Retour

Art. 1816

INSCRIPTIONS

Sûretés conservatoires de la loi du 9 juillet 1991
Confirmation de la publicité provisoire par une publicité définitive devant être effectuée dans un délai de deux mois
Cas où, en application du 1° du 1er alinéa de l'article 263 du décret du 31 juillet 1992, le point de départ de ce délai est le jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée
Acquisition de ladite force justifiée par la présentation d'une ordonnance de référé condamnant solidairement les débiteurs à payer une provision, frappée d'appel mais exécutoire de plein droit
Possibilité donnée au conservateur d'assimiler la justification ainsi produite à l'absence du " document attestant….". ( oui )

Ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Saint-Brieuc du 3 juin 1999

Arrêt de la Cour d'Appel de Rennes ( 1ère chambre A ) du 16 mai 2000

I - ordonnance du président

Faits

Le 26 novembre 1998, la compagnie A… a, pour conserver une créance de 1 500 000 F, pris une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur l'un et l'autre de deux immeubles appartenant respectivement à M. B… et M. G… qui figurent chacun au nombre de ses débiteurs.

Pour ce faire, elle présenta la décision judiciaire exigée à l'article 67 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991.

Cette décision, rendue le 2 novembre 1998 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, portait autorisation de pratiquer les mesures conservatoires demandées pour, était-il précisé, garantir une créance provisoirement évaluée à la somme de 2 510 000 F.

Le 1er février 1999, la compagnie A… déposa les bordereaux ayant pour objet d'opérer la publicité définitive qui, selon l'article 260 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, doit confirmer la publicité provisoire.

Ces bordereaux avaient été établis pour conserver chacun une somme capitale de 1 300 000 F.

Or, d'une part, il ressort des dispositions du premier alinéa de l'article 263 dudit décret que lorsque la procédure a été mise en œuvre avec l'autorisation d'un juge, la publicité définitive doit être effectuée dans un délai d'un mois courant "…1° Du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée ".

D'autre part, selon le second alinéa du même article , " le créancier présente tout document attestant que sont remplies les conditions prévues ci-dessus " et donc notamment, celles énoncées au 1° sus rapporté.

Pour satisfaire à l'obligation ainsi édictée, la compagnie A… a remis à notre collègue,M. D…, une ordonnance de référé en date du 10 décembre 1998 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a condamné solidairement MM. B.. et G… à verser à leur créancier une provision de 1 300 000 F à valoir sur le solde des sommes dont ils demeurent débiteurs.

Ainsi accompagnés, les bordereaux furent enregistrés sur le registre dont la tenue est prescrite par l'article 2200 du code civil; mais lorsqu'en vue de la mise à jour des fiches, ils furent rapprochés des documents déjà publiés, les formalités en cours d'exécution ne furent pas achevées.

Le conservateur, estimant que le dépôt de ces documents aurait dû être refusé, usa du pouvoir qui lui est conféré au 3 de l'article 74 du décret du 14 octobre 1955, d'appliquer les règles du rejet.

Le 2 mars 1999, il notifia pour chacune des deux inscriptions la cause de rejet reproduite ci-après :

" L'ordonnance de référé du 10 décembre 1998 ne bénéficie pas de la force de chose jugée requise par le premièrement de l'article 263 du décret du 31 juillet 1992 pour inscrire une hypothèque judiciaire définitive se substituant à la provisoire. En conséquence, il est donc impossible en vertu de cette ordonnance et de l'article 263 du décret précité de prendre une hypothèque judiciaire dont l'effet remonte à la date de l'inscription provisoire tant que le litige sur les droits du créancier n'aura pas été vidé en dernier ressort ".

L'irrégularité ainsi relevée n'ayant pas été régularisée dans le délai légal d'un mois qui avait été imparti et n'étant d'ailleurs pas susceptible de l'être, les inscriptions furent rejetées par une décision du 7 avril 1999 qui, notifiée au signataire du certificat d'identité, fut reçue par lui le 9 du même mois.

Telles sont les circonstances dans lesquelles notre collègue fut, le 12 avril 1999, assigné devant le président du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc afin de s'entendre dire le défaut de fondement des rejets attaqués et d'être en conséquence condamné " aux dépens de l'instance ainsi qu'à ceux relatifs à la régularisation des formalités ".

Moyens et prétentions des parties

A l'appui de ses conclusions, la société demanderesse invoqua les dispositions combinées de l'article 489 du nouveau code de procédure civile qui accorde aux ordonnances de référé le bénéfice de l'exécution provisoire et de l'article 500 du même code aux termes duquel " a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ".

Ce à quoi le défendeur répliqua en relevant l'antinomie existant entre la notion de force de chose jugée et la qualité de décision provisoire n'ayant pas au principal l'autorité de la chose jugée, attribuée à l'ordonnance de référé par les articles 484 et 488 du nouveau code de procédure civile.

Statuant le 3 juin 1999 sur la requête dont il avait été saisi, le président du T.G.I. de Saint-Brieuc y a fait droit.

Les motifs de sa décision énoncés sous la rubrique "Discussion " ainsi que le dispositif dont il forme le support sont les suivants:

Discussion

" Aux termes des dispositions de l'article 263-1° du décret du 31 juillet 1992 ainsi que de celles des articles 500 et 514 alinéa 2 du Nouveau code de Procédure Civile, la publicité définitive des inscriptions d'hypothèques provisoires doit être effectuée dans un délai de deux mois courant du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée.

Par ailleurs, a force de chose jugée, le jugement qui n'est suspensif d'aucun recours suspensif d'exécution.

Enfin, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les ordonnances de référé.

Il résulte des dispositions précitées que, si le délai de deux mois pour procéder à la publicité définitive d'inscriptions d'hypothèques provisoires court, d'une manière générale, non à compter de la signification d'un jugement laquelle lui confère force exécutoire, mais à l'issue de l'expiration du délai d'appel, ledit jugement se voyant alors doté de la force de chose jugée, une ordonnance de référé accordant une provision au créancier, mesure exécutoire de droit à titre provisoire, doit, quant à elle, être considérée comme pourvue de la force de chose jugée dès sa signification, car étant insusceptible de recours suspensif d'exécution, sauf mise en œuvre de la procédure prévue à l'article 521 du Nouveau code de Procédure Civile, laquelle n'a pas été mise en œuvre en l'espèce.

Les dispositions de l'article 488 alinéa 1er du Nouveau code de Procédure Civile n'apparaissent pas à cet égard incompatibles avec celles de l'article 560 alinéa 1er du même code (1).

Dès lors, une telle ordonnance doit permettre, dès signification au créancier bénéficiaire de ladite provision, de procéder à la publicité définitive des inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires qu'il a préalablement prises en garantie de sa créance, sans avoir à attendre pour procéder à cette publicité, l'obtention d'une décision juridictionnelle statuant sur le fond de sa créance.

En l'espèce, la Compagnie A…, bénéficiaire d'une provision d'un montant de 1 300 000 F aux termes de l'ordonnance de référé en date du 10 décembre 1998, doit, en conséquence, être admise à voir substituer aux inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires publiées le 26 novembre 1998, les inscriptions d'hypothèques judiciaires définitives prises par elle le 1er février 1999.

Par ces motifs

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, en la forme des référés :

Vu les articles 26 du décret 55-22 du 4 janvier 1955 modifié par la loi n° 98-261 du 6 avril 1990, 263-1° du décret du 31 juillet 1992, 500 et 514 alinéa 2 du Nouveau code de Procédure Civile ;

Déclarons bien fondé le recours formé par la Compagnie A…. contre la décision de rejet par le Conservateur des hypothèques de S…. des inscriptions d'hypothèques judiciaires définitives prises par elle le 1er février 1999 ;

Disons en conséquence que lesdites inscriptions d'hypothèques définitives sont substituées aux inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires prises par la Compagnie A…. et régularisées le 26 novembre 1998;

Rappelons qu'en vertu des dispositions de l'article 26 précité, la présente décision n'est pas susceptible d'exécution provisoire ;

Prononçons un partage par moitié des dépens de la présente instance, ainsi que des frais relatifs à la régularisation des formalités. "

A cette condamnation, notre collègue, en plein accord avec le comité de contrôle, estima ne pas devoir acquiescer.

Il interjeta appel et l'affaire, en conséquence, s'est trouvée dévolue à la Cour d'appel de Rennes.

Comme il se devait eu égard à la défense faite au troisième alinéa de l'article 26 du décret du 4 janvier 1955, l'ordonnance entreprise n'a pas été assortie de l'exécution provisoire.

Aussi, ne fut-il pas procédé à l'achèvement de l'exécution des inscriptions en cause; mais celles-ci, comme il est de règle (2), furent maintenues en instance de rejet et continuèrent, dès lors, ainsi qu'il est prescrit à l'article 41 du décret du 14 octobre 1955, à être délivrées avec la mention
" formalité en attente ".

II - Arrêt de la Cour d'appel

Faits

Pour obtenir l'infirmation de l'ordonnance attaquée et la validation des décisions de rejet du 7 avril 1999, le conservateur, M. D… invoqua deux moyens.

A titre principal, il exposa qu'une décision de référé n'est jamais susceptible d'acquérir force de chose jugée et qu'il en est ainsi même lorsqu'elle est devenue définitive parce que n'ayant pas été déférée au juge d'appel avant l'expiration du délai de recours ou si, ayant été soumise à sa censure, elle a été confirmée par lui.

Au soutien de cette proposition, il fut remarqué que l'acquisition de la force jugée n'est que la consolidation de la présomption légale de vérité, attribuée à la chose jugée par l'article 1350-3° du code civil.

Mais pour que cette présomption puisse être consolidée, encore faut-il qu'il y ait matière à l'invoquer.

Or, pour une ordonnance de référé, cette condition manque dès lors qu'aux termes de l'article 488 du Nouveau code de Procédure Civile, une telle ordonnance " n'a pas au principal, l'autorité de la chose jugée ".

Subsidiairement, c'est-à-dire pour le cas où le moyen principal ne serait pas reconnu fondé, l'appelant mit l'accent sur le fait qu'en l'espèce, l'ordonnance de référé présentée par l'inscrivant était frappée d'appel.

De là, il a été déduit qu'elle ne pouvait avoir acquis la force de chose jugée alors même qu'en application des articles 489 et 514 du Nouveau code de procédure civile elle bénéficiait de plein droit de l'exécution provisoire.

C'est, fut-il observé, ce que la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a jugé dans deux arrêts rendus en matière de publicité foncière, l'un le 19 octobre 1988 (Bull AMC art.1416) et l'autre le 4 janvier 1991 (JCP 1992, éd. N. II page 65).

Dans ces arrêts, la haute juridiction a fait délibérément abstraction de l'exécution provisoire, invoquée pourtant par le créancier, pour définir ce qu'est la force de chose jugée, imposée tant à l'article 2157 du code civil pour les radiations judiciaires d'hypothèque qu'à l'ex-article 54 de l'ancien code de procédure civile pour les inscriptions définitives appelées à se substituer rétroactivement à des inscriptions provisoires.

Aussi, notre collègue a-t-il affirmé que cette jurisprudence vaut également pour les inscriptions prises dans les conditions fixées au 1° de l'article 263 du décret du 31 juillet 1992.

En effet, en exigeant un titre passé en force de chose jugée, les auteurs de cet article ont poursuivi le même but que celui visé quand la même condition a été formulée dans les articles 2157 du code civil et 54 de l'ancien code de procédure civile.

Ce but est celui d'affermir la confiance accordée aux renseignements délivrés par les conservateurs.

A cette fin, l'article 263 confère aux charges hypothécaires dont il règle la constitution, la stabilité apportée par la force de chose jugée. Grâce à elle, le risque de les voir rétroactivement remises en cause à la suite de recours juridictionnels est fortement réduit.

Dans ce système, le fait que la décision de justice frappée d'appel bénéficie de l'exécution provisoire est sans importance. Il n'en serait autrement que si le maintien du caractère exécutoire empêchait les infirmations et réformations; mais il n'en est rien.

Or, c'est uniquement pour en exclure les conséquences que la force de chose jugée a été imposée.

Dans son mémoire en défense, la Compagnie A…. combattit l'un et l'autre de ces deux moyens.

A celui tiré de ce qu'une ordonnance de référé ne saurait passer en force de chose jugée faute d'être revêtue de l'autorité de la chose jugée, il fut fait grief d'ajouter une condition sans invoquer le texte la prévoyant et, au surplus, d'opérer une confusion entre les notions " d'autorité de chose jugée " et " d'autorité au principal ".

Puis l'intimée poursuivit en prétendant que l'ordonnance de référé du 10 décembre 1998 avait acquis la force de chose jugée en application des dispositions combinées des articles 489, 500 et 514 du Nouveau code de Procédure Civile.

Selon elle, dès lors que l'ordonnance de référé est exécutoire à titre provisoire, elle est de ce fait non susceptible d'un recours suspensif d'exécution et " passe en conséquence en force de chose jugée dès son prononcé ".

Le second moyen, lui aussi, a été considéré comme sans valeur; il lui a été reproché de " reposer sur une jurisprudence relative à des jugements assortis de l'exécution provisoire mais frappés d'appel ", alors que les ordonnances de référé " sont par nature différentes des jugements assortis de l'exécution provisoire".

La finalité attribuée par l'appelant à l'exigence de la force de chose jugée n'a pas été déniée.

Il a seulement été remarqué qu'" une telle argumentation omet manifestement de prendre en considération l'inscription définitive réalisée en vertu d'un arrêt frappé de pourvoi, décision non définitive ".

Les conclusions auxquelles les parties ont abouti en se fondant sur les raisons qui précèdent ont été résumées par la cour d'appel de Rennes dans l'arrêt qu'elle a rendu le 16 mai 2000.

Cet arrêt qui est court et concis est reproduit ci-dessous :

" Le 26 novembre 1988, la Compagnie A.… a inscrit deux hypothèques judiciaires provisoires, l'une sur un immeuble appartenant à B.., l'autre sur un immeuble appartenant à G…. en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de Grande Instance de Saint-Brieuc.

Munie d'une ordonnance du juge des référés du même tribunal ayant condamné solidairement les deux débiteurs précités à lui verser une somme provisionnelle de 1 300 000 F, la Compagnie A.... a requis deux inscriptions d'hypothèques judiciaires définitives destinées à se substituer aux hypothèques judiciaires provisoires.

Le conservateur des hypothèques de S.. ayant rejeté ces formalités, la compagnie A… a formé un recours contre cette décision devant le juge des référés de Saint-Brieuc qui, par ordonnance du 3 juin 1999, l'a déclaré bien fondé et a dit que les inscriptions d'hypothèques définitives seraient substituées aux inscriptions provisoires, partageant par moitié les dépens et les frais relatifs à la régularisation des formalités.

Le conservateur des hypothèques de S.. a interjeté appel de cette ordonnance; il demande à la Cour de l'infirmer et, statuant à nouveau, de déclarer le recours infondé et de condamner la compagnie A.... à lui payer la somme de 20 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile.

La Compagnie A… conclut à la confirmation de la décision déférée, au rejet des prétentions de l'appelant et à sa condamnation au paiement d'une indemnité de 20 000 F au titre de ses frais irrépétibles.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à la décision déférée et aux conclusions déposées par l'appelant le 29 octobre 1999 et par l'intimé le 26 janvier 2000.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que l'article 263 du décret du 31 juillet 1992 énonce, en matière d'hypothèques, que la " publicité définitive doit être exécutée dans un délai de deux mois courant…du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée ";

Considérant qu'aux termes de l'article 500 du nouveau code de procédure civile " A force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. Le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai de recours si ce dernier n'a pas été exercé dans les délais ";

Considérant qu'en l'espèce le titre constatant les droits de la Compagnie A..… est l'ordonnance du 10 décembre 1998, revêtue d'une autorité propre, en l'état de référé, même si elle est dépourvue de l'autorité de la chose jugée jusqu'au principal, ordonnance dont il est constant qu'elle est frappée d'appel;

Que dès lors cette décision n'est pas passée en force de chose jugée, quand bien même elle est exécutoire par provision en application de l'article 514 du nouveau code de procédure civile;

Considérant en conséquence que c'est avec raison que le Conservateur des hypothèques a rejeté la formalité requise au motif que le titre produit ne répondait pas aux exigences de l'article 263 du décret du 31 juillet 1992 précité;

Qu'il s'ensuit que le recours des A… est infondé et que la décision du juge des référés y faisant droit sera infirmée;

Considérant que les A.... qui succombent supporteront les dépens de première instance et d'appel et verseront à l'appelant une indemnité de 5000 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée

Statuant à nouveau

Dit infondé le recours élevé par les A.… contre la décision de rejet du conservateur des hypothèques de S…. en date du 7 avril 1999;

Condamne les A..… à verser audit conservateur une indemnité de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel, ceux-ci étant recouvrés par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile."

Observations

La Cour de Rennes s'est abstenue de distinguer les deux moyens invoqués par l'appelant, l'un à titre principal et l'autre subsidiairement.

Elle ne les a cités ni dans l'exposé des prétentions et moyens des parties, ni dans les motifs formant le support du dispositif.

Pour analyser les dires du conservateur et de la Compagnie A…. les juges du second degré ont fait usage de l'assouplissement apporté à l'article 455 du nouveau code de procédure civile par le décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998.

Cet assouplissement a consisté à décider que l'exposé des prétentions et moyens " peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec indication de leur date ".

Ce que jusqu'alors, la Cour de cassation qualifiait d'insuffisant parce que ne lui permettant pas d'exercer son contrôle : voir par exemple, Civ.2°, 8 février 1989 : bull.civ.II, n°35.

De la sorte, dans son prologue, l'arrêt du 16 mai 2000 se borne à relater l'objet des demandes des parties et les dates des mémoires, mais il ne mentionne pas les raisons de fait et de droit exposées par le conservateur au soutien de ses conclusions ni non plus ce que son adversaire leur a rétorqué.

Dans la suite de l'arrêt et donc dans ses motifs, cette lacune n'est pas comblée car ni le moyen principal ni celui appelé à le suppléer n'y sont énoncés et discutés.

Il est certain toutefois que le second moyen a été examiné et qu'il a été reconnu fondé.

En effet, la cour a constaté qu'il est constant que l'ordonnance du 10 décembre 1998 " est frappée d'appel " et que c'est de cette constatation qu'elle a induit que " dès lors, cette décision n'est pas passée en force de chose jugée, quand bien même elle est exécutoire par provision en application de l'article 514 du nouveau code de procédure civile ".

En revanche, il y a matière à hésitation sur le point de savoir si l'admission du moyen subsidiaire implique que celui présenté à titre principal a été rejeté.

La reconnaissance d'un rejet implicite a pour elle le fait qu'un tel rejet découle de l'ordre logique d'examen, lequel, en l'absence de toute disposition contraire figurant dans l'arrêt, ne peut qu'être réputé avoir été suivi.

En outre, dans les motifs, il y a un passage dont la présence ne s'explique qu'en y voyant un début de réponse au premier moyen.

Ce passage est celui où les juges d'appel, prenant en considération l'un des arguments de l'intimée, déclarent que l'ordonnance valant titre est " revêtue d'une autorité propre, en l'état de référé, même si elle est dépourvue de l'autorité de la chose jugée jusqu'au principal ".

De là, cependant, il n'est pas conclu que cette autorité propre permet à la décision qui en bénéficie de passer en force de chose jugée lorsqu'elle devient définitive.

Et pourtant, la proposition selon laquelle le fait pour un jugement de passer en force de chose jugée suppose que déjà, il a acquis cette autorité dès son prononcé, est manifestement un moyen opérant et plausible.

Si les juges d'appel ont estimé que ce moyen n'est pas juridiquement correct, il aurait été conforme aux bonnes règles de le proclamer en indiquant pourquoi.

Il reste que, quoiqu'imparfaitement motivé, l'arrêt qu'ils ont rendu et qui a levé la condamnation prononcée en première instance contre notre collègue a, par ce qu'il a jugé, valeur jurisprudentielle.

Aussi, a-t-il conduit à préciser les recommandations faites au III B 3 de l'article 1755 du Bulletin.

A cette fin, la commission juridique s'est placée dans la situation ayant suscité les rejets litigieux et qui est celle où l'inscription définitive est prise en présentant le titre visé au 1° du premier alinéa de l'article 263 du décret du 31 juillet 1992.

Ce titre est celui dont l'obtention est prescrite à l'article 215 du même décret et il doit, au moment où la formalité est requise, être passé en force de chose jugée depuis deux mois au plus.

Par suite, le document attestant que cette condition est accomplie, dont la production est exigée au second alinéa de l'article 263 déjà cité, doit établir la date d'acquisition de la force de chose jugée.

Si, à sa seule lecture, ce justificatif apparaît manifestement ne pas atteindre le but qui lui est assigné, le conservateur apprécie s'il convient d'assimiler son défaut évident de valeur démonstrative à sa non- présentation. (3)

Dans le cadre ainsi tracé, il est recommandé à nos collègues d'user de cette faculté lorsque le titre qui leur est présenté est constitué par une décision de justice frappée d'appel mais bénéficiant de l'exécution provisoire, que cette décision soit un jugement sur le fond ou une ordonnance de référé.

Au contraire, quand il s'agit d'une ordonnance de référé devenue définitive, la prudence commande de prendre le parti inverse, qui est celui d'accepter l'inscription, et de s'y tenir tant que l'autorité judiciaire ne se sera pas prononcée en termes clairs sur le point de savoir si une telle ordonnance est susceptible ou non de passer en force de chose jugée.

Par suite, dans cette attente, si une ordonnance de référé présentée comme valant titre emporte effectivement condamnation du débiteur et s'il est produit un certificat de non-appel, il est préconisé de ne pas contredire le requérant lorsque dans la lettre d'accompagnement il prétend que le titre constatant les droits du créancier a acquis force de chose jugée et ce, que ladite acquisition soit située au jour du prononcé de l'ordonnance ou à celui de sa signification.

Annoter: Bull. AMC art.1755

Rapprocher : Bull. AMC art. 1732 et 1775.

(1) Il faut lire 500 au lieu de 560.

(2) Voir le R.A. Enregistrement, V° Hypothèques, T. III n° 797 où, lorsque la chemise du dépôt a été classée dans le sous-dossier "Affaires contentieuses" du dossier "Rejets", il est préconisé de toucher à ce classement seulement lorsque la décision du juge de la validité du rejet acquiert force de chose jugée; tant que cette condition n'est pas accomplie, le statu quo est maintenu.

(3) Aux termes du b de l'article 57-2 nouveau du décret du 14 octobre 1955, la non présentation de ce justificatif est sanctionnée par le refus du dépôt.