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Art. 167

INSCRIPTION D'OFFICE.

Prix de vente payé au moyen de la remise d'un chèque.
Conditions sous lesquelles l'inscription peut ne pas être formalisée.

(R.M.B., 9 octobre 1953.)

Question. - M. Jacques Vendroux demande à M. le Secrétaire d'Etat au Budget si un Conservateur des Hypothèques est. fondé à prendre une inscription d'office en vue de garantir l'acquit du prix d'une vente immobilière (prix qui, d'ailleurs, a été payé comptant) sur l'acte de transcription de cette vente, motif pris de ce que le payement par chèque n'aurait pas de pouvoir libératoire. Il s'étonne qu'un mode de payement rendu obligatoire par les lois des 28 octobre 1940 et 31 décembre 1948 puisse être considéré par un agent du Trésor comme dépourvu de ce pouvoir, et lui demande quel est, dans ce cas, le fondement légal de l'exigence manifestée par le Conservateur des Hypothèques.

Réponse - D'après l'Art. 13 de la loi du 12 août 1926, et l'Art. 62 du décret-loi du 30 octobre 1935, la remise d'un chèque en payement n'emporte pas libération du débiteur, cette libération ne pouvant résulter que de l'encaissement du chèque par le créancier (Cf. notamment, Cass. req., 21 mars 1932 : D.H. 1932, 217. - Dijon, 14 avril 1943 : J.C.P. 44, II, 2568). Ces dispositions n'ont pas été modifiées par les divers textes qui ont rendu l'emploi du chèque obligatoire pour certains règlements. Il en résulte que, lors de la transcription d'un acte de vente immobilière constatant que le prix a été payé par remise d'un chèque, le Conservateur des Hypothèques est fondé à prendre inscription d'office du privilège du vendeur établi par l'Art. 2103-1 du Code civil, à moins qu'il n'en soit dispensé par une clause expresse de l'acte ou que les parties justifient, soit dons le contrat de vente lui-même, soit au moment de sa transcription, que le chèque a été encaissé. (J.O., 9 octobre 1953, Déb. Ass. Nat., p. 4156).

Observations. - Strictement, le Conservateur des Hypothèques doit prendre l'inscription d'office toutes les fois que la transcription conserve le privilège du vendeur, c'est-à-dire toutes les fois que l'extinction de la créance du vendeur ne résulte pas de l'acte transcrit. Tel est le car notamment lorsque le prix d'une vente est payé au moyen de la remise d'un chèque, laquelle n'emporte ni libération de l'acquéreur, comme le rappelle la réponse ministérielle, ni non plus, même s'il est accepté, novation de la créance (art. 62 du décret-loi du 30 octobre 1935).

Toutefois, dans une telle hypothèse, le vendeur peut dispenser le Conservateur de formaliser cette inscription en renonçant expressément à son privilège et à l'action résolutoire. Mais, contrairement à ce que pourrait laisser supposer la rédaction de la réponse rapportée ci-dessus, une simple dispense sans renonciation définitive au privilège du vendeur et l'action résolutoire serait inopérante. (Rappr. Bull. A.M.C., art. 81.)

Malgré l'absence d'une telle renonciation le Conservateur peut également s'abstenir en fait, sous sa responsabilité, de prendre l'inscription d'office lorsqu'il a la preuve que la créance apparemment garantie par le privilège du vendeur est en réalité éteinte au moment où l'acte est présenté à la formalité. Les justifications à lui fournir pour lui apporter cette preuve sont laissées à son appréciation.

Au cas particulier du payement du prix au moyen de la remise d'un chèque, il semble que la libération du débiteur serait suffisamment établie par une attestation du banquier constatant que le chèque a été payé ou par une reconnaissance ayant le même objet, souscrite par le vendeur ou par le notaire se portant fort pour lui, surtout lorsque la transcription n'est requise qu'après l'expiration du délai de huit jours passé lequel le porteur perd le droit d'exercer ses recours.

Annoter : C.M.L. n° 710 et 715; de France, n° 154 et 159; Jacquet, Traité du privilège du vendeur, n° 192 et 216.