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Art : 1948

INSCRIPTIONS

Hypothèque judiciaire de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution
Possibilité de publier une inscription définitive en vertu d'un jugement validant une créance garantie par une inscription judiciaire provisoire et répartissant celle-ci entre le créancier initial, et un nouveau créancier venant partiellement à ses droits en vertu de quittances subrogatives n'ayant pas été mentionnées en marge, mais dont la réalité est reconnue dans le jugement (oui).

QUESTION :
Le 5/10/2009, en vertu d'une ordonnance sur requête, une hypothèque judiciaire provisoire a été prise pour une sûreté de 118 000 euros à l'encontre de deux débiteurs solidaires, M. B et Mlle V, au profit de la BANQUE P.
Par un jugement en date du 5/11/2010, le tribunal de grande instance a condamné ces deux débiteurs à verser :
- d'une part, une somme de 10 360   à la BANQUE P ;
- d'autre part une somme de 100 554   à une société " S ", intervenante à l'instance en tant que subrogée dans les droits de la banque en vertu d'un paiement effectué à celle-ci en sa qualité de caution solidaire des débiteurs.

Souhaitant, en vertu de ce jugement, déposer une hypothèque judiciaire définitive se substituant à l'inscription provisoire du 5/10/2009, l'avocat de ces deux créanciers a demandé au conservateur s'il était possible de l'inscrire à la fois au profit de la banque " P ", créancière identifiée lors de l'inscription provisoire, et au profit de la société " S " ayant acquis sa créance postérieurement, par paiement partiel de la dette des débiteurs, étant observé que la subrogation n'a pas été mentionnée en marge de la provisoire.

REPONSE: Réponse affirmative
En vertu de l'article 67 de la loi n° 91-650 du 9/07/1991 " Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur… ".
Lorsque tout ou partie de la créance garantie est transmise à un autre créancier, avec subrogation, (art 1250 du code civil), et notamment, lorsqu'une quittance subrogative a été établie, le subrogé bénéficie des sûretés attachées à la créance transportée.
Or, le jugement présenté a pris expressément acte de l'existence de quittances subrogatives au profit de la société " S " et reçu, à ce titre, l'intervention de cette dernière à l'audience.
En l'espèce, c'est dans le cadre tracé par l'article 70 de la loi susvisée disposant qu' " à peine de caducité de la mesure conservatoire, le créancier doit, dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, engager ou poursuivre une procédure permettant d'obtenir un titre exécutoire s'il n'en possède pas ", que la banque " P " et la société " S " subrogée dans ses droits ont saisi le tribunal.
Le jugement rendu fait droit à cette demande en reconnaissant la validité de la créance initiale et en prenant acte de sa transmission partielle par subrogation, disant :
- que la BANQUE P reconnaît qu'il ne lui reste dû au jour du jugement que la somme de 10 360,45 euros,
- que la preuve de la subrogation de la société S dans les droits de la BANQUE " P " a été rapportée.

En l'occurrence la banque " P ", créancière originaire et partie à l'instance a acquiescé au jugement et donc au constat de la subrogation de telle sorte qu'elle lui est opposable sans ambiguïté.
S'agissant de l'absence de mention de la subrogation en marge de l'inscription provisoire : il est maintenant admis que la publication par voie de mention en marge des opérations visées par l'article 2430 du code civil comme n'ayant pas pour effet d'aggraver la situation du débiteur et notamment des subrogations, n'a aucun caractère obligatoire et ne constitue pas une condition d'opposabilité aux tiers (Cass. Civ. 3ème 20/12/1989, Defrénois, 1990 art 34761-25). Il est ainsi considéré que l'accomplissement de la formalité n'a, à cet égard, qu'un rôle d'information des tiers, son intérêt n'étant prégnant que pour le bénéficiaire de la transmission (cf Guide de la PF Lafond édition 2010 n°4899).

Il avait par ailleurs été antérieurement jugé (Cass 15/02/1972, DP-1972-433), à une période où la doctrine faisait encore de la mention en marge une condition de l'opposabilité aux tiers, que la publication par le créancier subrogé dans une hypothèque régulièrement publiée, d'un commandement valant saisie, était équivalente à la formalité de mention en marge pour rendre les droits dudit créancier opposables. L'AMC (art 919) en avait alors tiré la conclusion que " la publication d'une subrogation ne devait pas nécessairement revêtir la forme d'une mention en marge et qu'il pouvait y être suppléé par toute formalité équivalente ".

Enfin, et dans cette logique, on observera que l'opportunité de faire état d'un changement de créancier non publié précédemment par voie de mention en marge dans un bordereau d'inscription a été expressément prévue par l'article 61-2. a) du décret du 14/10/1955, pour les renouvellements d'inscription.
Ainsi, dans la mesure où l'article 261 du décret 92-755 du31/07/1992 indique que la publicité définitive est opérée " conformément à l'article 2428 du Code civil " en appliquant le droit commun des inscriptions, ce jugement qui constate la subrogation constitue un titre permettant, d'inscrire l'inscription définitive à la fois, au profit du créancier initial bénéficiaire de l'inscription provisoire et au profit de la Société " S " subrogée, en proportion de leurs droits respectifs dans la créance initiale.
Rien ne s'oppose donc à ce qu'une demande d'inscription définitive soit déposée par ces deux créanciers en confirmation de l'inscription provisoire, à hauteur des montants fixés par le tribunal pour leur créance respective et dans la limite des sommes conservées initialement.

Annoter Bulletin AMC art. 919