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Art. 1835

INSCRIPTIONS

PUBLICATIONS D'ACTES

Prestation compensatoire prévue en matière de divorce

Attribution d'un bien immobilier ( article 275-2 du code civil - loi du 30 juin 2000 )

Mesures conservatoires

Modalités de publication des actes

Question : La nouvelle prestation compensatoire prévue en matière de divorce par la réforme de la loi du 30 juin 2000 intéresse la publicité foncière en ce qu’elle est susceptible d’être octroyée par le juge sous forme d’attribution d’un bien immobilier au profit de l’un des époux.

En effet, la loi proclame le principe selon lequel " la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge " ( article 274 du code civil ) et le juge peut décider que la prestation compensatoire pourra s'exécuter par l'abandon, en nature, d'un bien immobilier, " en propriété, en usufruit, pour l'usage ou l'habitation, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier " ( art.275-2 du code civil ).

Le problème posé est celui de la combinaison de ces dispositions relatives à la nouvelle prestation compensatoire avec le décret du 4 janvier 1955 organisant la publicité foncière.

Réponse : Ce problème semble devoir être examiné à deux stades bien différenciés:

- lors du lancement de la procédure en fixation de la prestation compensatoire à laquelle sera parfois associée la prise d’une mesure conservatoire;

- lors de l’exécution de la décision judiciaire opérant cession forcée d’un bien immobilier en propriété, en usufruit, pour l’usage ou l’habitation en faveur du créancier.

1 – Le problème posé par les actes de procédure tendant à l’abandon d’un bien immobilier en paiement de la prestation compensatoire.

L’article 28-4° du décret du 4 janvier 1955 prévoit de manière limitative les cas dans lesquels les actes et décisions judiciaires sont obligatoirement publiés au bureau des hypothèques de la situation des immeubles lorsqu'ils portent sur des droits soumis à publicité en vertu du 1° de cet article.

Au cas présent, il s’agit de la mutation de droits réels immobiliers ( art.28.1°.a ) dès lors que la demande en justice, qu’elle soit principale ou reconventionnelle, a bien pour objet selon les termes de l’article 275.2 du code civil, d’obtenir " un jugement opérant cession forcée " en faveur du demandeur, d’un droit réel immobilier.

Or, l’article 28.4, qui énumère les actes ou décisions judiciaires soumis à publicité en vertu du 1°, ne vise au c) que " les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’une convention ou d’une disposition pour cause de mort ".

On voit que si le législateur a entendu que les tiers soient prévenus dès que la validité d’un droit est contestée, il n’en va pas de même de la prétention d’acquérir un droit.

A l’évidence l’intention du législateur n’est pas d’imposer la publication des actes ou demandes en justice tendant à obtenir un droit réel immobilier. On observera, d'ailleurs, que le demandeur, dans cette hypothèse, n’est pas un tiers au regard de la publicité foncière, puisqu’il ne détient au moment de sa requête aucun droit concurrent sur le même bien ( Cf. art.30 du décret du 4 janvier 1955 ).

L’examen des autres dispositions du décret du 4 janvier 1955 touchant aux actes, décisions judiciaires ou demandes en justice ne va pas davantage dans le sens de la publication obligatoire ni même facultative des demandes entrant dans le cadre de la nouvelle prestation compensatoire.

Ainsi l’article 35 du même décret ne vise au 8° que " les actes ou décisions judiciaires dont la publication est prescrite par des dispositions législatives particulières ". Or la loi du 30 juin 2000 est muette à ce sujet.

S’agissant de la publication pour l’information des usagers ( art.36 ) ou de la publicité facultative ( art.37.2 visant les demandes en justice tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique de certains documents ), aucune de ces dispositions ne concerne les demandes en justice en vue d’acquérir un droit nouveau.

Les textes régissant la publicité foncière étant d’interprétation stricte, la question se pose de savoir sur quel fondement les actes de procédure dans le cadre de la fixation de la prestation compensatoire pourraient être publiés.

Néanmoins, compte tenu de l'article 2199 du code civil et de l'incidence d'un texte prévoyant le refus ou le rejet en cette matière, il ne peut qu'être conseillé à nos collègues de ne pas s'opposer à la publication des demandes de l'espèce.

On observera à cet égard que l’article 30 du décret du 4 janvier.1955, qui traite de la sanction de l’inopposabilité aux tiers des actes et décisions judiciaires non publiés, et de la sanction particulière de la non recevabilité attachée à la non publication des demandes en justice, ne vise au 5° que les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision de droits résultant d’actes soumis à publicité.

2 – Les mesures conservatoires.

La mise en œuvre des mesures conservatoires répond au souci de se garantir contre la disparition précipitée du patrimoine de l’époux qui sera débiteur de la prestation compensatoire, de biens immobiliers susceptibles d’être abandonnés en nature, en propriété, en usufruit ou pour l’usage ou l’habitation de l’époux créancier.

Ce risque ne paraît réel que dans l’hypothèse où les immeubles convoités sont des biens propres à l’époux débiteur. En effet, s’ils sont communs, ce dernier ne peut accomplir seul aucun acte de disposition.

Bien sûr, lorsque les conditions sont réunies, il est toujours possible d’avoir recours aux sûretés judiciaires organisées par la loi du 9 juillet 1991 et le décret du 31 juillet 1992.

La question se pose cependant de la possibilité de mettre en œuvre une autre garantie plus pratique, puisqu’elle ne nécessite aucune autorisation du juge : l’hypothèque légale des époux.

Cette hypothèque est prévue par le code civil qui, traitant des hypothèques, dans sa section 1 " Des hypothèques légales " dispose à l’article 2121 :

" Indépendamment des hypothèques légales résultant d’autres codes ou lois particulières, les droits de créance auxquels l’hypothèque légale est attribuée sont :

1° Ceux d’un époux sur les biens de l’autre; 

On peut penser, dès lors que la mesure interviendra à un moment où le régime matrimonial n’est pas encore liquidé, que la créance relative à la prestation compensatoire dans la nouvelle rédaction issue de la loi du 30 juin 2000 est susceptible de faire l’objet de cette hypothèque légale.

Le mécanisme de l'article 2137, à quelques particularités près, est identique à celui des sûretés judiciaires de la loi de 1991 et s'inscrit nécessairement dans un cadre judiciaire.

3 – La publication du jugement opérant cession forcée.

S’agissant d’un jugement translatif de droits réels immobiliers qui constitue le titre de l’époux bénéficiaire, il est obligatoirement publié à la conservation des hypothèques de la situation de l’immeuble, en application de l’article 28.1 du décret du 4 janvier 1955.

Conformément à l'article 33.B du décret du 4 janvier 1955 le délai d'accomplissement de la formalité est fixé à trois mois du jour où la décision opérant la cession forcée est devenue définitive.