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ARTICLE 1769

RADIATIONS

Mainlevée judiciaire
Radiation d’une inscription provisoire d’hypothèque judiciaire ordonnée par un tribunal de commerce statuant sur l’action en reconstitution de l’actif du débiteur mis en redressement judiciaire.
Dépôt d’une expédition de ce jugement non accompagnée d’un certificat de non-appel.
Conduite à tenir

Faits : La société T... ayant été mise en situation de règlement judiciaire, l’administrateur dudit règlement ainsi que le représentant des créanciers ont exercé à l’encontre de la banque D... l’action en nullité ouverte à l’article 110 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985.

Statuant le 11 avril 1995 sur cette requête, le tribunal de commerce de Sète a ordonné la radiation, non pas de plusieurs inscriptions d'hypothèques judiciaires, comme il paraît ressortir du pluriel utilisé dans son jugement, mais d’une seule, prise le 28 décembre 1992 par la défenderesse sur des immeubles appartenant au débiteur.

Les motifs et le dispositif de cette mainlevée judiciaire sont reproduits ci-après :

" Attendu que Me S... et Me F..., es qualité de représentant des créanciers et administrateur de la SNC T... demandent au tribunal de céans de constater la nullité des hypothèques judiciaires provisoires prises sur la société T... sur le fondement des dispositions de l’article 107-6 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée par la loi du 9 juillet 1991 (1) qui dispose qu’est nulle toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l’hypothèque légale des époux et tous droits de nantissement constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées;

Attendu que par jugement du 29 octobre 1993, le tribunal de commerce de Sète a ouvert les opérations de redressement judiciaire de la SNC T... fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 29 octobre 1993;

Attendu que par jugement en date du 9 décembre 1994, le tribunal de céans reportait la date de cessation pour la fixer au 29 avril 1992;

Attendu qu’il ressort des éléments de la cause que les hypothèques judiciaires provisoires ont été prises par la banque D... le 15 décembre 1992 (2), soit postérieurement à la date fixée par le tribunal de commerce de Sète comme date de cessation des paiements;

Attendu qu’en vertu des dispositions de l’article 107-6 de la loi du 25 janvier 1985, les hypothèques judiciaires dont il s’agit ayant été prises postérieurement à la date de cessation des paiements retenue, qu’il échet en conséquence de déclarer nulles lesdites hypothèques judiciaires et d’ordonner leurs radiations aux frais de la banque D... auprès de la conservation des hypothèques de M..., Vol 1992 V n° 5774 (2);

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Dit la tierce opposition formée par la banque D... au jugement rendu par le tribunal de commerce de Sète en date du 9 décembre 1994 irrecevable (3);

Constate la nullité des hypothèques judiciaires provisoires prises par la banque D... sur la SNC T... pour les biens immeubles lui appartenant et sis dans la commune de F.....

Ordonne la radiation des inscriptions annulées aux frais de la banque D... auprès de la conservation des hypothèques de M... volume 1992 V numéro 5774.

Question : Une expédition du jugement susrapporté ayant été remise au conservateur, celui-ci, avant d’exécuter la radiation requise, a vainement demandé un certificat de non-appel. Toutefois, s’agissant d’une inscription provisoire et la décision à exécuter n’étant pas explicitement assortie de l’exécution provisoire, notre collègue, avant de refuser le dépôt, a souhaité savoir ce qu’il devait faire.

Réponse : En règle générale, si un jugement ordonnant la radiation d’une inscription de privilège ou d’hypothèque est frappé d’appel, il ne doit pas être exécuté par le conservateur, même s’il est assorti de l’exécution provisoire.

C’est ce qu’en se fondant sur l’article 2157 du code civil, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 19 octobre 1988 ( Bull. AMC., art. 1416 ). Mais cet article est étranger à l’institution de l’hypothèque judiciaire provisoire ( Cass. civ. 3°, 21 novembre 1978, ibid., art. 1134 ).

Par suite, en l’espèce, il y a lieu de s’en tenir à l’observation des règles sur " l’exécution du jugement ", énoncées au titre XV du livre premier du nouveau code de procédure civile ( art. 500 et suivants ).

Aussi, la radiation devra-t-elle être opérée s’il est justifié:

1° que le jugement du 11 avril 1995, rendu contradictoirement et en premier ressort, mais pour lequel un certificat de non-appel n’a pas été remis, a été notifié à la banque D... ( N.C.P.C., art. 503 );

2° que ce jugement dans lequel l’exécution provisoire n’a pas été ordonnée en bénéficie de plein droit ( même code, art. 504 et 514 ).

Selon l’article 506, la justification du caractère exécutoire peut résulter d’un certificat établi par l’avocat.

Toutefois, le jugement ayant enjoint de radier n’étant pas au nombre des décisions de justice énumérées au second alinéa de l’article 514, ce certificat, pour être démonstratif, devra citer le texte législatif ou réglementaire conférant l’exécution provisoire de droit.

Nota - Partageant l’avis qui lui avait été donné, le conservateur a fait savoir à l’avocat des demandeurs l’une et l’autre des conditions devant être réunies pour que la radiation qu’il a requise soit opérée.

Ce requérant, en annexe à sa réponse, a envoyé copie d’un exploit d’huissier délivré le 16 mai 1995 et portant signification à la banque D... du jugement du 11 avril 1995.

D’autre part, pour établir l’exécution provisoire de ce droit, il a développé le raisonnement rapporté ci-après :

" Le jugement intervenu et portant annulation des hypothèques judiciaires provisoires de la banque D... a été effectué conformément à l’article 107 de la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement judiciaire. Cette procédure est spécifique à la loi du 25 janvier 1985.

Au vu de ceci, l’article 155 du décret du 27 décembre 1985 portant application de la loi du 25 janvier 1985 dispose que " les jugements et ordonnances rendus en matière de redressement et de liquidation judiciaires sont exécutoires de plein droit à titre provisoire... ".

L’article 155 s’applique donc tout particulièrement à la procédure visée à l’article 107 de la loi du 25 janvier 1985.

L’article 155 comporte quelques exceptions :

- la procédure visée à l’article 34 de la loi, c’est à dire l’ordonnance du juge commissaire ordonnant la substitution de garanties en cas de vente d’un bien grevé d’un privilège spécial;

- l’article 78 concernant le jugement par lequel le tribunal ordonne la substitution de garanties;

- l’article 159, alinéa 2, relatif à l’ordonnance du juge commissaire autorisant le liquidateur à procéder à la réalisation de biens constituant un gage;

- l’article 192 concernant les jugements qui prononcent la faillite personnelle ou l’interdiction de diriger, gérer ou administrer.

En conséquence, le jugement constatant la nullité de plein droit d’hypothèques judiciaires provisoires ou d’hypothèques en général n’est pas visé par l’article 155 et ne constitue donc pas une dérogation au principe d’exécution provisoire du jugement intervenu.

De ce fait, est rapportée la preuve que le jugement du 11 avril 1995 est bien exécutoire de plein droit à titre provisionnel et je vous prie de considérer la présente comme valant certificat de ma part conformément à l’article 506 du nouveau code de procédure civile."

C’est ce que notre collègue a pensé, à bon droit, semble-t-il.

(1) C’est le 7° et non le 6° de l’article 107 qui, visant les mesures conservatoires que sont les inscriptions provisoires d’hypothèque judiciaire, a été modifié par le II de l’article 93 de la loi n° 93-650 du 9 juillet 1991. Cette loi, cependant, n’est pas applicable aux sûretés inscrites antérieurement au 1er janvier 1993. Le texte servant de base légale au jugement est donc le 7° de l’article 107 tel que ce paragraphe était rédigé avant l’intervention de ladite loi. Il y était alors déclaré la nullité "de toute inscription prise en application des articles 53 et 54 du code de procédure civile à moins que l’inscription provisoire ait été prise avant la date de cessation des paiements". Mais un conservateur n’a pas à apprécier la validité d’un jugement de radiation. Il doit seulement s’assurer de son efficacité et à cette fin, il est tenu de rechercher s’il est régulièrement opposable au bénéficiaire de l’inscription qui y est désignée et exécutoire à son encontre.

(2) L’inscription provisoire d’hypothèque judiciaire portant les références Vol. 1992 V n° 5774 a effectivement été requise par la banque D... sur des immeubles appartenant à la société T..., mais elle a été prise le 28 décembre 1992 et non le 15 du même mois qui est la date de l’ordonnance d’autorisation rendue par le président du tribunal de grande instance de M... .

(3) Le tribunal de commerce de Sète a joint cette tierce-opposition à la demande en nullité de l’inscription provisoire d’hypothèque judiciaire et a statué sur ces deux requêtes par un seul jugement.