions.

Cette inscription, toutefois, présente une singularité : pour elle, il est dérogé à la règle énoncée au premier alinéa de l’article 2134 du code civil selon laquelle l’hypothèque n’a rang que du jour où elle a été prise par le créancier à la conservation des hypothèques.

En effet, l’article 260 déjà cité dispose que la publicité définitive " donne rang à la sûreté à la date de la formalité initiale dans la limite des sommes conservées par cette dernière " (4).

En contrepartie et pour éviter l’incertitude qui pèse sur le devenir d’une inscription provisoire, la publicité définitive doit être effectuée dans l’un des délais fixés " selon le cas " au premier alinéa de l’article 263 du décret (5).

En outre, au second alinéa du même article, il est fait obligation au créancier qui la requiert de présenter " tout document attestant que les conditions ci-dessus sont remplies " et donc que le délai imparti n’est pas dépassé.

Il y a donc lieu tout d’abord de préciser en quoi consiste ce document, puis d’exposer l’incidence que l’obligation de l’établir et de le présenter exerce sur le rôle dévolu au mandataire légal qu’est le conservateur.

1° Du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée;

2° Si la procédure a été mise en oeuvre avec un titre exécutoire, du jour de l’expiration du délai d’un mois visé à l’article 256 ou, si une demande de mainlevée a été formée, du jour de la décision rejetant cette contestation; toutefois si le titre n’était exécutoire qu’à titre provisoire, le délai court comme il est dit au 1°;

3° Si le caractère exécutoire du titre est subordonné à une procédure d’exequatur, du jour où la décision qui l’accorde est passée en force de chose jugée.

Le créancier présente tout document attestant que les conditions prévues ci-dessus sont remplies.

A ) Document attestant que la condition de délai est remplie.

Le délai imparti pour procéder à la publicité définitive est fixé uniformément à deux mois et en application de l’article 642-1 du nouveau code de procédure civile, sa computation doit être opérée de la façon prévue aux articles 640 à 642 du même code. ( cf. computation des délais in fine ).

L’événement qui en arrête le cours se situe le jour du dépôt des bordereaux au bureau des hypothèques.

Par suite, le point de savoir si l’inscription requise est ou non tardive dépend uniquement de la date à partir de laquelle ce délai a commencé à courir.

Or, ce point de départ varie en fonction des situations visées aux 1°, 2° et 3° du premier alinéa de l’article 263.

Il est soit le jour où une décision juridictionnelle est passée en force de chose jugée (6), soit celui où un délai d’attente a expiré, soit encore celui où une demande de mainlevée a été rejetée par le juge.

1 ) Acquisition de la force de chose jugée par une décision juridictionnelle.

Le jour où s’opère cette acquisition est retenu comme point de départ dans les trois situations visées par :

- l’article 263, 1er alinéa 1°: l’inscription provisoire a été prise au vu de l’autorisation d’un juge si bien que, comme il est prescrit à l’article 215 du décret, le créancier, à peine de caducité, a été tenu, dans le mois qui a suivi l’exécution de cette publicité, à " introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention du titre exécutoire";

- l’article 263, 1er alinéa 2°: le créancier a inscrit la sûreté conservatoire avec un titre qui n’était exécutoire qu’à titre provisoire;

- l’article 263, 1er alinéa 3°: la publicité provisoire a été effectuée en vertu d’un titre établi à l’étranger mais susceptible d’être rendu exécutoire en France par une décision d’exequatur.

Dans toutes ces situations, un jugement est rendu (7): soit lorsqu’il y a eu l’autorisation d’un juge pour former le titre donnant naissance à l’hypothèque; soit à défaut d’une telle autorisation, pour valider le titre ayant permis d’inscrire la sûreté conservatoire.

Chaque fois, c’est du jour où ce jugement passe en force de chose jugée que le délai de deux mois imparti pour opérer la publicité définitive commence à courir.

Pour un jugement en premier ressort le délai de deux mois commence donc à courir à l’expiration du délai de recours c’est-à-dire un mois après sa notification. Le " document attestant..." sera donc, le plus souvent, constitué de l’expédition du jugement, de la notification au débiteur et d’un certificat de non appel.

Pour un jugement contradictoire rendu en dernier ressort ( par exemple un arrêt de Cour d’appel ), qui a force de chose jugée en application de l’article 500 du nouveau code de procédure civile, le point de départ du délai, soit au jour de la décision, soit au jour de la notification, est controversé. Il est donc conseillé à nos collègues de ne pas considérer comme prématurées les inscriptions déposées dans les deux mois de la décision, ni comme tardives celles déposées dans les deux mois de la notification de cette décision.

2 ) Expiration d’un délai d’attente

Ce délai est celui fixé à l’article 256 du décret qui dispose que " lorsque le créancier est déjà titulaire d’un titre exécutoire, la mainlevée de la publicité provisoire peut être demandée jusqu’à la publicité définitive laquelle ne peut intervenir moins d’un mois après la signification de l’acte prévu à l’article 255 ".

Cet acte est un exploit d’huissier; il est destiné à informer le débiteur qu’une inscription a été prise contre lui ( et doit, à peine de caducité, être signifié 8 jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d’inscription ).

Dans cette situation et dès lors que la publicité provisoire n’a pas été attaquée par le débiteur, c’est l’expiration du délai minimal déjà cité qui marque le point de départ du délai maximum de deux mois imparti au créancier pour pratiquer la publicité définitive ( art. 263, 1er alinéa, 2° ).

Le " document attestant... " est alors habituellement constitué par le double original ou une copie de l’exploit délivré en application de l’article 255 et indiquant soit dans le corps de l’acte, soit dans une annexe la date de sa signification à la personne du débiteur, ou, à défaut, à son domicile, à sa résidence ou au parquet.

Si elle est requise plus de trois mois ( 1 + 2 ) après cette date, l’inscription appelée à se substituer à la sûreté conservatoire est tardive. Elle encourt donc le refus.

En revanche, le conservateur ne paraît pas tenu de s’assurer de l’absence de contestation de l’inscription par le débiteur dès lors que cette contestation peut être élevée devant le juge de l’exécution jusqu’au jour de l’inscription définitive.

Mais il y a lieu de refuser le dépôt ou de rejeter la formalité lorsque les documents remis révèlent qu’une action en radiation a été engagée et qu’il est ainsi établi que l’inscription requise est prématurée.

3 ) Rejet d’une demande en justice

Ce rejet est celui de la demande de mainlevée formée par le propriétaire grevé contre une inscription provisoire prise par un créancier s’étant prévalu d’un titre exécutoire.

Si une telle action a été vainement exercée, le délai de deux mois court " du jour de la décision rejetant cette contestation " ( art. 263, 1er alinéa, 2° ) et donc de la date du prononcé de cette décision ( NCPC, art. 453 ). (8)

B ) Rôle du conservateur

Le fait qu’à la présentation de l’acte ou du jugement donnant naissance à l’hypothèque s’ajoute celle du "  document attestant ..." complique le rôle habituellement tenu par le conservateur.

Certes, l’obligation de respect des délais fixés au 1er alinéa de l’article 263, ainsi que l’obligation édictée au second alinéa de cet article de justifier qu’ils sont respectés, s’adressent aux créanciers qui entendent substituer rétroactivement des inscriptions régies par le code civil aux sûretés conservatoires dont ils bénéficient.

Toutefois les sujétions imposées de la sorte aux usagers ont des conséquences sur l’exécution même de la formalité de publicité définitive.

Aussi, de manière implicite, mais certaine, accroissent-elles les attributions des conservateurs et ce, de trois manières :

- le document attestant que la condition de délai est accomplie doit d’abord être lu, puis renvoyé au déposant;

- si ce document ne lui a pas été présenté, le conservateur est tenu de refuser le dépôt des bordereaux d’inscription;

- il a la possibilité de faire de même lorsque ledit document n’a pas la valeur démonstrative voulue par les auteurs du texte qui l’a institué.

1 ) Renvoi au déposant du " document attestant.. "

Pour les inscriptions d’hypothèque, les indications admises à figurer dans le registre public sont uniquement celles contenues dans les bordereaux qui concourent à la formation dudit registre.

Par suite, le " document attestant... " qui, en cas de confirmation d’une publicité provisoire, doit être ajouté au titre dont la présentation est exigée au 1er alinéa de l’article 2148 du code civil est, comme ce titre, uniquement appelé à informer le conservateur. Il n’est pas intégré au registre public ni, corrélativement, appelé à être délivré à ceux qui le requerraient.

Ce justificatif doit donc recevoir la même destination finale que le titre, lequel, d’après le second alinéa de l’article 2150 du code civil, est rendu au déposant avec celui des bordereaux qui n’est pas conservé au bureau et qui porte la mention de publicité.

Dès lors, il est recommandé d’obtenir, sans en faire un motif de refus ou de rejet, que la date, la nature et l’objet des documents produits soient cités dans les deux exemplaires du bordereau, au cadre " C - Titre du créancier ", comme il est il est fait ci-après, par exemple:

- en vertu de la copie exécutoire d’un acte reçu par Me... notaire à... en date du...contenant prêt par ...( nom du créancier ) à ...( nom du débiteur ) ci-après nommés, de la somme principale de ... stipulée remboursable avec intérêts dans les conditions prévues audit contrat et de la signification prévue à l’article 255 du décret 92-755 du 31 juillet 1992 en date du ...

- en vertu du titre exécutoire délivré par Me ..., huissier de justice à ..., en date du ... et de la signification prévue à l’article 255 du décret 92-755 du 31 juillet 1992 en date du ....

- en vertu de la copie exécutoire d’un jugement rendu par le T G I de.....le.... signifié suivant exploit de Me... huissier de justice à.... en date du...et passé en force de chose jugée, ainsi qu’il résulte soit :

- du certificat de non appel délivré par le greffe de la Cour d’appel de...en date du...

- de l’acquiescement de M... à cette décision en date du ....

- du désistement notifié le...de l’appel..... interjeté par M..... à l’encontre de cette décision.

Si tel n’était pas le cas, il serait prudent de conserver trace du document présenté.

2 ) Refus du dépôt des bordereaux en cas de non présentation du " document attestant.. "

A l’article 263 du décret, l’obligation de présenter ce justificatif au conservateur est partie intégrante d’un dispositif réglementaire fixant les délais dans lesquels les créanciers doivent requérir les inscriptions d’hypothèque assurant la publicité définitive des sûretés judiciaires conservatoires.

Ainsi, par son objet, cette obligation est relative à la publicité foncière et, dans les termes où elle est édictée, son caractère impératif ne saurait être contesté.

D’autre part, la méconnaissance de cette obligation, c’est-à-dire l’absence du document, est une contravention dont la constatation est immédiate et ne laisse place à aucune hésitation.

Par suite, lorsqu’elle est commise, le conservateur, s’il accepte l’inscription, se rend délibérément complice de la transgression d’une règle qui touche ses propres attributions puisque c’est à lui que le (ou les) document(s) manquant(s) est (sont) destiné(s).

Il doit, en conséquence, refuser le dépôt des bordereaux et se fonder, pour justifier sa décision, sur les dispositions combinées des articles 2199 du code civil et 263 du décret.

3 ) Possibilité d’assimiler à la non présentation du " document attestant... ", son défaut manifeste de valeur démonstrative.

Comme il a été exposé ci-avant, le fait pour un conservateur de laisser prendre une inscription définitive se substituant à une inscription provisoire sans avoir exigé le document attestant que la condition de délai est accomplie constitue un manquement aux obligations qui lui incombent.

En la circonstance, il est donc dérogé à la règle qui veut qu’un conservateur n’ait pas à refuser un bordereau sous prétexte que la formalité est inopérante.

Mais cette dérogation, comme il est de règle, ne peut être que limitativement appliquée.

Il peut arriver toutefois que le document présenté comme démontrant que la formalité est requise à l’intérieur du délai légal de deux mois se révèle manifestement, à sa seule lecture, ne pas atteindre le but qui lui est assigné.

Dans ce cas , le conservateur peut considérer que l’écrit qui lui a été présenté n’est pas celui voulu par les auteurs du second alinéa de l’article 263 et qu’en réalité, il se trouve dans la même situation que si aucun justificatif ne lui avait été remis.

Il lui appartient alors de se diriger en conséquence et de refuser le dépôt.

Il est donc conseillé à nos collègues d’user de ce pouvoir. En cas de difficultés liées à l’appréciation de la situation juridique ( ou du risque ), ils peuvent, bien entendu, contacter l’A.M.C.

IV - RADIATION

A ) Radiation de l’inscription provisoire d’hypothèque

A défaut d’accord du créancier donné dans un acte authentique, la radiation d’une inscription provisoire ne peut être ordonnée que par l’autorité judiciaire.

Il en va ainsi dans les cas visés à l’article 72 de la loi ainsi qu’aux articles 217, 256, 259 et 265 du décret.

Le conservateur requis d’assurer l’exécution d’une telle mainlevée doit radier, même si la décision juridictionnelle qui lui est présentée n’est ni rendue en dernier ressort, ni passée en force de chose jugée pourvu qu’il soit justifié de son caractère exécutoire ( cf. articles 504 et 506 du Nouveau code de procédure civile ).

En effet, la constitution et la publication des sûretés judiciaires immobilières sont réglementées par les textes relatifs aux mesures conservatoires et non par les dispositions du code civil propres aux privilèges et aux hypothèques. L’article 2157 est donc étranger à l’institution des inscriptions provisoires.

C’est en ce sens que la Cour de cassation s’est prononcée le 21 novembre 1978 sous l’empire des articles 54 et 55, abrogés, de l’ancien code de procédure civile ( voir article 1134 du Bulletin ).

Il ne pourra, par identité de motifs, qu’être statué dans le même sens sous le régime actuel si la question vient à nouveau à être débattue devant les tribunaux.

En définitive, sauf dans chacune des deux situations prévues respectivement au 1er et au second alinéa de l’article 265 du décret (9), la radiation doit être opérée dès que les " conditions générales de l’exécution " fixées aux articles 502 et suivants du nouveau code de procédure civile sont réunies.

Il en est ainsi quelle que soit la formation qui a enjoint de radier.

La radiation sera donc immédiate dans les cas suivants :

1 ) Décisions du juge de l’exécution

Selon le second alinéa de l’article L.311-12-1 du code de l’organisation judiciaire dans sa rédaction issue de l’article 8 de la loi du 9 juillet 1991, le juge de l’exécution " autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre ".

C’est lui, par suite, qui statue généralement sur les demandes de mainlevée des inscriptions provisoires.

Or, le 5ème alinéa du même article, ainsi que les articles 28 à 31 du décret du 31 juillet 1992 qui en assurent l’application, privent de tout effet suspensif l’appel ( et le délai d’appel ) des décisions qu’il prend.

De la sorte, la décision du juge de l’exécution, bien que susceptible d’un recours, mais d’un recours non suspensif, doit en application de l’article 504 du nouveau Code de procédure civile, faire l’objet d’une exécution immédiate sans qu’il soit besoin que l’exécution provisoire soit ordonnée.

2 ) Décisions du Président du Tribunal de commerce lorsque l’exécution provisoire est accordée.

3 ) Décisions de toutes les autres juridictions assorties de l’exécution provisoire ou non susceptibles d’un recours suspensif (par exemple arrêt contradictoire d’une Cour d‘appel, ou décisions exécutoires sur minute ).

B) Radiation de l’inscription définitive

Elle entre, dans tous les cas, dans le cadre de l’article 2157 du Code civil et ne peut intervenir que de la volonté du créancier ou en vertu d’une décision de justice rendue en dernier ressort ou passée en force de chose jugée.

(1) Lorsque le titre est un acte notarié d’affectation hypothécaire revêtu de la formule exécutoire, il n’y a pas lieu d’opposer un refus si les immeubles qui y sont désignés sont différents de ceux mentionnés dans le bordereau d’inscription provisoire.

(2) L’article 54 de l’ancien code de procédure civile était rédigé ainsi: Sous les conditions mentionnées à l’article précédent, le président ( du tribunal de grande instance ) ou le juge du tribunal d’instance pourra également,....., autoriser le créancier à prendre une inscription provisoire d’hypothèque judiciaire ..... sur les immeubles de son débiteur.

(3) L’acceptation de la lettre de change est mentionnée sur la lettre de change ( art. 126 du Code de com-merce ) et la simple signature du tiré au recto de la lettre de change vaut acceptation.

(4) Toutefois, si la publicité définitive porte sur un montant supérieur à celui de l’inscription provisoire, il n’y a pas lieu d’opposer le refus.

(5) Art. 263 : La publicité définitive doit être effectuée dans un délai de deux mois courant selon le cas :

(6) Sur la définition de cette notion, se reporter aux observations de l’article 1726 du Bulletin.

(7) Toutefois, l’inscription provisoire prise par un comptable public sur autorisation du juge pourrait être confirmée par une inscription définitive sur le fondement d’un titre exécutoire ( AMR ou rôle ). En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation ( arrêt du 27 novembre 1984 ) devrait s’appliquer sous le nouveau régime. Cette question est actuellement à l’étude.

(8) Dans une espèce où le juge de l’exécution ayant rejeté la demande de mainlevée a omis d’indiquer le date à laquelle son ordonnance serait rendue, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 19 décembre 1997 qui sera commenté dans le Bulletin, a fixé le point de départ du délai à la date de notification de l’ordonnance par le greffier.

(9) Ces situations sont celles où la radiation est motivée soit par le défaut de confirmation de la publicité provisoire dans le délai de deux mois (art. 263 du décret), soit par l’échec ou l’extinction de l’instance en obtention d’un titre exécutoire que doit engager tout créancier qui, sans posséder un tel titre, a pris une inscription provisoire d’hypothèque (art. 70 de la loi; art. 215 du décret).

NOTE SUR LA COMPUTATION DES DELAIS.

Textes :

Art. 640 N.C.P.C. : Lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

Art. 641 N.C.P.C. : 1er et 2ème alinéas : Lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le dernier jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois;

Art. 642 N.C.P.C. : Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.

Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Art. 642-1 N.C.P.C. : Les dispositions des articles 640 à 642 sont également applicables aux délais dans lesquels les inscriptions et autres formalités de publicité doivent être opérées.

EXEMPLE : Dans le cas d’une inscription provisoire d’hypothèque déposée le 10 mars en se prévalant d’un titre exécutoire:

- le débiteur devra être informé, en application de l’article 255 du décret, le 18 mars à 24 heures au plus tard;

- la publicité définitive ne pourra intervenir avant le 19 avril et, si l’inscription provisoire n’a pas été contestée, devra intervenir au plus tard le 18 juin.

DOCUMENTATION

Lois et décrets :

Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991.

Décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 modifié par le décret n° 96 1130 du 18 décembre 1996.

Ces textes sont repris dans le nouveau code de procédure civile et les articles les plus importants au 10-D-8-93.

Instructions DGI :

10-D-2-93 du 10 février 1993.

10-D-1-94 du 7 janvier 1994.

10-D-1-97 du 5 mars 1997.

A.M.C.:

Lettre du Président du 15 janvier 1993.

Lettre d’Information n° 2 de janvier 1997.

Bulletin A.M.C. n° 1158, 1582, 1612, 1641, 1642, 1643, 1664 et 1689.

 Voir AMC n° 1777, 1782.