Art : 1941
PUBLICATION D'ACTES
Applicabilité du code de l'expropriation aux cessions effectuées
dans le cadre du droit de délaissement.
Incidence sur les commandements valant saisie antérieurement publiés.
QUESTION : Une société qui a acquis un immeuble
par voie d'adjudication sur saisie en 2006, a exercé sur cet immeuble
son droit de délaissement au profit de la Ville de Paris sur le
fondement des articles L.123-17 et L230-1 à L230-5 du code de l'urbanisme.
A défaut d'accord sur le prix, le maire de Paris a saisi le juge
de l'expropriation aux fins de fixer la valeur de l'immeuble. Par jugement
du 15 décembre 2008 devenu définitif pris en application
de l'art L230-3 du code précité, le juge de l'expropriation
a ordonné le transfert de propriété de l'immeuble
et constaté l'accord des parties quant au prix.
Se fondant sur les dispositions du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique (art L12-2) et l'instruction publiée
au BOI 10 D-1-87 qui en expose les modalités d'application, l'avocat
de la Ville de Paris demande au conservateur de constater au fichier immobilier
la péremption des inscriptions existant sur l'immeuble cédé
et celle d'un commandement de saisie émargé en 2006 du jugement
d'adjudication formant le titre de propriété de la société
cédante.
Saisi de cette requête, le conservateur a demandé :
1 - Si les dispositions du code de l'expropriation dont il est fait état
trouvent à s'appliquer en matière de délaissement
2 - et dans l'affirmative, si elles concernent aussi le commandement valant
saisie
REPONSE :
(1) Concernant l'applicabilité des dispositions de l'art L12-2
du code de l'expropriation à la situation évoquée.
Aux termes de l'article L.123-17 du code de l'urbanisme, " le propriétaire
d'un terrain bâti ou non bâti réservé par un
plan local d'urbanisme pour un ouvrage public, une voie publique, une
installation d'intérêt général ou un espace
vert peut, dès que ce plan est opposable aux tiers, et même
si une décision de sursis à statuer qui lui a
été opposée est en cours de validité, exiger
de la collectivité ou du service public au bénéfice
duquel le terrain a été réservé, qu'il soit
procédé à son acquisition dans les conditions et
délais mentionnés aux articles L.230-1 et suivants. ".
S'agissant des conditions d'application, l'article L.230-3 dispose :
"A défaut d'accord amiable à l'expiration du délai
d'un an mentionné au premier alinéa, le juge de l'expropriation,
saisi soit par le propriétaire, soit par la collectivité
ou le service public qui a fait l'objet de la mise en demeure, prononce
le transfert de propriété et fixe le prix de l'immeuble.
Ce prix, y compris l'indemnité de remploi, est fixé et payé
comme en matière d'expropriation, sans qu'il soit tenu compte des
dispositions qui ont justifié le droit de délaissement ".
S'agissant du sort des inscriptions grevant le bien faisant l'objet du
délaissement, l'article L.230-5 du même code précise
que " L'acte ou la décision portant transfert de propriété
éteint par lui-même et à sa date tous droits réels
ou personnels existants sur les immeubles cédés même
en l'absence de déclaration d'utilité publique antérieure.
Les droits des créanciers inscrits sont reportés sur le
prix dans les conditions prévues par l'article L12-3 du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique ".
Ainsi, l'acte ou la décision judiciaire emportent les mêmes
effets d'extinction des droits réels ou personnels que l'ordonnance
d'expropriation tels qu'ils sont décrits au 1er alinéa de
l'art L12-2 du code de l'expropriation.
Mais, s'il renvoie au code de l'expropriation (art L12-3) pour les conditions
dans lesquelles se trouvent reportés les droits des créanciers
sur le prix, l'article L230-5 précité est muet sur le sort
des inscriptions éteintes et la constatation de cette extinction
à la conservation des hypothèques. Il ne fait notamment
pas référence au troisième alinéa de l'article
L12-2 du dit code qui dispose " les inscriptions de privilèges
ou d'hypothèques éteints par l'application des dispositions
mentionnées ci-dessus sont périmées à l'expiration
d'un délai de 6 mois à compter du jour de la publication
de l'ordonnance devenue irrévocable, de l'acte de cession amiable
passé après déclaration d'utilité publique
ou de l'ordonnance de donné acte d'une vente antérieure
à la déclaration d'utilité publique. Cette péremption
ne pourra être constatée à la publicité foncière
que sur justification, par tout intéressé, du caractère
irrévocable ou définitif des procédures susvisées
emportant extinction des droits réels ou personnels existant sur
les immeubles expropriés ".
On pourrait donc en conclure que le législateur n'a pas souhaité
étendre au droit de délaissement le dispositif prévu
pour les expropriations s'agissant de la péremption des Inscriptions.
Toutefois, on observera que le quatrième et dernier alinéa
de l'article L12-2 du code de l'expropriation indique que ses dispositions
" sont applicables aux acquisitions réalisées dans
les conditions prévues aux articles L123-9 et L 213-5 du code de
l'urbanisme. ". Or, dans sa version applicable à la date de
rédaction de l'article L12-2 du code de l'expropriation ( la loi
85-729 du 18/07/1985), qui n'a pas été modifié depuis,
l'art L123-9 du code de l'urbanisme concerne le droit de délaissement
pris dans tous ses aspects, dispositions qui, depuis la loi 2008-1208
du 13/12/2000 sont reprises :
- pour le premier alinéa, à l'article L123-17 (les mots
" plans d'occupation des sols " y étant remplacés
par " plans d'urbanisme "),
- pour les modalités pratiques d'application qui figuraient dans
les alinéas 2 à 5, aux articles L230-1 à L230-5.
Au demeurant, l'article L123-9 actuel contient les dispositions relatives
aux conditions d'établissement des plans d'urbanisme dans lesquels
s'inscrit l'exercice du droit de délaissement.
Compte tenu de ceci, il y a lieu de considérer que le dispositif
décrit au troisième alinéa de cet article doit s'appliquer
aux opérations s'inscrivant dans le cadre de l'art L123-17 et L
230-1 du code de l'urbanisme qui reprennent les dispositions de l'ancien
art L123-9.
S'agissant du point de départ du délai de six mois, on retiendra
la date de publication du jugement portant transfert de propriété
devenu irrévocable, ou celle de la publication de l'acte de cession
amiable.
Ainsi, s'agissant de la procédure visée dans la question,
dès lors que le jugement portant transfert de propriété
est devenu définitif, il y aura lieu de déférer à
la demande de l'avocat pour ce qui concerne les inscriptions.
Pour ce qui concerne l'appréciation du caractère définitif
du jugement dont mention doit être faite au fichier immobilier.
Les indications données au BOI 10-D1-87 dont il est fait état
concernent très spécifiquement les expropriations et les
cessions amiables effectuées dans le cadre d'une expropriation,
avant ou après déclaration d'utilité publique.
Aussi y exige-t-on, comme justificatif du caractère définitif
de l'ordonnance d'expropriation, un certificat attestant qu'aucun recours
en cassation n'a été formé contre l'ordonnance ou
une copie de l'arrêt confirmant la validité de celle-ci.
Ceci tient au fait que l'ordonnance d'expropriation, rendue en premier
et dernier ressort, ne peut être attaquée que par voie de
recours en cassation en vertu d'une disposition expresse de l'article
L12-5 du code de l'expropriation.
Tel n'est pas le cas du jugement présenté, qui rendu en
premier ressort est donc contestable par la voie de l'appel dans les conditions
ordinaires. La production du certificat de non appel suffira donc pour
justifier du caractère irrévocable, étant observé
que l'extinction des hypothèques prévue à l'art L230-5
du code de l'urbanisme s'applique même en l'absence de déclaration
d'utilité publique antérieure.
(2) Concernant le commandement valant saisie
L'article L230-5 du code de l'urbanisme vise uniquement les droits réels
et personnels, et la péremption visée à l'art L12-2
troisième alinéa du code de l'expropriation dont l'application
est demandée y est expressément cantonnée aux privilèges
et hypothèques.
La péremption du commandement valant saisie ne pourra donc pas
être constatée au fichier en vertu du jugement présenté,
étant observé au demeurant que cette saisie fut conduite
à son terme, puisqu'émargée du jugement d'adjudication
formant le titre du cédant.
La publication en marge du commandement, de l'adjudication intervenue
dans le délai de 3 ans (1) a en effet assuré la pérennité
de la saisie et maintenu les effets du commandement qui continuera à
être révélé dans les états jusqu'à
l'expiration d'une durée totale de 50 ans (Cf AMC art n°985).
(1) Commandement de saisie publié avant l'entrée en vigueur
(1er janvier 2007) de l'ordonnance du 21 avril 2006 réformant la
saisie immobilière et de son décret d'application du 27
juillet 2006 (modifié par le décret du 23 décembre
2006).
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