Art. 1946
SAISIE
Débiteur ayant sa résidence à l'étranger
Règlement CE n° 1348/2000 du 29 mai 2000
relatif à la signification et à la notification dans les
Etats membres
des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et
commerciale
Ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Nice
du 19 décembre 2008
FAITS :
Le 8 août 2008, a été déposé au 1er
Bureau des Hypothèques de NICE un commandement de payer valant
saisie immobilière à la demande d'une banque, la SA B …
contre M. S…qui réside en Irlande.
Le 14 août 2008, le conservateur a notifié au déposant
un refus de publier l'acte, motivé notamment par le caractère
incomplet du commandement qui ne mentionnait ni sa date, ni le nom et
ni la signature de l'huissier instrumentant.
En application de l'article 26 du Décret du 4 janvier 1955, la
banque créancière, par acte du 22 août 2008, a fait
assigner devant le Président du Tribunal de grande instance de
NICE le conservateur aux fins d'obtenir l'exécution de la formalité
de publication du commandement de saisie immobilière.
Cette instance a donné lieu à une ordonnance date du 19
décembre 2008 déboutant la banque demanderesse par les motifs
et dans le dispositif reproduits ci-après :
" MOTIFS DE LA DÉCISION :
Toutes les parties ayant comparu, il sera statué par ordonnance
contradictoire et en premier ressort en application de l'article 467 du
Code de Procédure Civile.
A l'appui de ses prétentions, la société demanderesse
verse notamment aux débats:
- la notification de refus du 14 août 2008;
- le dossier de publication refusé.
La SA B…sollicite l'exécution de la formalité de publication
du commandement valant saisie immobilière au motif que le refus
de publication lui a été opposé à tort puisque
les règles de forme du commandement ont été respectées.
Elle estime que le commandement de saisie immobilière que l'autorité
étrangère est requise de notifier ne peut comporter ni la
date des diligences à accomplir ni le nom de l'Huissier.
Quelles que soient les modalités de signification, un commandement
de payer valant saisie établi en France par un Officier Ministériel
en vue de saisir un bien immobilier en France appartenant à un
débiteur résidant à l'étranger est soumis
à la loi française, notamment en matière de publicité
foncière.
En application de l'article 4 du Décret du 4 janvier 1955, tout
acte sujet à publicité dans un bureau des hypothèques
doit être dressé en la forme authentique, c'est-a-dire être
rédigé par un officier public qui peut être un Huissier
de justice.
Par ailleurs, aux termes de l'article 648 du Code de Procédure
Civile, tout acte d'Huissier de justice doit comporter sa date et les
nom, prénom, demeure et signature de l'Huissier.
En l'espèce, le document déposé au Premier Bureau
des Hypothèques de NICE par la SA B… ne comporte aucune date et
ne fait pas apparaître le nom de l'Huissier instrumentant ni sa
signature.
Par conséquent, le document présenté au Premier Bureau
des Hypothèques de NICE ne peut être considéré
que comme un projet de commandement et ne peut donc faire l'objet d'une
publication. En effet, un tel document ne présente pas les caractères
d'authenticité exigé par l'article 4 du Décret du
4 janvier 1955 pour être sujet à publicité.
Dès lors, il convient de débouter la SA B… de sa demande
tendant à voir ordonner l'exécution de la formalité
de publication.
De plus, l'équité et les circonstances de l'espèce
commandent d'appliquer les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure
Civile et de condamner la SA B…au paiement d'une somme de 700 euros.
Enfin, en application de l'article 696 du Code de Procédure Civile,
les entiers dépens doivent être mis à la charge de
la SA B…
PAR CES MOTIFS :
Nous, …... Première Vice-présidente du Tribunal de Grande
Instance de NICE, statuant publiquement par ordonnance réputée
contradictoire et en premier ressort, après en avoir délibéré
conformément à la loi;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir comme il appartiendra,
mais d'ores, et déjà :
Déboutons la SA B…..de sa demande tendant à voir ordonner
l'exécution de la formalité de publication;
Condamnons la SA B…..au paiement d'une somme de 700 euros en application
de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
Condamnons la SA B…..au paiement des entiers dépens de référés."
OBSERVATIONS :
Dans cette affaire, l'acte dont on requérait la publication était
un acte dressé par un huissier de justice français dans
le cadre de la procédure de notification prévue par le Règlement
CE n°1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification
et à la notification dans les États membres des actes judiciaires
et extrajudiciaires en matière civile et commerciale et par les
articles 683 à 688 du nouveau code de procédure civile (CPC).
Cette procédure était diligentée à l'encontre
d'un débiteur ayant sa résidence en Irlande, pays faisant
partie de l'Union Européenne.
Le dossier déposé aux fins de publication comportait :
- rédigée sur la formule n°3265 prévue par l'article
67-3 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 portant réforme
de la publicité foncière, la copie d'un acte intitulé
"ACTE D'ACCOMPLISSEMENT DES FORMALITES", dans lequel l'officier
ministériel attestait avoir accompli les formalités prévues
par le Règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil de l'Union européenne
(1).
- un "projet" de commandement de payer valant saisie immobilière
ne comportant ni date, ni indication du nom de l'huissier, ni signature.
- la demande de signification ou de notification d'actes prévue
par le paragraphe 3 de l'article 4 (2) du Règlement (CE) précité.
Par le fait même de la présentation que le déposant
en a faite en l'intitulant "ACTE D'ACCOMPLISSEMENT DES FORMALITES"
et en le rédigeant sur la formule n°3265 pour l'application
du décret du 4 janvier 1955, c'est la publication de ce document
qui a été requise. Or, c'est un acte de pure procédure,
totalement étranger au champ de la publicité foncière.
Il ne pouvait dès lors être publié au fichier immobilier
et le refus de dépôt aurait pu lui être opposé
pour ce motif par le conservateur.
La circonstance qu'à cet "ACTE D'ACCOMPLISSEMENT DES FORMALITES"
était joint un document intitulé '' COMMANDEMENT DE PAYER
VALANT SAISIE", incomplet au demeurant, n'était pas susceptible
lui conférer cette nature immobilière indispensable à
la publication d'un acte. En effet, la mention " DONT ACTE ET SOUS
TOUTES RESERVES" insérée au pied de la première
page du document déposé montrait bien, s'il en était
besoin, que c'est seulement l' "ACTE D'ACCOMPLISSEMENT DES FORMALITES"
que l'huissier avait formalisé et non pas le commandement de payer
joint qui constituait un simple projet que, vraisemblablement, l'officier
ministériel souhaitait compléter à réception
du formulaire de l'entité irlandaise ayant procédé
à la signification ou peut-être voir compléter par
cette entité.
Il y a lieu de signaler à cet égard que si le conservateur
avait accepté de publier ce dont il était requis, c'est
uniquement l'ACTE D'ACCOMPLISSEMENT DES FORMALITES qui aurait été
incorporé au fichier immobilier et non pas le commandement de payer
valant saisie immobilière. Mais, Une telle publication n'aurait
certainement pas répondu à l'attente du requérant
qui entendait respecter les dispositions de l'article 18 du décret
n° 2006-936 du 27 juillet 2006 relatif aux procédures de saisie
immobilière, disposant que le commandement de payer valant saisie
doit être publié dans un délai de deux mois à
compter de sa signification.
Cela étant, le Président du tribunal de grande instance
de Nice a considéré, pour motiver sa décision, que
la réquisition de publication visait non pas " L'ACTE D'ACCOMPLISSEMENT
DES FORMALITES " déposé, mais le commandement de payer
valant saisie, (qualifié pourtant, par le requérant lui-même,
de "projet").
C'est après avoir constaté le caractère incomplet
de ce document sur lequel ne figuraient ni sa date ni les nom et adresse
de l'huissier ayant instrumenté ni même sa signature, qu'il
a finalement jugé que l'acte présenté constituait
un simple projet de commandement qui, ne présentant pas le caractère
d'authenticité exigé par l'article 4 du décret du
4 janvier 1955 ne pouvait être sujet à publication.
Cette jurisprudence confirme la doctrine exprimée par l'AMC dans
l'article 1917 du Bulletin.
Il est signalé à cet égard que le commandement de
payer valant saisie immobilière aurait pu être publié
sans difficulté s'il avait mentionné, outre le nom et la
signature de l'huissier, la date de signification par l'autorité
de l'Etat étranger ou celle de son expédition à l'entité
chargée de la notification à l'étranger. S'agissant
en effet de la date, il est rappelé que l'article 647-1 CPC issu
de l'article 62 du décret n°2005-1678 du 28 décembre
2005, dispose, en conformité avec l'article 9-2 du Règlement
: " La date de notification d'un acte judiciaire ou extrajudiciaire…à
l'étranger est, à l'égard de celui qui y procède,
la date d'expédition de l'acte par l'huissier de justice ou le
greffe…" En toute hypothèse, dès l'instant où
l'acte présenté revêt le caractère d'authenticité
indispensable, le conservateur n'est pas juge de sa validité ni
de son efficacité.
(1) La procédure de signification et de notification à l'étranger
des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et
commerciale est commentée dans l'article
1917 du Bulletin.
(2) Art. 4 § 3 du Règlement: " L'acte à transmettre
est accompagné d'une demande établie au moyen du formulaire
type figurant en annexe… "
Annoter bulletin AMC art 1917.
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