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Art : 1953

SAISIES

Commandement valant saisie portant sur la totalité d'un ensemble immobilier
Possibilité d'identifier l'immeuble, comme il l'était dans l'inscription hypothécaire justifiant la poursuite, c'est-à-dire par les seules références cadastrales de la parcelle d'assise d'une copropriété, nonobstant la publication d'un EDD intervenue depuis l'inscription (non)


QUESTION :
Une société a acquis en 2008 cinq parcelles afin d'y édifier un immeuble. La même année, elle a contracté un prêt garanti par une hypothèque conven-tionnelle portant sur ces parcelles.
Le 26/03/2009, un règlement de copropriété a été établi pour l'immeuble construit sur ces terrains, et un EDD déposé.
Les 26/03 et 07/04, quatre des lots créés par l'EDD (appartements et parkings) ont été vendus.
En 2010, l'inscription a été renouvelée, le bordereau de renouvellement rappelant au cadre " immeubles " les seules références cadastrales des parcelles, telles qu'elles étaient désignées dans le bordereau de l'inscription initiale.
Le 15/06/2011, un commandement valant saisie établi à l'encontre de la société débitrice a été déposé. Il porte comme désignation de l'immeuble les seules références cadastrales des parcelles d'assise.
Le conservateur demande si ce commandement peut être accepté, nonobstant la publication d'un EDD emportant changement de désignation de l'immeuble au fichier immobilier, dès lors :
- qu'il est établi en suite de l'inscription prise en 2008 dont le bordereau de renouvellement a été accepté sans qu'il fasse état des modifications opérées par le dit EDD.
- qu'il porte sur la totalité de l'immeuble donné initialement en gage.
Il évoque à cet égard la position prise par l'AMC (Bulletin article. 1664 et 1689) pour les inscriptions d'hypothèques judiciaires définitives.

REPONSE :
1 - Concernant la portée du renouvellement opéré et les conséquences à tirer du fait que la désignation des immeubles y figurant n'ait pas pris en compte l'EDD publié.
L'article 61-3 du décret du 14/10/1955 réserve la désignation de l'immeuble grevé dans un bordereau de renouvellement déposé au seul cas où le gage se trouve réduit à cette occasion.
Dans la mesure où le créancier n'avait aucune intention de réduire son gage lors du renouvellement de l'inscription, le rappel de la désignation des immeubles dans le bordereau, telle qu'elle figurait dans l'inscription originaire, n'a emporté aucune conséquence.
Le gage demeurant inchangé, le conservateur aurait certes pu relever le caractère superfétatoire de cette mention, mais il ne pouvait en aucun cas exiger une désignation des immeubles prenant en compte l'EDD déposé avant le renouvellement.
Cela étant, une inscription prise sur une parcelle d'assise grève les constructions qui y ont été édifiées et qui, s'y incorporant (art. 552 et suivants du code civil), forment un tout. L'hypothèque conventionnelle renouvelée dans les conditions décrites grève donc la totalité de l'immeuble, en ce compris les constructions édifiées sur le terrain, l'ensemble étant maintenant désigné au fichier immobilier sous les références indiquées dans l'EDD publié en 2009.
2 - Concernant la possibilité de publier un commandement valant saisie en indiquant uniquement la désignation de la parcelle d'assise de la copropriété.

Si, dans la logique prévalant pour les renouvellements, l'AMC (Bulletin art. 1664 et 1689) a effectivement considéré que les hypothèques judiciaires définitives pouvaient être requises en reprenant la désignation portée dans les bordereaux d'hypothèques judiciaires provisoires, nonobstant les changements intervenus dans l'intervalle dans la désignation des immeubles, c'est uniquement parce que, " prenant rétroactivement rang à la date de la provisoire, l'immeuble grevé pouvait être valablement désigné a l'aide des seuls éléments qui à l'époque suffisaient à le caractériser ".
Cette rétroactivité ne peut être invoquée pour un commandement valant saisie, puisque celui-ci prend rang à la date de sa publication. La désignation des immeubles sur lesquels il porte doit donc correspondre à celle figurant au fichier immobilier à cette date et l'acte doit faire référence à l'EDD publié.
3 - Concernant la possibilité de procéder à la saisie de l'ensemble immobilier, dont partie a été cédée à des tiers, au moyen d'un commandement visant uniquement la société débitrice et signifié à elle seule.
Il résulte des dispositions de l'art 16 du décret 2006-936 du 27/07/2006 que " la saisie immobilière diligentée par les créanciers titulaires d'un droit de suite est poursuivie contre le tiers détenteur du bien " et que l'acte de signification au débiteur principal " doit comporter la mention que le commandement de payer valant saisie a été délivré au tiers détenteur " (art 16).
Ainsi, pour procéder à la saisie de la totalité de l'ensemble immobilier sur lequel il possède une garantie hypothécaire, le créancier aurait dû à la fois :

1) Pour les lots restant la propriété de la société débitrice :
- faire signifier à celle-ci le commandement valant saisie établi conformément aux prescriptions de l'article 13 du décret précité.
2) Pour les lots vendus :
a) Faire délivrer au débiteur, conformément au 1er alinéa de l'article 17 " un commandement de payer simple comportant la mention que le commandement de payer valant saisie prévu au second alinéa est délivré au tiers détenteur ".
b) Faire simultanément signifier à chaque tiers détenteur, comme indiqué dans ce second alinéa, le commandement valant saisie prévu à l'article 13, comportant les mentions prévues à l'article 15.
Dès lors que ces actes se référaient à des fractions de l'immeuble hypothéqué sur lequel la saisie est poursuivie, celles-ci devaient être nécessairement identifiées en tant que telles (art. 7 du décret du 04/01/1955), par leurs références données dans l'EDD publié au fichier immobilier.
En conclusion, le commandement devait être rejeté :
- au titre de l'art 34-3b du décret du 04/01/1955, pour défaut de concordance avec le fichier immobilier, dans la désignation des immeubles ;
- et à au visa de l'article 34-3 du décret du 14/10/1955, en application de la jurisprudence de l'arrêt HEDREUL, à raison de la non signification faite au tiers détenteur de l'immeuble à l'encontre duquel la saisie devait être poursuivie.

Annoter Bulletin AMC art. 1664, 1689, 1877 et 1937.