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ARTICLE 1777

INSCRIPTIONS

PUBLICITE FONCIERE

Sûretés judiciaires immobilières conservatoires de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991
Obligation imposée à l’inscrivant de la sûreté de confirmer la publicité provisoire par une publicité définitive effectuée dans le délai de deux mois
1) Cas où en application du 2° du premier alinéa de l’article 263 du décret du 31 juillet 1992, le point de départ dudit délai se situe au jour de la décision ayant rejeté une demande de mainlevée formée contre l’inscription provisoire jugé que ledit jour est remplacé par celui de la notification du jugement lorsqu’il a été statué par le juge de l’exécution et que ce magistrat n’a ni rendu son jugement sur le champ, ni indiqué aux parties la date de son prononcé
2) Pouvoirs du conservateur - Possibilité d’assimiler à la non-présentation du " document attestant..." prévu au dernier alinéa de l’article 263 susvisé son défaut manifeste de valeur démonstrative ( oui )

Ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris du 3 avril 1997
Arrêt de la Cour d’appel de Paris ( 14ème chambre section B ) du 19 décembre 1997

I - Ordonnance du Président

Faits :

Pour opérer la publicité définitive de deux sûretés conservatoires inscrites sur des droits immobiliers appartenant à l’un de ses débiteurs, une banque a, le 9 janvier 1997, remis au bureau des hypothèques, outre la copie exécutoire d’un acte notarié et les bordereaux exigés à l’article 2148 du code civil, " le document attestant..." dont la présentation est prescrite au second alinéa de l’article 263 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992.

Ce justificatif était constitué par une expédition d’un jugement rendu le 17 octobre 1996 par le juge de l’exécution et déboutant le débiteur de la demande en mainlevée qu’il avait formée et qui était dirigée contre les inscriptions provisoires.

Les bordereaux furent, le jour même de leur remise, mentionnés sur le registre des dépôts, mais au moment d’être annotés au fichier immobilier, le conservateur considéra qu’ils auraient dû être refusés.

Aussi, se fondant sur le 3 de l’article 74 du décret du 14 octobre 1955, notre collègue engagea-t-il la procédure conduisant au rejet des formalités requises.

Au soutien de sa notification de cause de rejet, il releva que selon les dispositions du 2° du 1er alinéa de l’article 263 déjà cité, les inscriptions définitives requises le 9 janvier 1997 auraient dû l’être avant l’expiration d’un délai de deux mois courant du jour de la décision judiciaire ayant rejeté la demande de mainlevée.

Puis il constata que cette décision rendue par le juge de l’exécution du TGI de Paris, avait été prononcée le 17 octobre 1996.

De là, très logiquement, il estima que le document qui lui avait été remis n’attestait manifestement pas ce qu’il était destiné à établir.

Aussi, à l’expiration du délai prévu par l’article 34-3 du décret du 14 octobre 1955, le rejet des deux formalités fut-il notifié au signataire du certificat d’identité; mais il ne devint pas définitif; le créancier, loin d’y souscrire, l’attaqua devant le président du TGI de paris statuant comme en matière de référé.

A ce magistrat, il fut demandé d’user des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 26 du décret du 4 janvier 1955 pour dire et juger que la décision attaquée est sans fondement et abusive et condamner le conservateur à procéder aux inscriptions litigieuses ainsi qu’à payer une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Sur cette demande, il a été statué le 3 avril 1997 et dans l’ordonnance qui a été rendue, son auteur a d ’abord analysé les moyens et prétentions des parties, puis, exposé les motifs de sa décision, enfin, arrêté son dispositif.

Moyens et prétentions :

" Attendu qu’il résulte des débats et des pièces produites que la banque U.. a fait inscrire le 14 mai 1996 auprès de la conservation des hypothèques de P.. deux hypothèques provisoires en vertu de la copie exécutoire d’un acte notarié, que le débiteur a saisi le juge de l’exécution aux fins de voir prononcer la mainlevée totale desdites inscriptions hypothécaires et a été débouté de sa demande par jugement du juge de l’exécution en date du 17 octobre 1996;

" Attendu que le greffe du juge de l’exécution a notifié cette décision à la banque U.. le 19 novembre 1996, laquelle a déposé le 19 (sic) janvier 1997 deux bordereaux d’inscriptions d’hypothèques judiciaires définitives se substituant aux inscriptions provisoires; que le 22 janvier 1997 et le 26 février 1997, le conservateur des hypothèques a notifié le rejet de ces deux bordereaux au motif que le délai de deux mois, prescrit par l’article 263 du décret du 31 juillet 1992 pour procéder à la publicité définitive, n’avait pas été respecté;

" Attendu qu’à l’appui de ses prétentions, le demandeur fait valoir d’une part, que le conservateur des hypothèques ne peut refuser un dépôt ou rejeter une formalité que dans les cas limitativement énumérés par la loi et plus précisément par l’article 2148 du code civil, que cet article ne prévoit pas le rejet d’une formalité pour non-respect d’un quelconque délai et soutient d’autre part que le délai prévu par l’article 263 ne concerne pas la publicité foncière et n’avait donc pas à s’appliquer, qu’il allègue en 3ème part que le délai de deux mois mentionné à l’article 263 du décret du 31 juillet 1992 ne peut commencer à courir qu’à compter de la notification de la décision par le greffe et non à compter du prononcé de la décision;

" Attendu que pour tenir en échec cette demande, le défendeur fait valoir d’une part que le conservateur est fondé à rejeter ou refuser l’exécution d’une formalité si elle méconnaît une disposition législative ou réglementaire impérative, que c’était bien le cas en l’espèce puisque le délai de deux mois prescrit par l’article 263 du décret du 31 juillet 1992 n’était pas respecté, d’autre part, que cet article concerne à l’évidence la publicité foncière puisqu’il est inclus dans une section relative à la publicité définitive des inscriptions d’hypothèque, enfin que le point de départ de ce délai de deux mois est le jour du prononcé de la décision rejetant la contestation du débiteur et non le jour de la notification par le greffe, qu’en l’espèce le délai de deux mois était donc expiré;

Motifs :

" Attendu, sur les pouvoirs du conservateur des hypothèques de refuser l’inscription au motif que le délai prescrit par l’article 263 du décret du 31 juillet 1992 ne serait pas respecté, qu’il résulte de l’interprétation combinée des articles 2148 et 2199 du code civil que le conservateur a le pouvoir de rejeter une formalité méconnaissant une disposition législative ou réglementaire impérative ;

" Attendu que les dispositions relatives aux délais pour procéder à l’inscription prescrites par le décret du 31 juillet 1992 sont impératives, que la simple analyse intrinsèque de ce texte le démontre, l’article 263 étant rédigé en ces termes : " la publicité définitive doit être effectuée dans un délai de deux mois..." ;

" Attendu, en conséquence, que le conservateur des hypothèques était bien fondé à vérifier le respect du délai avant de procéder à la formalité demandée ;

" Attendu, d’autre part, que le moyen du demandeur, selon lequel le délai de deux mois de l’article 263 du décret du 31 juillet 1992, ne concerne pas la publicité foncière, ne saurait prospérer, qu’en effet cet article est inclus dans une section relative à la publicité définitive des inscriptions d’hypothèque ;

" Attendu, enfin, en ce qui concerne le point de départ de ce délai, que l’article 263 du décret du 31 juillet 1992 dispose : " la publicité foncière doit être effectuée dans le délai de deux mois courant selon le cas... ou si une demande de mainlevée a été formée du jour de la décision rejetant cette constatation ";

" Attendu que ce texte, apparemment clair, ne précise pas s’il s’agit du jour du prononcé de la décision ou s’il s’agit du jour de la notification de la décision ;

" Attendu dès lors qu’il convient de lever cette ambiguïté en recherchant une interprétation privilégiant la cohérence de ce texte tant avec les textes de ce décret du 31 juillet 1992 qu’avec les textes relatifs à la publicité foncière ou encore avec les textes généraux de procédure civile ;

" Attendu, au regard des textes relatifs aux privilèges et hypothèques, que l’article 2148 du code civil prescrit au créancier de représenter au conservateur l’original, une expédition authentique ou un extrait littéral du jugement ou de l’acte qui donne naissance au privilège ou à l’hypothèque ;

" Attendu, au regard du décret du 31 juillet 1992 dont est issu l’article 263, que l’article 22 de ce même décret dispose que la décision du juge de l’exécution est notifiée aux parties par les soins du greffe ;

" Attendu, au regard des règles générales de procédure civile, qu’il résulte de l’article 450 du nouveau code de procédure civile que lorsque le point de départ du délai pour former une voie de recours contre un jugement part du prononcé de celle ci (1) et que le Président n’a pas indiqué cette date, le délai ne peut commencer à courir qu’à compter de la date où l’intéressé a eu connaissance certaine de la décision, c’est-à-dire en principe de sa notification, que ces dispositions relatives aux voies de recours sont tout à fait transposables au point litigieux de notre espèce ;

" Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions et des faits de la cause que, faute d’un document officiel écrit, le créancier ne peut obtenir d’inscription hypothécaire, que par ailleurs les décisions du juge de l’exécution doivent être notifiées par le greffe, qu’enfin, en l’espèce, la décision du juge de l’exécution dont le prononcé le 17 octobre 1996 est postérieur au jour de l’audience ( 26/09/96 ), ne mentionne pas que le Président aurait indiqué aux parties la date de son délibéré ;

" Qu’il s’ensuit que pour connaître la date exacte et le contenu de la décision du juge de l’exécution, les parties étaient tenues d’attendre la notification par le greffe, qu’elles sont privées de toute initiative sur l’exécution de cette formalité ;

" Que, dès lors, la cohérence et la compatibilité de ces différents textes entre eux, commandent de lever l’ambiguïté sur le point de départ du délai de deux mois en retenant que celui-ci commencera à courir à compter de la notification de la décision par le greffe ;

" Qu’au surplus, cette interprétation est conforme à la cause et à la finalité des textes relatifs aux procédures civiles d’exécution toutes deux constituées par un souci de pragmatisme et un objectif d’efficacité pratique ;

" Attendu qu’en l’espèce, le délai de deux mois litigieux a commencé à courir le 19 novembre 1996, date de réception par la banque U.., de la notification par le greffe du juge de l’exécution du jugement du 17 octobre 1996, qu’il est donc venu à expiration le 19 janvier 1997, que le dépôt de deux bordereaux d’inscription d’hypothèque judiciaire définitive contre Monsieur V.., en date du 9 janvier 1997, a donc été effectué 10 jours avant l’expiration du délai prescrit, que le conservateur des hypothèques n’était donc pas fondé à rejeter l’inscription demandée ;

" Attendu qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

" PAR CES MOTIFS :

" Vu l’article 26 du décret du 4 janvier 1955 ;

" Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et en la forme des référés ;

" Disons sans fondement la décision de rejet de deux bordereaux d’inscription d’hypothèques judiciaires définitives notifiées par le conservateur des hypothèques de P.. au conseil de la banque U.. le 26 février 1997 ;

" Condamnons Monsieur V.., conservateur des hypothèques de P.. à inscrire les deux bordereaux d’hypothèques judiciaires définitives de la banque U.. et disons que la date d’effet de ces deux inscriptions remontera à la date de dépôt des hypothèques judiciaires provisoires ;

" Condamnons Monsieur V.., conservateur des hypothèques de P.., à payer la somme de 10.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile à la banque U.. ainsi qu’aux dépens ". 

A notre collègue comme d’ailleurs à la Commission du contentieux, ces condamnations n’ont pas paru justifiées.

En effet, il était vraiment inattendu qu’une juridiction considère que l’expression " du jour de la décision rejetant cette contestation " n’a pas un sens clair et complet et qu’il y a lieu de " lever l ’ambiguïté " alors que sa signification est explicitée par l’article 453 N.C.P.C. qui précise que " la date du jugement est celle à laquelle il est prononcé ".

Au surplus, à supposer qu’effectivement il y ait lieu d’interpréter, il semblait choquant, au plan de l’équité, que le conservateur soit condamné à payer 10 000 F au titre de l’article 700 N.C.P.C., alors que s’agissant d’appliquer un texte nouveau, n’ayant donné lieu à la formation d’aucune jurisprudence, ce fonctionnaire, raisonnablement, ne pouvait, comme il l’a fait, que s’en tenir au sens littéral;

Il a donc interjeté appel et l’affaire, en conséquence, s’est trouvée dévolue à la Cour d’appel de Paris.

II - Arrêt de la Cour d’appel

Faits

Les dires des parties ont été analysés par la Cour de Paris; cette analyse est complète et fidèle; elle est reproduite ci-après :

" A l’appui de son recours, Monsieur V... critique l’interprétation donnée par le premier juge des dispositions de l’article 263 du décret du 31 juillet en faisant partir le point de départ du délai pour effectuer la publicité définitive à compter de la notification par le greffe de la décision rejetant la contestation alors que, selon lui, le point de départ ne peut qu’être au regard des textes et notamment de l’article 463 N.C.P.C. (2), que le jour du prononcé de ladite décision.

" Il fait grief également au premier juge d’avoir mis à sa charge une indemnité au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile alors qu’il a reconnu dans la décision le caractère ambigu de l’article 263 du décret précité.

" Pour ces raisons, il demande à la Cour d’infirmer l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau :

- de constater le bien fondé des rejets définitifs qu’il a opposés le 25 février 1997 en sa qualité de conservateur... du bureau des hypothèques de P...;

- de débouter l’U..B.. de toutes ses demandes à son encontre et, en tout état de cause, de celle au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- de condamner l’U...B... aux entiers dépens.

" L’U..B.. soulève à titre principal l’irrecevabilité de Monsieur V.. faute de justifier d’un intérêt à agir.

" Subsidiairement, elle conclut à la confirmation de la décision entreprise et y ajoutant de condamner Monsieur V... au paiement de la somme de 10 000 F au titre de l’article 700 N.C.P.C. et aux dépens ;

" Dans ses dernières conclusions, Monsieur V... réplique qu’étant responsable personnellement des actes accomplis en sa qualité de conservateur des hypothèques, il a un intérêt personnel à agir, et de ce fait, à relever appel d’une décision au terme de laquelle il a succombé ".

Le résumé qui précède, contenu dans l’arrêt du 19 décembre 1997, y est suivi de l’énoncé des motifs et du dispositif ;

Ils sont rapportés ci-après :

" Considérant que, selon les dispositions de l’article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, en cas de rejet d’une formalité de publicité par application des articles 2148, 2149 et 2154 nouveaux du code civil, le recours de la partie intéressée contre la décision du conservateur est porté dans les huit jours de la notification de cette décision, devant le Président du Tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les immeubles, lequel statue comme en matière de référé.

" qu’en l’espèce, le conservateur des hypothèques de P.. a notifié les 22 janvier et 25 février 1997 à l’U...B... une décision de rejet de la publicité définitive qu’elle a opérée le 9 janvier 1997 en joignant deux bordereaux d’inscription définitive d’hypothèque judiciaire se substituant aux bordereaux d’inscription provisoire d’hypothèque judiciaire prise le 14 mai 1996 sur divers biens et droits immobiliers appartenant à P.. à Monsieur Va... au motif que la publicité n’avait pas été effectuée conformément à l’article 263 du décret du 31 juillet 1992 dans le délai de deux mois à compter du 17 octobre 1996, date du jugement rendu par le juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de Paris, ayant débouté Monsieur Va... de sa demande de mainlevée des inscriptions provisoires prises sur ses biens immobiliers ;

" que c’est dans ces circonstances qu’est intervenue l’ordonnance déférée ;

" considérant que Monsieur V..., agissant en tant que Conservateur des hypothèques de P... dans le cas où les dispositions législatives et réglementaires lui reconnaissent le pouvoir de rejeter une formalité, a nécessairement intérêt à relever appel d’une décision qui a décidé le rejet de la publicité définitive opérée par l’U...B...;

" qu’il s’ensuit que son appel doit être déclaré recevable; " considérant, sur le rejet lui-même, que l’article 263-2 du décret du 31 juillet 1992 prescrit que la publicité définitive doit être effectuée dans un délai de deux mois à compter du jour de la décision rejetant la contestation si une demande de mainlevée a été formée ;

" considérant que l’article 453 du Nouveau Code de Procédure civile énonce que la date du jugement est celle à laquelle il est prononcé ;

" mais considérant qu’il apparaît que le juge de l’exécution n’a pas satisfait lors de l’audience tenue le 26 septembre 1996 dans le litige opposant l’U..B.. à Monsieur Va..., aux prescriptions de l’article 450 du Nouveau Code de Procédure civile, en omettant d’indiquer la date à laquelle le jugement serait rendu ;

" Qu’il s’ensuit que le point de départ du délai pour accomplir la publicité définitive ne saurait courir à l’égard de l’U..B.. qu’à compter du jour où elle en a eu connaissance, à savoir le 19 novembre 1996, date de la notification par le secrétariat-greffe du juge de l’exécution ;

" Considérant que le délai prescrit par l’article 263-2 du décret du 31 juillet 1992 n’étant pas ainsi expiré, il y a lieu, en conséquence, par des motifs partiellement différents du premier juge et substitués à ceux-ci en ce qu’ils sont contraires, de confirmer l’ordonnance déférée qui a fait droit au recours de l’U...B... contre les décisions de rejet litigieuses ;

" Considérant que l’équité ne commandait pas en revanche de faire application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile à l’encontre de Monsieur V...; que l’ordonnance sera infirmée de ce chef ;

" Considérant qu’il n’apparaît pas davantage inéquitable de laisser à la charge de l’U...B... les frais non compris dans les dépens ;

" Considérant enfin que les entiers dépens doivent être mis à la charge de Monsieur V... qui succombe sur son recours ;

PAR CES MOTIFS

" La Cour,

" Statuant en la forme des référés,

" Infirmant partiellement la décision entreprise,

" Décharge Monsieur V... de la condamnation prononcée à son encontre au titre de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

" La confirme pour le surplus en toutes ses dispositions,

" Y ajoutant,

" Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile, 

" Condamne Monsieur V... aux entiers dépens....".

Observations :

Dans cette affaire, trois questions de droit ont été jugées; elles sont énoncées ci-après et suivies pour chacune d’elles de la réponse qu’elle a reçue.

1ère QUESTION

Le conservateur, comme l’intimé, l’a soutenu à titre principal dans sa défense, était-il irrecevable faute d’intérêts à faire appel ?

Réponse : A cette question, il ne pouvait manifestement qu’être répondu par la négative.

Notre collègue, en effet, était condamné trois fois par l’ordonnance dont il demandait l’annulation : il était contraint de prendre les deux inscriptions qu’il avait rejetées et il devait, en outre, payer à l’inscrivant non seulement les dépens mais également une indemnité de 10 000 F au titre de l’article 700 N.C.P.C.

Or, une seule de ces succombances suffisait à constituer l’intérêt exigé à l’article 546 du même code qui dispose que "  le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé ".

C’est pourquoi la Cour de Paris, pour déclarer l’appel recevable, a considéré qu’il n’y avait nul besoin de faire état des condamnations pécuniaires.

Elle s’est bornée à affirmer qu’un conservateur ayant procédé au rejet d’une publicité définitive a nécessairement intérêt à relever appel d’une décision ayant jugé ce rejet non fondé.

2ème question :

Dans son premier alinéa, l’article 263 du décret du 31 juillet 1992 fixe les différents points de départ du délai de deux mois (3) imparti au bénéficiaire d’une inscription provisoire judiciaire pour opérer la publicité définitive.

Le même article, dans son second alinéa, oblige l’inscrivant à présenter au conservateur " tout document attestant que les conditions prévues ci-dessus sont remplies ".

Lorsque ce document paraît au conservateur qui en est destinataire ne pas apporter la preuve qu’il est censé fournir, cette circonstance constitue-t-elle une cause de refus du dépôt permettant, si elle n’a pas été immédiatement invoquée, de se fonder sur le 3 de l’article 74 du décret du 14 octobre 1955 pour appliquer les règles du rejet ?

Réponse : Réponse affirmative, dès lors, a-t-il été jugé dans l’ordonnance du 3 avril 1997, que l’article 263, d’une part " est inclus dans une section relative à la publicité définitive des inscriptions d ’hypothèque" et d’autre part, prescrit que cette publicité " doit être effectuée dans un délai de deux mois ".

Ainsi, cet article réunit les conditions d’être à la fois impératif et relatif à la publicité foncière.

En conséquence, suivant le juge des référés de Paris, il ne peut pas être fait grief au conservateur de " vérifier le respect du délai avant de procéder à la formalité demandée " et donc, d’utiliser à cette fin le document exigé par l’article 263.

En outre, dans la mesure où il est conclu au terme de cette vérification, que le délai de deux mois est dépassé, le conservateur en rejetant la formalité n’excède pas les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 2199 du code civil.

En effet, pour qu’il soit fait exception au principe général qui veut qu’un conservateur ne puisse ni retarder, ni refuser l’exécution d’une publication ou d’une inscription, il n’est pas indispensable que l’anomalie invoquée ait été, par la loi ou le règlement, qualifiée expressément de cause de refus de dépôt ou de rejet de la formalité;

Il suffit qu’il apparaisse que la formalité requise, si elle était exécutée, enfreindrait une disposition législative ou réglementaire propre à la publicité foncière et ayant un caractère impératif;

C’est ce qui résulte des arrêts de cassation des 2 décembre 1992, 9 février 1994 et 13 juillet 1994 rapportés au présent bulletin ( art. 1571, 1604 et 1639 );

Et, en l’espèce, c’est ce qu’en première instance, il a justement été rétorqué au créancier qui n’apercevait " dans l’article 2148 du code civil aucune disposition prévoyant le rejet de la formalité pour non respect d’un quelconque délai ".

Dans les motifs servant de support au dispositif, il est, pour écarter ce moyen, exposé qu’ " il résulte de l’interprétation combinée des articles 2148 et 2199 du code civil que le conservateur a le pouvoir de rejeter une formalité méconnaissant une disposition législative ou réglementaire impérative ".

En appel, cette question n’a donné lieu à aucun débat, l’intimé n’ayant plus soutenu que l’article 263 ne concerne pas la publicité foncière et s’étant abstenu de réitérer la conception qu’il s’était faite du principe de la légalité des refus et des rejets.

La Cour de Paris, toutefois, a implicitement approuvé la solution donnée par le premier juge en relevant, avant de rejeter la fin de non recevoir tirée du prétendu défaut d’intérêt de l’appelant, que ce conservateur se trouve " dans le cas où les dispositions législatives et réglementaires lui reconnaissent le pouvoir de rejeter une formalité ".

Les conservateurs donc semblent pouvoir compter sur le soutien de l’autorité judiciaire dans l’exercice, recommandé à l’article 1755 du bulletin (4), de la possibilité d’assimiler à la non-présentation du " document attestant.. " son défaut manifeste de valeur démonstrative.

Juridiquement, cette compétence n’est pas susceptible d’être utilement contestée; en outre, elle va pleinement dans le sens de l’intérêt bien compris des usagers des bureaux des hypothèques;

Il faut donc en user mais seulement lorsqu’il est évident que le délai de deux mois est expiré ou n’a pas commencé à courir (5) et en sachant, comme il ressort de la réponse faite à la 3ème question, qu’il peut y avoir de fausses évidences, difficiles à détecter.

3ème question : Lorsque l’inscription provisoire a été opérée avec un titre exécutoire et donc, sans l’autorisation d’un juge, le point de départ du délai de deux mois imparti pour effectuer la publicité définitive est fixé par le 2° de l’article 263 du décret du 31 juillet 1992;

Selon ce 2° et lorsque la mainlevée de l’inscription a été demandée à une juridiction, les deux mois courent "  du jour de la décision rejetant cette contestation ".

Quel est le terme de ce délai lorsque la mainlevée a été refusée par un jugement qui a été rendu le 17 octobre 1996 par le juge de l’exécution et dont, le 19 novembre suivant, le créancier a reçu la notification faite par le secrétariat-greffe ?

Réponse : Aux termes de l’article 453 N.C.P.C., "  la date du jugement est celle à laquelle il est prononcé ".

Or, les expressions " jour de la décision " et " date du jugement " ont la même signification;

Par suite, si le jugement avait été rendu sur le champ ou s’il était établi qu’à l’issue des débats, son prononcé avait été renvoyé au 17 octobre 1996, le délai de deux mois aurait pris fin le 17 décembre 1996;

Mais, en l’espèce, ni l’une, ni l’autre de ces deux conditions n’était remplie.

En effet, dans l’expédition du jugement du 17 octobre 1996 remise le 9 janvier 1997 au bureau des hypothèques pour servir de document attestant que le délai légal de deux mois n’était pas expiré, il était mentionné que l’affaire avait été appelée à l’audience du 26 septembre 1996;

Aussi, comme il est prescrit à l’article 450 N.C.P.C. le juge de l’exécution devait-il, au cours de cette audience, indiquer aux parties la date à laquelle sa décision serait prononcée;

Or, dans le jugement, il n’a pas été mentionné que cette information a été donnée si bien que dans l’arrêt du 19 décembre 1997, il a été considéré qu’elle avait été omise (6).

De là, il a été induit que "  le délai pour accomplir la publicité définitive ne saurait courir à l’égard de l’U...B... qu’à compter du jour où elle en a eu connaissance, à savoir le 19 novembre 1996, date de la notification par le secrétariat-greffe du juge de l’exécution ".

Ce faisant, la Cour d’appel de Paris a transposé la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux délais de recours à la computation du délai dans lequel une inscription régie par l’article 2123 C.civ. doit être substituée rétroactivement à celle prise à titre provisoire.

Selon cette jurisprudence ( Civ. 2° 11 janvier 1978, bull.civ. n° 13; 7 juillet 1983, bull. civ. n° 146 ), les dispositions législatives ou réglementaires fixant le point de départ du délai au jour du jugement ne peuvent s’appliquer lorsque le prononcé a été renvoyé sans que sa date ait été portée, par le président, à la connaissance des parties.

Il n’est pas évident que l’extension ainsi décidée aille de soi, la situation du créancier qui a gagné le procès engagé à son encontre n’étant pas exactement la même que celle de la partie condamnée qui entend user d’une voie de recours.

Toutefois, notre collègue, en plein accord avec la Commission de contrôle, n’a pas estimé opportun de se pourvoir en cassation.

Dès lors, chaque fois que le jugement de débouté constituant " le document attestant... " n’a pas été rendu sur le champ, qu’il n’y est pas mentionné l’accomplissement de la formalité prescrite au Président par l’article 450 N.C.P.C. et que plus de deux mois se sont écoulés depuis le jour de son prononcé, la prudence conduit le conservateur à appliquer les règles du rejet.

Si, en réponse à la notification faite au signataire du certificat d’identité, celui-ci soutient que le créancier a reçu la notification du jugement depuis moins de deux mois et s’il en justifie, l’exécution de la publicité définitive devra être achevée.

Annoter : Bull. AMC art. 1755.