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Art. 1878

INSCRIPTIONS

PUBLICITE FONCIERE

Effet relatif

Hypothèque inscrite contre un seul époux sur un immeuble commun

Nécessité de distinguer selon la nature de l’inscription requise

Sûretés et hypothèques judiciaires, hypothèques légales: absence de cause de rejet

Hypothèques conventionnelles: rejet

  

Question : Le conservateur requis d’inscrire une hypothèque contre un seul époux alors même qu’au fichier immobilier il apparaît que l’immeuble grevé a été acquis par les deux époux en tant qu’acquêt de communauté doit-il dans tous les cas notifier une cause de rejet pour discordance du bordereau déposé et des documents publiés depuis le 1er janvier 1956 tels qu’ils sont répertoriés au fichier immobilier, conformément à l’article 34 du décret du 14 octobre 1955 ?

Réponse : Réponse négative

Lorsque dans le cadre de son contrôle par rapprochement des énonciations du fichier immobilier, le conservateur constate que l’immeuble grevé est un immeuble de communauté et que le bordereau déposé ne désigne qu’un seul des époux en qualité de propriétaire de cet immeuble, cette discordance appelle des réponses différentes – au strict plan de la publicité foncière – selon la nature de la sûreté dont l’inscription est requise.

A titre liminaire, il convient de rappeler que le conservateur n’étant pas, selon une doctrine et une jurisprudence constantes, juge du fond du droit, c’est en dehors de toute appréciation de la validité de l’inscription requise que les solutions données ci-après font une application combinée des règles du droit civil et des principes du droit de la publicité foncière.

1°/ S’agissant des règles posées par le code civil, deux dispositions, relatives l’une au droit de poursuite des créanciers sur les biens communs (art.1413), l’autre au domaine de la cogestion de ces mêmes biens (art.1424) sont à prendre en considération .

Aux termes de l’article 1413 du code civil le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs et aux termes de l’article 1424 les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, aliéner ou grever de droits réels les immeubles dépendant de la communauté. Pour l’application de ces textes la jurisprudence distingue selon que les opérations exigent ou n’exigent pas le consentement du conjoint. C’est ainsi que l’article 1424 susvisé ne peut s’appliquer qu’aux aliénations et constitutions de droits réels volontaires. Il ne s’applique donc pas aux opérations diligentées par des tiers (les créanciers) et qui, n’impliquant pas une volonté libre d’aliéner, ne requièrent pas le consentement du conjoint, telle une inscription d’hypothèque judiciaire par un créancier.

2°/ S’agissant de la mise en œuvre de ces règles et de celles concernant le contrôle de forme du conservateur prescrit par l’article 34 du décret du 14 octobre 1955, deux situations doivent être distinguées:

La première situation recouvre les cas dans lesquels, en application de l’article 1413 susvisé, le consentement des deux époux n’est pas requis nonobstant la qualité de bien commun de l’immeuble grevé:

  • Sûretés judiciaires de la loi du 9 juillet 1991 (hypothèques judiciaires provisoires et définitives);
  • Hypothèques judiciaires de l’article 2123 du code civil (résultant des jugements et décisions assimilées);
  • Hypothèques légales .

Dans tous ces cas, aucune cause de rejet ne peut être opposée dés lors que l’inscription requise sur l’initiative d’un tiers est conforme à la combinaison de l’article 1413 et de la législation particulière relative à la publicité foncière. En effet, d’une part l’époux désigné au bordereau est bien titulaire d’un droit sur l’immeuble grevé au fichier immobilier, d’autre part sa désignation seule est suffisante pour inscrire sur la totalité du bien commun.

En pratique, afin d’éviter toute ambiguïté, il est souhaitable que le déposant précise sur le bordereau avec les énonciations relatives au " titre du créancier " que l’inscription est requise en application de l’article 1413 du code civil.

La seconde situation concerne les cas dans lesquels, en application de l’article 1424 du code civil, le consentement des deux époux est indispensable et où l’immeuble figure au fichier immobilier au nom de chacun d’eux. Cette hypothèse vise les sûretés consenties par les époux eux-mêmes sur le bien commun (hypothèques conventionnelles) et la désignation d’un seul au bordereau en qualité de propriétaire grevé constitue cette fois une cause de rejet. En effet, il apparaît une discordance entre les énonciations du bordereau et celles du fichier, laquelle ne peut être que sanctionnée en vertu de l’article 34-3° du décret du 4 janvier 1955. Les règles de la publicité foncière consacrant le principe de l’effet relatif sont dans ce cas confortées par celles du droit civil déterminant le fonctionnement des régimes matrimoniaux.