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ARTICLE 1781

PUBLICITE FONCIERE

SAISIES

1) Document publié conservant son caractère public malgré l’annulation par l’autorité judiciaire des dispositions qu’il contient.
Juridiction fondant le refus d’ordonner la radiation de la publicité d’un commandement de saisie sur le fait de l’avoir déjà annulé - Motif inopérant
2) Mainlevée judiciaire
Jugement rendu sur un incident soulevé par le débiteur et portant annulation d’une procédure de saisie immobilière
Radiation de la publication du commandement demandée par l’avocat du poursuivant
Suite à donner

Jugements du Tribunal de grande instance de Marseille du 12 novembre 1996 et du 11 février 1997
(Chambre des saisies immobilières et des criées)

Faits : La banque B... a engagé une procédure de saisie immobilière à l’encontre de son débiteur M. R... et le commandement, qu’à cette fin, elle a fait délivrer le 17 mai 1996 a été publié le 13 juin suivant au bureau de la situation de l’immeuble concerné.

La juridiction compétente pour connaître de cette saisie était la chambre des criées du tribunal de grande instance de Marseille et au greffe de ce tribunal, l’avocat du saisi a déposé un dire pour demander l’annulation de la procédure engagée à son encontre ainsi que l’allocation d’une indemnité de 5 000 F au titre de l’article 700 NCPC.

Au soutien de cet incident, son auteur a contesté la validité du commandement dont il a été le destinataire en faisant valoir, d’une part, que sa signification n’avait pas été faite à la personne ou au domicile du saisi et, d’autre part, que dans l’exploit dont il a été laissé copie, il n’a pas été fait mention des " délais prévus par les articles 689, 727 et 715 du code de procédure civile ".

Sur ce dire, il a, le 12 novembre 1996, été rendu le jugement rapporté ci-après :

" Attendu qu’il résulte des articles 654, 655, 656 et 659 du nouveau code de procédure civile que la signification des actes d’huissier de justice doit être faite à personne ou à domicile, à mairie ou à la dernière adresse connue ;

" Attendu que la banque B ... a délivré commandement aux fins de saisie immobilière à Monsieur R ... le 17 mai 1996 en indiquant dans l’acte que le débiteur était domicilié à ... ;

" Attendu que la banque B ... connaissait l’adresse de monsieur R ... qu’elle mentionne dans l’acte précité; qu’il convient, en conséquence, d’annuler les significations du commandement de saisie immobilière et de la sommation d’assister à l’audience éventuelle, effectuées les 17 mai 1996 et 18 juillet 1996 à l’ancien bureau de l’avocat de Monsieur R ..., conformément à l’article 659 du nouveau code de procédure civile ;

" PAR CES  MOTIFS :

" Le Tribunal de grande instance de Marseille ...

" Statuant publiquement, par jugement contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi, ;

" Annule la procédure de saisie immobilière engagée selon commandement du 17 mai 1996 publié le 13 juin 1996, vol ... n° ...

" Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

" Laisse les dépens de la présente procédure à la charge de la banque B ... ".

Le 3 décembre 1996, l’avocat du poursuivant et donc de la banque B ... a remis une expédition de ce jugement au conservateur et, se fondant sur cette décision de justice, l’a requis de radier la publication de la saisie qui y était annulée.

Mais le 6 décembre, notre collègue a refusé le dépôt de ce jugement.

Il a, pour ne pas exécuter la formalité requise, fait application de la doctrine traditionnelle de l’AMC qui, citée notamment à l’article 1346 du présent bulletin, est celle soutenue par Jacquet et Vétillard dans leur traité de la mainlevée de l’hypothèque.

Selon ces auteurs (P. 635, n° 19), " d’une manière générale, le jugement de radiation de saisie est soumis aux mêmes conditions de validité que le jugement ordonnant radiation d’inscription. En conséquence, l’ordre de radier doit être exprès et formel et ne saurait résulter implicitement de la disposition principale d’un jugement prononçant, par exemple, la nullité de la saisie (C. de Riom, 23 décembre 1829) ".

Aussi, le 30 décembre 1996, la banque B... saisit-elle la chambre des criées d’une requête en rectification d’erreur matérielle tendant à ce que soit ajouté au dispositif du jugement la mention: " ordonne la radiation du commandement de saisie immobilière publié le 13 juin 1996, vol..., n°... "

Le débiteur à qui cette requête avait été communiquée, fit valoir qu’il n’avait été commis aucune erreur matérielle et conclut, en conséquence, à ce qu’il lui soit alloué une indemnité de 5 000 F au titre de l’article 700.

La banque B... répliqua en demandant 10 000 F de dommages-intérêts et 5 000 F au titre de l’article 700.

Ce recours en rectification fut rejeté le 11 février 1997 par les motifs et dans le dispositif ci-après :

" L’omission de la mention dont il est demandé l’ajout sur le jugement du 12 novembre 1996 ne résulte pas d’une erreur matérielle, mais d’un choix du tribunal qui n’a pas à ordonner la radiation d’un acte qui est annulé comme toute la procédure de saisie immobilière et qui est censé par conséquent n’avoir jamais existé ;

" Si la conservation des hypothèques devait maintenir sa position consistant à donner des injonctions au tribunal sous la forme et sur le fond des décisions qu’il rend, il appartiendrait alors à la banque B... d’assigner en radiation du commandement de Monsieur R... pour sortir de la situation extravagante créée par le bureau des hypothèques.

" PAR CES MOTIFS

" Le tribunal de grande instance de Marseille ...

" Statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi,

" Constate que la radiation du commandement de saisie immobilière peut être effectuée par le ... bureau des hypothèques sans qu’il soit nécessaire de rectifier le jugement du 12 novembre 1996;

" Déboute les parties pour le surplus de leurs demandes;

" Laisse les dépens à la charge du Trésor ".

Ce jugement, a priori, ne pouvait que décevoir le demandeur qui espérait lorsqu’il a formé son recours en rectification, être mis en mesure de satisfaire à l’exigence formulée par le conservateur et qui ne l’avait pas été.

Dans cette décision, cependant, le tribunal de grande instance, tout en refusant de rectifier ce qu’il avait jugé, en a explicité le sens puisqu’il y est constaté, en termes exprès, que la radiation en cause pouvait être effectuée.

C’est pourquoi, bien que débouté, la banque B... atteignit en définitive le but qu’elle visait: la radiation fut de nouveau demandée et, le 27 février elle fut opérée.

Question : Le conservateur, pour radier la publicité du commandement susvisé, a exigé que l’ordre lui en soit expressément donné par la juridiction ayant annulé " la procédure de saisie immobilière engagée selon ce commandement ".

Or, d’après le tribunal de grande instance de Marseille, cette exigence a suscité " une situation extravagante ".

Cette appréciation est-elle justifiée ?

Réponse : Réponse négative. En effet, la radiation à opérer était celle de la publicité du commandement.

Or, la publicité est un service rendu par le bureau des hypothèques et non l’une des conséquences juridiques des dispositions contenues dans les documents incorporés dans le registre public.

Par suite, lorsque ces dispositions sont annulées par l’autorité judiciaire, elles n’en continuent pas moins à être délivrées, en application de l’article 2196 C. civ., à tous ceux qui le requièrent et ce, sous fourme de copie intégrale ou d’extrait.

Il n’en est autrement, pour un commandement de saisie, que si sa publicité, soit a été radiée par le conservateur, soit, eu égard aux dispositions de l’article 38-1 du décret du 14 octobre 1955, s’est trouvée périmée par l’arrivée du terme du délai de trois ans fixé au troisième alinéa de l’article 694 de l’ancien code de procédure civile.

Dès lors, le tribunal s’est fondé sur une raison inopérante en considérant, pour motiver l’appréciation sévère rapportée dans la question, qu’il n’avait pas " à ordonner la radiation d’un acte qui est annulé... et qui est censé par conséquent n’avoir jamais existé ".

En réalité, en s’assurant avant de radier, que le jugement qui lui est remis contient l’ordre formel de le faire, un conservateur, loin d’abuser des pouvoirs qui lui sont conférés, s’en tient exactement au rôle qui lui est dévolu.

Toutefois, dans la mesure où, comme au cas particulier, aucun créancier sommé n’est mentionné en marge du commandement publié et où la radiation est requise par le poursuivant et non par le débiteur ayant obtenu le jugement remis au conservateur, celui-ci, en déférant à la réquisition, ne s’expose généralement à aucun risque.