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ARTICLE 1806

SAISIES

Décision de justice ordonnant la radiation du commandement
Annulation pour incident de saisie et spécialement pour défaut de régularisation de la procédure dans les délais prescrits

Question : Après publication le 10 février 1995 à la conservation de N... d'un commandement de saisie dont la validité a été prorogée de trois ans par un jugement publié le 22 décembre 1997, le Crédit Foncier de France, créancier poursuivant, a obtenu du Tribunal de Grande Instance ( Chambre des saisies immobilières ) un jugement en date du 6 avril 1999 ordonnant la radiation du commandement.

Deux points complémentaires méritent attention :

- la saisie publiée le 10 février 1995 a été faite sous le régime des articles 32 à 42 du décret du 28 février 1852 sur les sociétés de Crédit Foncier, dispositions abrogées par l'article 105 de la loi n° 98-567 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions;

- le jugement du 6 avril 1999 n'est pas motivé et son dispositif précise qu'il est rendu " en dernier ressort ", alors qu'un créancier inscrit et sommé, la Caisse Régionale de Crédit Agricole (CRCA), n'a pas été appelée à l'instance.

Le conservateur demande s'il doit procéder à la radiation pure et simple du commandement délivré par le Crédit Foncier ou, dès lors que le jugement n'est pas motivé, faire application de la solution prévue dans l'article 1231 du Bulletin et qui consiste à radier la saisie seulement en tant qu'elle profite au créancier qui en a demandé la radiation judiciaire.

Réponse : L'article 1231 du Bulletin rappelle la position de la Chancellerie, publiée dans une instruction administrative du 1er septembre 1981 ( BODGI 10C-2-81 ) et reprise dans la documentation administrative 10 D 325 n° 5 et 6, selon laquelle un jugement ordonnant la radiation d'une saisie du fait de la nullité de la procédure est valable à l'égard de toutes les parties liées à la poursuite. Par suite, le conservateur doit procéder à la radiation totale de la saisie sans se préoccuper de savoir si les créanciers autres que le poursuivant ont été ou non informés de la procédure d'annulation.

Toutefois, dans son commentaire de cette instruction, l'AMC introduit la réserve suivante :

" La situation est différente lorsque le jugement est motivé autrement que par des causes incidentes à la saisie. Dans ce cas, le moyen invoqué à l'appui de la demande de radiation est généralement particulier au créancier contre lequel il est dirigé et est étranger aux autres créanciers.

C'est ainsi, par exemple, que si la demande en radiation est fondée sur l'inexistence de la créance, il est évident que le jugement qui y fait droit ne peut que rester étranger aux créanciers autres que celui dont la créance a été reconnue inexistante.

Un tel jugement ne peut dès lors autoriser la radiation de la saisie qu'en tant qu'elle profite à ce dernier créancier ( Jacquet et Vétillard, V° Saisie Immobilière, n° 16 ; Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 966-1° )."

Aux termes mêmes du commentaire ci-dessus énoncé, la solution de la " radiation partielle " de la saisie s'applique donc " lorsque le jugement est motivé autrement que par des causes incidentes de la saisie ".

Or, au cas d'espèce, comme l'a indiqué le conservateur, l'annulation tient au fait que la procédure de saisie n'a pas été régularisée dans les délais prescrits, après la publication de la loi du 29 juillet 1998 abrogeant les articles 32 à 42 du décret du 28 février 1832.

En effet ( cf. en ce sens l'étude de M. CROZE parue au JCP Ed. not. n° 52 du 25.12.98 ), la procédure de saisie initiée par le Crédit Foncier dans son commandement publié le 10 février 1995 était devenue caduque : elle n'avait pas été validée par une nouvelle sommation de prendre connaissance du cahier des charges, faite conformément à la procédure de droit commun des articles 622 et 690 ACPC et signifiée au débiteur, à peine de déchéance, dans les huit jours de l'entrée en vigueur de la loi d'abrogation du 29 juillet 1998. La photocopie de la fiche personnelle du débiteur confirme que cette formalité n'a pas été accomplie.

D'autre part, même si le juge n'a pas motivé sa décision, il a estimé qu'il s'agissait d'un incident de saisie au sens des articles 718 et 727 ACPC " c'est-à-dire les contestations qui sont nées de la procédure de saisie et qui s'y rattachent directement ". En effet, il ressort du dispositif du jugement que celui-ci a été rendu en dernier ressort, comme le prévoit dans ce cas l'article 731 ACPC.

Par suite, la procédure de " radiation partielle " prévue à l'article 1231 du Bulletin " lorsque le jugement est motivé autrement que par des causes incidentes à la saisie " n'était pas applicable au cas d'espèce et le conservateur devait procéder à la radiation totale de la saisie.