Art
: 1952
SAISIES
Commandement valant saisie pris sur la pleine propriété
d'un bien à l'encontre du seul débiteur, dans le cadre d'une
action paulienne, alors que le bien a été donné à
un tiers - Rejet (oui)
Possibilité d'accepter la publication d'un commandement valant
saisie, pris en conséquence d'un jugement d'action paulienne ayant
fait l'objet d'un rejet, dès lors notamment qu'il fait aussi référence
à une inscription hypothécaire permettant l'exercice du
droit de suite
( oui, si les conditions prévues au décret du 27/07/2006
sont remplies)
QUESTION :
Un créancier titulaire d'une inscription hypothécaire non
périmée ni radiée, a par ailleurs obtenu à
son profit un jugement d'action paulienne prononçant l'inopposabilité
de la donation en nue-propriété de l'immeuble concerné,
consentie par son débiteur à ses enfants.
Présenté à la conservation des hypothèques
pour y être publié, le jugement a fait l'objet d'une notification
de cause de rejet.
Quelques jours après, un commandement valant saisie établi
à l'encontre du débiteur et portant sur la pleine propriété
du bien a été déposé en faisant référence,
à la fois, au jugement prononçant l'inopposabilité
de la donation et à l'inscription hypothécaire garantissant
la créance.
Ce commandement peut-il être publié par exception à
la jurisprudence de l'arrêt HEDREUL, par assimilation à ce
qui est admis pour les inscriptions (Bulletin AMC article 1877),
nonobstant le fait que le jugement d'action paulienne se trouve en rejet.
REPONSE :
Sur le principe de la publication d'un commandement valant saisie en conséquence
d'une action paulienne
L'action paulienne résultant de l'article 1167 du code civil permet
à un créancier de se voir rendre inopposable un acte fait
par un débiteur en fraude de ses droits et notamment une aliénation,
lui faisant courir le risque de voir son gage diminué.
(Il a été jugé que ce n'était pas le cas lorsque
le créancier, bénéficiant d'une garantie hypothécaire
sur le bien était en mesure, nonobstant l'aliénation, de
faire jouer sa garantie sur le bien entre les mains du tiers détenteur,
en vertu du droit de suite). cf à cet égard Cour d'appel
de Paris 15ème chambre sect B du 26/08/2008).
Mais l'inopposabilité de la fraude paulienne n'ayant pas pour effet
de réintégrer les biens ou valeurs litigieux dans le patrimoine
du débiteur, le créancier ne peut agir qu'auprès
du tiers détenteur entre les mains duquel il peut les saisir (cf
Cass.civ. 1ère du 30/05/2006 02-13495).
Il ressort clairement de cette jurisprudence que les procédures
de saisie doivent être conduites contre le tiers détenteur
du bien et non contre le débiteur seul.
Sur un plan pratique, il faut considérer que les règles
prévues aux articles 16 et 17 du décret 2006-936 du 27/07/2006
pour les saisies s'inscrivant dans l'exercice du droit de suite d'un créancier
hypothécaire trouvent à s'appliquer " mutatis mutandis
" aux saisies pratiquées dans le cadre d'une action paulienne.
Il en résulte que la procédure doit se poursuivre contre
le tiers détenteur du bien, (art 16), seul destinataire du commandement
de payer valant saisie prévu à l'article 13 (art 17-2ème
alinéa).
La signification qui devra cependant être faite simultanément
au débiteur consistera seulement en un commandement de payer (simple)
mentionnant la signification du commandement valant saisie au tiers détenteur
(art 17-1er alinéa).
Au cas particulier, le commandement valant saisie présenté,
qui a été fait au seul débiteur sur la pleine propriété
du bien aurait donc dû faire l'objet d'un rejet, motivé :
- d'une part, au titre de l'effet relatif, en tant excédant l'usufruit
dont il a conservé la propriété (jurisprudence HEDREUL)
- et, d'autre part, parce qu'il ne comporte pas la mention de la signification
du commandement de payer valant saisie faite au tiers détenteur,
pièce de procédure permettant seule la saisie de la nue
propriété entre ses mains.
Concernant la possibilité de publier le commandement valant saisie
alors que le jugement d'action paulienne a fait l'objet d'un rejet.
Le commandement valant saisie déposé s'inscrit certes en
conséquence du jugement d'action paulienne, mais aussi dans le
cadre du droit de suite du créancier titulaire d'une inscription
non périmée ni radiée, qui peut s'en prévaloir
au cas particulier.
Mais en tout état de cause, le conservateur n'a pas à vérifier
le titre en vertu duquel l'acte de poursuite qu'on lui demande de publier
est établi.
Ainsi, qu'il s'inscrive ou non dans le cadre du droit de suite, le conservateur
aurait pu accepter le commandement nonobstant la mise en rejet du jugement
d'action paulienne, s'il avait été établi à
l'encontre du tiers détenteur de l'immeuble conformément
aux prescriptions précitées du décret du 27/07/2006,
ce qui n'était pas le cas.
Annoter Bulletin AMC art. 1877, 1881,
1937.
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