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Art : 1954


SAISIES

La saisie pénale des immeubles
introduite dans le code de procédure pénale par la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010
Principales caractéristique - Modalités de mise en œuvre

La loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 a introduit dans le code de procédure pénale (CPP), notamment sous les articles 706-150 à 706-152, une nouvelle catégorie de saisie immobilière ayant pour objet de garantir l'exécution de la peine complémentaire de la confiscation selon les conditions définies à l'article 131-21 du code pénal (1).
1°) Principales caractéristiques constituant le cadre juridique de la publicité foncière.
L'ordonnance de saisie pénale est prononcée soit par le procureur de la République sur autorisation de juge des libertés et de la détention au cours de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire, soit par le juge d'instruction au cours de l'information. L'appel de ces décisions dans le délai de 10 jours de leur notification n'est pas suspensif.
La saisie porte sur la valeur totale de l'immeuble (art.706-151 CPP). Elle produit des effets généraux proches de ceux prévus par les articles 2198 et suivants du code civil :
- indisponibilité des biens saisis (art.706-145 CPP) ;
- responsabilité du propriétaire ou du détenteur du bien pour son entretien et sa conservation (art.706-143 CPP) ;
- opposabilité aux tiers de la saisie à compter de la publication de la décision au fichier immobilier ou au livre foncier (art.706-151 CPP), sans instauration d'un délai de publication ;
- effets jusqu'à la mainlevée ou la confiscation sans délai de péremption.
Elle produit en revanche des effets spécifiques au regard des procédures civiles d'exécution :
- la publication préalable d'un commandement de saisie sur l'immeuble ne fait pas obstacle à la publication de la décision de saisie pénale immobilière (art.706-151 CPP) ;
- à compter de son opposabilité, elle suspend ou interdit toute procédure civile d'exécution (art.706-145 CPP) ;
- mais sur autorisation du magistrat compétent pour statuer sur toutes les requêtes relatives à la saisie (art.706-144 CPP), une procédure civile d'exécution peut être reprise ou engagée et conduire à la vente amiable du bien, avec report de la saisie pénale sur le solde du prix après désintéressement des créanciers d'un rang préférable.
Toutefois, le conservateur n'a pas à apprécier la valeur juridique des actes qui lui sont déposés au regard de la suspension ou de l'interdiction des procédures civiles faisant suite à la publication de la saisie pénale.
Ainsi, en l'absence de disposition expresse, il ne peut faire échec à la publication d'un commandement de saisie ou à l'inscription d'une hypothèque en raison de la publicité antérieure d'une saisie pénale.
2) Modalités pratiques d'exécution de la formalité
En vertu de l'article 706-151 CPP, les formalités de publication de la saisie pénale immobilière " sont réalisées, au nom du procureur de la République ou du juge d'instruction par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués " (AGRASC).
Etablissement public à caractère administratif placé sous la tutelle conjointe du Ministre de la justice et du Ministre du budget, cette nouvelle agence a été créée par le décret n°2011-134 du 1er février 2011 qui définit ses diverses missions à caractère national et organise son fonctionnement.
S'agissant en particulier de la publicité foncière, elle constitue l'interlocuteur privilégié des conservations des hypothèques et l'interface en principe exclusif entre les magistrats ordonnant des saisies et les bureaux des hypothèques (2).
Pour tenir compte du particularisme des modalités de publication de la saisie pénale, des dispositions techniques ont été prévues par l'Administration.
a- En ce qui concerne les modalités du dépôt

Le magistrat ordonnant la saisie reproduit intégralement son ordonnance sur l'imprimé 3265-SD et certifie la conformité à l'original ainsi que l'identité des parties.
Toutefois, afin de respecter le secret de l'enquête et de l'instruction, il est admis que la publication de l'ordonnance puisse être effectuée par extrait, conformément à l'article 34-1 du décret du 4 janvier 1955, tronquée de la motivation, mais comportant tous les éléments nécessaire à cette publication (3).
- Afin d'identifier l'AGRASC comme déposant, cette agence accompagne son dépôt des deux copies de l'ordonnance d'un bordereau de dépôt (3264 SD) ;
- Pour l'information des tiers, il convient de mentionner sur le registre des dépôts la présence de l'AGRASC. Ainsi lors de l'enregistrement de la formalité dans FIDJI, l'identité du rédacteur est complétée de la mention " via AGRASC " ;
Les décisions de refus sont notifiées à l'AGRASC, conformément à l'article 74 du décret du 14 octobre 1955.
- Le salaire, perçu en différé est aligné sur celui de la saisie civile : salaire fixe de 15 euros, l'AGRASC étant l'organisme payeur destinataire de la facture.
b- En ce qui concerne l'exécution de la formalité par le conservateur

Pour sa publication au fichier immobilier, la saisie pénale est traitée dans FIDJI comme une saisie civile. Ainsi, l'enliassement s'effectue dans un volume " S " permettant le report en tant que charge et on utilise le masque de saisie pour l'annotation du descriptif.
Dans le masque d'annotation du descriptif, l'Etat est identifié en qualité de requérant.
L'attention est appelée sur le traitement des biens indivis ou de communauté:
- Si la saisie porte sur des biens indivis, tous les indivisaires seront identifiés tant dans l'ordonnance que dans FIDJI, mais seul l'indivisaire visé par la saisie pénale sera porté au descriptif ;
- Si la saisie concerne des biens de communauté, l'identification, dans l'ordonnance, de l'époux non visé par la saisie est nécessaire si celui-ci figure comme propriétaire au fichier immobilier. Mais là encore, seul l'époux visé par la saisie pénale sera porté au descriptif.
- La notification des causes de rejet s'opère par voie dématérialisée à la fois auprès du magistrat signataire du certificat d'identité (adresse électronique figurant sur l'imprimé 3265 SD) et de l'AGRASC (saisine@ agrasc.gouv.fr)
Enfin un certain nombre d'actes sont susceptibles d'être publiés postérieurement à la saisie pénale sous forme de mention en marge; il s'agit :
- de la décision de confiscation (mention d'office en marge de la saisie pénale)
- des mainlevées et autres actes dont la mention en marge est expressément requise (pas nécessairement par l'intermédiaire de l'AGRASC).
- de l'autorisation par le juge de la reprise ou de l'engagement d'une procédure civile d'exécution (art.706-146CPP). Cette mention peut être requise indifféremment en marge de la saisie civile ou de la saisie pénale.


(1) Il est précisé que subsistent par ailleurs sous l'article 706-166 CPP les mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen prévues à l'article 706-103 CPP, ordonnées par le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la république, afin de garantir le paiement des amendes encourues et l'indemnisation des victimes (voir rubrique " inscriptions " art. 1911 du bulletin).

(2) Mais aucune disposition expresse ne permet au conservateur de refuser de publier une ordonnance de saisie pénale qui ne serait pas requise par l'AGRASC mais directement par un magistrat. Il est néanmoins conseillé dans cette hypothèse de se rapprocher de l'Agence.

(3) Le certificat de conformité est aménagé en conséquence : " Je soussigné…(magistrat) au TGI de…certifie que le présent extrait de l'ordonnance de saisie pénale d'un bien immobilier établi sur…(nombre) pages est conforme à l'original ".