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Année 2002

Art. 1849

RADIATIONS

Inscription d’hypothèque judiciaire au profit de sociétés faisant l’objet d’un plan de redressement ou d'une liquidation judiciaire
Mainlevée sans paiement demandée conjointement par le commissaire à l’exécution du plan et par le liquidateur, sans autorisation du juge-commissaire
Refus justifié

 

Question : Un de nos collègues a notifié le refus d'un acte de mainlevée partielle de deux inscriptions judiciaires provisoires prises par plusieurs sociétés qui, depuis, ont été mises les unes en redressement judiciaire et les autres en liquidation.

Devant le notaire, ont comparu en tant que représentants des sociétés titulaires de ces inscriptions, le commissaire à l'exécution du plan de redressement et le liquidateur judiciaire.

Or, quoiqu'il s'agisse de mainlevées sans paiement, il n'a pas, dans l'acte, été démontré, en se fondant, soit sur des dispositions législatives ou réglementaires, soit sur une décision juridictionnelle d'habilitation passée en force de chose jugée, que les mandataires ayant consenti aux radiations avaient les pouvoirs nécessaires.

Motivé par le silence ainsi gardé, le refus opposé doit-il être regardé comme fondé ?

 

Réponse : Réponse affirmative.

En effet, ainsi que la Cour de cassation l'a rappelé dans son arrêt du 16 juillet 1975 ( Bull. AMC, art 1033 ) " si la mainlevée consentie après le paiement de la dette suppose la capacité de recevoir paiement, en revanche, la mainlevée sans paiement exige la capacité de disposer d'un droit réel immobilier".

La preuve de cette capacité doit ressortir des énonciations de la mainlevée, appuyées et complétées, s'il y a lieu, par la production de pièces justificatives.

Si cette preuve n'est pas apportée, le conservateur responsable de la régularité de la radiation et dont le pouvoir de contrôle s'étend à la validité au fond, ne peut que refuser de prêter le concours qui lui est demandé.

Nota : Lorsque le tribunal a arrêté un plan de redressement ( Code de commerce art. L 621-62 ), il nomme un commissaire chargé de veiller à l’exécution du plan; celui-ci poursuit les actions introduites soit par l’administrateur, soit par le représentant des créanciers avant le jugement qui arrête le plan; il peut se faire communiquer tous les documents et informations utiles à sa mission ( c. com. art. L 621-68 ). C’est sur son rapport qu’une modification substantielle dans les objectifs et les moyens du plan peut être décidée éventuellement par le tribunal à la demande du chef d’entreprise ( c. com. art. L 621-69 ). Il peut saisir le tribunal en vue de la résolution du plan et de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire si le débiteur n’exécute pas ses engagements dans les délais fixés ( c. com. art. L 621-82 ).

Lorsqu’il y a eu cession de l’entreprise, le cessionnaire peut, sur le rapport du commissaire à l’exécution du plan, être autorisé à céder ou à donner en location certains éléments corporels, même si le prix d’achat n’a pas été intégralement payé. Il peut demander au tribunal la résolution du plan faute par le cessionnaire de rendre compte annuellement de l’application des dispositions prévues par le plan de cession ( c. com. art. L 621-91 ).

 

 

A défaut de paiement du prix, le commissaire à l’exécution du plan peut requérir du tribunal la nomination d’un administrateur ad hoc ( c. com. art. L 621-93 ).

Après clôture des opérations, il répartit le prix de cession entre les créanciers suivant leur rang. Il exerce l’action en nullité des actes accomplis irrégulièrement par le débiteur ( c. com. art. L 621-10 ).

Aucune de ces dispositions ne confère un pouvoir de disposition d’un droit réel immobilier; le commissaire à l’exécution du plan ne dispose donc que de pouvoirs d’administration; il surveille le déroulement des opérations prévues au plan, informe et assiste le juge commissaire pour lui permettre de prendre des décisions en toute connaissance de cause.

De son coté le liquidateur est nommé par le tribunal qui prononce la liquidation ( c. com. art. L 622-5 ); il informe le juge commissaire tous les trois mois ( c. com. art. L 622-7 et L 622-11 ) et, le débiteur étant dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens, les droits et actions correspondants sont exercés par le liquidateur ( c. com. art. L 622-9 ). Ce dernier répartit le produit des ventes et règle l’ordre entre les créanciers ( c. com. art. L 622-16 ). Il peut, avec l’autorisation du juge commissaire, compromettre et transiger sur toutes les contestations qui intéressent collectivement les créanciers, même sur celles qui sont relatives à des droits et actions immobiliers ( c. com. art. L 622-20 ). Il a aussi la possibilité, avec l’autorisation du juge commissaire et en payant la dette, de retirer les biens constitués en gage ou la chose retenue ( c.comm. art. L 622-20 ). A défaut de retrait, il doit, dans les six mois du jugement de liquidation judiciaire, demander au juge l’autorisation de procéder à la réalisation ( c. com. art. L 622-211 ).

Il résulte incontestablement des textes précités que ni le commissaire à l’exécution du plan ni le liquidateur, tous deux sans qualité pour disposer d’un droit immobilier, n’ont la capacité de requérir la mainlevée sans paiement d’une inscription. Ils doivent incontestablement pour ce faire, avoir obtenu l’autorisation du juge commissaire.