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ARTICLE 441

PUBLICATION D'ACTES.

Actes à publier. - Actes et documents

dont la publication n'est pas explicitement prescrite ou autorisée :

Première espèce : Jugement du tribunal Civil de la Seine (2° Chambre) du 26 novembre 1958.

Le Tribunal;

Attendu que, par exploits des 3 juin et 6 août 1958, Le Gac a assigné Lang devant le Tribunal aux fins de voir dire que l'immeuble sis à Boulogne-sur-Seine (Seine), 21, quai de Boulogne, et acquis par Lang, suivant acte reçu le 21 mai 1957 par MM° C... et C..., notaires à Paris, appartient indivisément à Le Gac et à Lang comme ayant été acquis pour le compte d'une société de fait " Lang et Le Gac, de voir déclarer l'acte sans valeur et non opposable au requérant et à la société de fait, mais seulement en ce qu'il concerne la parcelle de terrain cadastrée section A 1 n° 24 et en ce qu'il paraît consacrer le droit exclusif de propriété de Lang.

Attendu que, sur la réquisition de Le Gac, l'assignation du 5 juin 1958 a été publiée, au ...ème bureau de la Conservation des Hypothèques de la Seine le 20 juin suivant; que cependant par l'effet d'une revente partielle du terrain en cause, Lang se trouvait n'être plus, au fichier immobilier, propriétaire de l'ensemble des biens ayant fait l'objet de l'acte du 22 mai 1957.

Attendu que la publication fit l'objet en conséquence, d'une notification aux fins de rejet, mais que, par l'exploit du 6 août 1958, la portée de l'assignation fut limitée à la parcelle de terrain dont Lang avait conservé la propriété et l'acte publié, régulièrement le 14 août.

Attendu que, par exploit de Staat en date du 3 octobre 1958, Lang a assigné Le Gac et le conservateur des Hypothèques de la Seine, ...ème Bureau, en radiation de la publication faite sans droit de l'assignation initiale et spécialement Le Gac en paiement d'une somme de 500.000 francs à titre de dommages-intérêts.

Attendu qu'il y a lieu, pour apprécier la légalité de la publication d'une demande en Justice, de prendre en considération son seul objet tel qu'elle-même le définit sans égard aux moyens invoqués par le demandeur à l'appui de son instance et sur lesquels le Juge du fond n'a nulle qualité pour se prononcer.

Attendu que l'article 28 4° C du décret du 4 janvier 1955 prescrit la publication des demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation, ou la rescision d'une convention portant sur les droits soumis à publicité et visés au paragraphe 1er du même article.

Attendu que l'inobservation de cette prescription est sanctionnée, outre par l'inopposabilité de l'acte aux tiers, par une pénalité à l'encontre de l'officier ministériel responsable et par l'irrecevabilité de l'action que l'assignation devait introduire. qu'elle ne peut donc être l'objet que d'une interprétation restrictive.

Attendu que la demande dont la publication est présentement critiquée ne rentre dans aucun des cas prévus par le texte; que l'on ne saurait tenir pour une demande en annulation, sous quelque dénomination qu'elle soit présentée, une assignation qui prétend maintenir le transfert de propriété que l'acte du 22 mai 1957 a constaté, non seulement dans l'intérêt d'un sous-acquéreur partiel dont le bien acquis est volontairement placé hors des effets de la demande, mais à l'égard du surplus même dont elle réclame le bénéfice en faveur d'une société de fait au nom de laquelle l'acquéreur à l'acte, Lang, aurait valablement contracté.

Attendu cependant que la décision à intervenir sur le fond de la demande peut modifier les pouvoirs de Lang à céder des droits sur l'immeuble dont la propriété est contestée et par conséquent intéresser des tiers.

Attendu que le but de la réforme de la publicité foncière a été de rendre efficace par sa propre régularisation (sic) la protection des droits de tiers; que s'il est vrai que l'action exercée par Le Gac contre Lang est telle que les formalités obligatoirement édictées par le décret du 4 janvier 1955 ne lui sont pas opposables, rien ne s'oppose à la publication volontaire de son assignation s'il est désireux de s'assurer, à ses risques, le bénéfice des effets de cette publicité;

Attendu que les dommages que Le Gac pourra devoir à Lang ne pourront être appréciés en leur principe comme en leur montant que par le Juge qui statuera sur le fond de la demande;

Attendu qu'en toute hypothèse le Tribunal ne saurait ordonner la radiation de la publication critiquée mais seulement la publication de sa propre décision;

Par ces motifs : Dit que Le Gac a valablement fait publier au ...ème bureau de la Conservation des Hypothèques de la Seine, l'assignation dénoncée à Lang;

Dit irrecevable en l'état la demande de dommages-intérêts formulée par Lang;

Déboute ce dernier pour le surplus de toutes ses demandes, fins et conclusions tant en ce qui concerne Le Gac, que le conservateur des Hypothèques de la Seine;

Condamne Lang aux dépens.

2° espèce : Ordonnance du président du Tribunal civil de Nice du 4 octobre 1958.

Nous Président,

Attendu que J.-P. G..., E. G..., S. G...; la dame C. ont engagé contre le sieur E. G..., âgé de 92 ans une procédure d'interdiction; qu'un premier jugement a prescrit la réunion du Conseil de famille et l'interrogatoire du défendeur; que ces deux formalités ayant été accomplies, les demandeurs ont le 11 août 1958 assigné E. G.., pour voir prononcer son interdiction et ont sollicité de M. le Conservateur des Hypothèques du 2° Bureau, l'inscription de leur assignation du 11 août 1958 ensuite...;

Attendu que M. le Conservateur leur ayant opposé un refus, ils l'ont dans le délai prévu par l'article 26 du décret du 4 janvier 1955 cité en référé pour entendre dire qu'il devait transcrire leur demande en justice en interdiction, ladite demande ayant directement trait à l'annulation des ventes consenties ou à consentir;

Attendu qu'ils ont fondé leur action sur l'article 28 paragraphe 4, alinéa C du décret du 4 janvier 1955 qui précise que les demandes en justice tendant à obtenir la résolution d'une convention devaient être obligatoirement publiées au Bureau des Hypothèques de la situation de l'immeuble; qu'ils ont soutenu que leur action avait pour but une fois l'interdiction obtenue de faire annuler en application de l'article 503 du Code civil les ventes effectuées par G..., des immeubles ci-dessus indiqués;

Attendu que le défendeur a soulevé notre incompétence, motif pris qu'il s'agissait d'un refus préalable de dépôt, opposé par le Conservateur et non d'un rejet d'une formalité de publicité; que ce n'était que dans ce dernier cas que compétence était attribuée au juge des référés par l'article 26 du décret du 4 janvier 1955;

Attendu que le décret du 4 janvier 1955 articles 26 et 34 et le décret d'application du 14 octobre 1955, article 74 distinguent: 1° le refus de dépôt de l'acte; 2° le rejet de la formalité de publicité, que les cas de refus de dépôt et les cas de rejet de la formalité sont précisés, qu'il s'agit pour les premiers d'omissions de formalités ou de mentions substantielles et pour les seconds d'omissions de certaines énonciations facilement réparables, que dans la première hypothèse, le conservateur doit avant de rendre les documents apposer sur l'un d'eux une mention datée et signée indiquant succinctement la cause du refus, que dans la deuxième la décision de rejet est notifiée au requérant qui a un délai de huit jours pour former un recours devant le juge des référés (art. 26, D. 4 janvier 1955 et 34 D. d'application) ;

Attendu que lorsqu'il s'agit d'un refus de dépôt seul un recours devant le Tribunal civil est donc ouvert à l'intéressé;

Attendu qu'en l'espèce, le conservateur a refusé le dépôt et a apposé la mention suivante sur l'un des documents restitués : " formalité refusée comme requise au titre d'un acte qui n'est pas sujet à publicité en vert des articles 28 et suivants, 35 et suivants du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ";

Attendu que M. le Conservateur a donc refusé le dépôt au prétexte que l'acte pour lequel la formalité de publicité lui était réclamée ne constituait pas l'une des demandes en justice énumérées dans l'article 2 du décret du 4 janvier 1955 ;

Attendu que lorsque le Conservateur refuse le dépôt et que la partie à laquelle le refus a été apposé soutient qu'il ne s'agit pas d'un cas de refus de dépôt mais un cas de rejet d'une formalité de publicité, le juge des référés doit statuer sur sa compétence, rechercher si le conservateur a exactement qualifié sa décision;

Attendu que l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 énumère limitativement les actes qui sont soumis à la formalité de la publicité, que parmi cette énumération figurent les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention;

Attendu que l'assignation tendant à l'interdiction d'une personne étant étrangère au champ d'application dudit article 28 le dépôt de l'assignation en date du 11 août ne pouvait pas être accepté, que le conservateur a donc exactement qualifié sa décision, que nous sommes incompétents pour connaître de l'action engagée par les consorts G... ;

Attendu d'ailleurs qu'à supposer que la décision de M. le Conservateur soit considérée comme un rejet de la formalité de la publicité, la demande qui nous est soumise ne serait pas fondée ;

Attendu en effet, que l'instance en interdiction ne tend à l'annulation d'aucun acte précis de vente, but qu'elle ne peut d'ailleurs pas avoir, alors que l'article 28 vise les demandes tendant à obtenir l'annulation ou la rescision d'une convention, ce qui oblige le demandeur à la formalité de publicité à présenter une assignation précisant exactement le contrat dont l'annulation est réclamée et l'immeuble objet de cette convention, que le rejet de la formalité de publicité serait donc justifié;

Vu l'article 130 du Code de procédure civile;

Par ces motifs :

Nous juge des référés, disons que la décision de M. le Conservateur du 2° bureau des Hypothèques de Nice en date du 5 septembre 1958 constitue non un rejet d'une formalité de publicité mais, un refus de dépôt;

Nous déclarons en conséquence incompétents;

Condamnons J.-P. G..., etc., au dépens.

espèce : Ordonnance du Président du Tribunal civil de Nice du 1er décembre 1958.

Nous, Président, Attendu que le 10 mars 1957 Giordano a versé à Camous une somme de .......... à titre d'acompte sur la vente du terrain dont le prix a été fixé à ...........;

Attendu que Camous ayant refusé de signer l'acte authentique Giordano l'a assigné le 3 mai 1958 pour entendre dire que faute de ce faire, le jugement rendu serait transcrit au bureau des hypothèques. et vaudrait vente;

Attendu que par décision en date du 9 juillet 1958 le Tribunal a par jugement de défaut fait droit à la demande de Giordano; que Camous a fait opposition à cette décision; que l'instance est actuellement pendante devant le Tribunal; qu'afin de porter sa demande en réalisation de vente à la connaissance des tiers, Giordano a voulu faire transcrire son assignation du 3 mai 1958, au 2° bureau des hypothèques de Nice; qu'après avoir accepté le dépôt le conservateur des hypothèques a signifié à M° H..., avoué de Giordano, qu'il rejetait la formalité de publicité;

Attendu que Giordano nous a alors saisi dans le délai prescrit par l'article 26 du décret du 4 janvier 1955, qui nous attribue compétence pour statuer sur cette difficulté;

Attendu qu'à l'appui de sa demande Giordano a soutenu que l'assignation du 3 mai 1958, devait obligatoirement être publiée au bureau des hypothèques en application de l'article 28, paragraphe 8 du décret du 4 janvier 1955, que l'alinéa 8 de cet article prévoyait la publicité des actes qui interrompaient la prescription acquisitive conformément aux articles 2244 et 2246 du Code civil ainsi que des actes de renonciation prescription acquisitive; qu'il résulterait d'autre part, de l'article 2244 du Code civil qu'une citation en justice signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire forme l'interruption civile, qu'il était donc évident que l'assignation signifiée à Camous avait bien pour effet d'interrompre la prescription acquisitive qui courait au profit de celui-ci depuis la date des accords intervenus entre parties;

Attendu que le défendeur a conclu au rejet de la demande; Attendu que le 10 mai 1957 Camous a délivré à Giordano un reçu provisoire d'une somme de .......... en acompte sur la vente d'une propriété dont le prix était fixé à .......... la situation de cette propriété et ses mentions cadastrales étant précisées audit reçu, que sur cet acte Camous a indiqué que Giordano prenait ce jour la jouissance de la propriété, que le solde devait être réglé à fin août 1957, que la vente devait être établie par acte notarié lors du règlement définitif et qu'en cas d'empêchement quelconque Camous s'engageait à rembourser intégralement la somme reçue de .......... ;

Attendu que la parcelle vendue faisant partie d'une indivision existant entre Camous et diverses autres personnes, Camous a prévu le cas où cette parcelle ne serait pas mise à son lot lors des opérations de partage; que c'est à cette situation qu'il a pensé lorsque, dans le reçu il a fait état d'un empêchement;

Attendu que par la suite le terrain vendu à Giordano a été attribué au vendeur dans le partage, que la vente était donc valable; que d'ailleurs Camous n'a jamais offert de restituer la somme de .......... ni lorsqu'il a été invité à signer l'acte authentique chez le notaire, qui détenait le solde du prix de vente ni lorsqu'il a été assigné; qu'au surplus il a lui-même assigné Giordano le 18 septembre 1958 pour entendre prononcer la rescision pour cause de lésion de plus de 7/12 de la vente intervenue le 10 mai 1957; qu'il a donc considéré que Giordano était bien propriétaire de la parcelle mentionnée dans le reçu du 10 mai 1957;

Attendu qu'il résulte d'un principe fondamental du droit français que, dans les rapports des parties l'accord des volontés crée le droit; qu'ainsi dans les rapports, entre Camous et Giordano, la parcelle a été vendue; que Giordano en est devenu propriétaire ; que la publicité foncière n'a pour objet que de rendre les actes de vente ou les décisions judiciaires opposables aux tiers;

Attendu qu'aux termes de l'article 28, paragraphe 8 du décret du 4 janvier 1955, sur la réforme de la publicité foncière sont obligatoirement publiés au bureau des hypothèques de la situation des immeubles, les actes qui interrompent la prescription acquisitive conformément à l'article 2144 du Code civil;

Attendu que cet article précise qu'une citation en justice, un commandement ou une saisie signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile;

Attendu que Giordano étant dans ses rapports avec Camous propriétaire de la parcelle, si Camous possédait d'une façon continue publique non équivoque et à titre de propriétaire cette parcelle pendant trente ans, il pourrait ensuite opposer la prescription à Giordano; que dans le cas de possession par Camous l'assignation du 3 mai 1958 entrerait donc bien dans le cadre de l'article 2244 du Code civil;

Mais attendu que la prescription acquisitive ne peut être interrompue qui si celui contre lequel l'action est dirigée est en possession, qu'il est évident qu'il ne peut pas être question d'interrompre une prescription contre quelqu'un qui ne possède pas et qui par conséquent est dans l'impossibilité de prescrire;

Attendu qu'il est indiqué dans le reçu du 10 mai 1957 : " Giordano prend la jouissance de ce jour "; que d'autre part le tribunal a indiqué dans les motifs de son jugement du 9 juillet 1958 " que le demandeur a pris possession et est entré en jouissance le même jour ";

Attendu que Giordano étant en possession ne saurait sérieusement soutenir que Camous est en train de prescrire; que son assignation du 3 mai 1958 n'a donc pas pour objet d'interrompre une prescription qui ne peut pas exister; que dans ces conditions, sa demande d'exécution de la formalité de publicité ne doit pas être accueillie;

Attendu qu'en réalité cette demande n'avait pas pour but d'interrompre la prescription à l'encontre de Camous mais d'avertir les tiers de l'existence de la vente du 10 mai 1957 au cas où Camous voudrait revendre cette parcelle; qu'il semble que Giordano ait la possibilité de porter cet acte à. la connaissance de tout acquéreur éventuel; qu'en effet, par exploit du 18 septembre 1958 Camous l'a assigné pour voir prononcer la rescision de vente du 10 mai 1957; que la publicité des demandes en justice, tendant à obtenir la rescision est expressément prévue par l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 (demandes d'ailleurs non recevables devant le Tribunal si elles n'ont pas été publiées, art. 30, § 5); que ce décret ne paraissant pas exiger que la formalité soit requise par le demandeur, Giordano peut s'il croit y avoir un intérêt solliciter la mesure de publicité en ce qui concerne cette assignation;

Vu l'article 130 du Code de procédure civile;

Par ces motifs :

Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir comme il appartiendra mais dès à présent par provision vu l'urgence;

Déclarons bien fondée la décision de rejet de la formalité de publicité prise par M. le Conservateur du 2° bureau des hypothèques ;

Rejetons en conséquence la demande de Giordano, le condamnons aux dépens.

Observations. - Depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime hypothécaire, les conservateurs sont appelés à se demander s'ils peuvent - et même s'ils doivent -- refuser de publier les actes ou documents dont la publication n'est pas prévue, soit à titre obligatoire, soit à titre facultatif, par les décrets des 4 janvier et 14 octobre 1955.

En faveur d'une réponse affirmative, on peut faire valoir que, du fait que les textes précités ne se bornent pas à rendre obligatoire la publication de certains actes, mais qu'ils autorisent aussi la publication de certains autres, il résulte implicitement mais nécessairement que les actes non inclus dans l'une on l'autre de ces deux catégories ne peuvent pas être publiés.

Mais l'opinion contraire peut trouver à s'appuyer sur les dépositions des deux décrets susvisés qui prescrivent dans certains cas au conservateur de refuser la publication. Ces dispositions dérogent en effet à la règle générale de l'art. 2199 du Code civil, selon laquelle le conservateur n'est pas fondé à refuser l'exécution d'une formalité et on peut raisonnablement soutenir que, comme toute dérogation, elles doivent être interprétées restrictivement et que leur effet doit être strictement limité aux cas qu'elles visent. Or aucune des dispositions en cause ne permet au conservateur de refuser de publier un acte ou document dont la publication n'est pas explicitement prescrite ou autorisée.

La première interprétation a été adoptée par le Président du Tribunal civil de Segré (ordonnance du 12 mars 1958, Bull. A.M C., art. 328)) et par le Président du Tribunal civil de Nice (deux ordonnances des 4 octobre et 28 décembre 1958, reproduites ci-dessus, 2° et 3° espèces). Ces deux magistrats ont en conséquence approuvé des conservateurs qui avaient refusé le dépôt d'actes dont la publication n'était pas prévue par les textes.

Mais le Tribunal civil de la Seine (jugement du 26 novembre 1958 reproduit ci-dessus, 1ere espèce) s'est prononcé en sens contraire et a décidé que rien ne s'opposait à ce que soit présenté volontairement à la formalité un acte n'entrant pas dans la catégorie de ceux qui doivent être obligatoirement publiés, ou dont la publication facultative est explicitement autorisée.

Cette dernière décision, qui laisse aux intéressés le, soin de juger de l'intérêt que peut présenter la publication d'un acte, paraît être celle qui correspond le mieux au rôle du conservateur.

Si ce dernier devait refuser strictement la publication des actes et autres documents, lorsque cette publication n'est pas explicitement prescrite ou autorisée par un texte, il lui faudrait se livrer à des appréciations, de droit et de fait qui, étant du ressort du juge, excéderaient ses propres attributions (Rappr. observations de M. Masounabe-Puyanne, sous J.P.C. 1959-I, 11.060, § VI).

Ces appréciations ne seraient d'ailleurs ni sans difficulté ni sans danger. L'espèce qui a donné lieu au jugement du 26 novembre ci-dessus, en apporte la preuve.

L'acte à publier dans cette affaire consistait en une assignation tendant à faire reconnaître qu'une acquisition immobilière constatée dans un acte publié avait été réalisée, non pas uniquement au profit du défendeur, seul acquéreur désigné dans l'acte, mais au profit d'une société de fait existant entre le défendeur et de demandeur. Si la publication des demandes en justice n'était possible que lorsqu'elles entrent strictement dans les prévisions de l'art. 28-4° c du décret du 4 janvier 1955, notre collègue aurait eu à prendre parti sur le point de savoir si l'assignation dont la publication était requise pouvait être rangée dans la catégorie des " demandes, en justice tendant à obtenir... la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention... ".

La question aurait été délicate. Si, en effet, l'assignation ne tendait pas à l'annulation pure et simple de la convention publiée, on pouvait cependant se demander si elle ne visait pas à faire prononcer l'annulation partielle de cette convention, en ce que celle-ci attribuait au défendeur la propriété de la moitié de l'immeuble vendu dont le demandeur se prétendait le véritable acquéreur.

Le choix entre les deux solutions n'aurait, par ailleurs, pu été sans danger. En considérant qu'il s'agissait bien d'une demande en annulation, le conservateur aurait risqué de se voir reprocher d'avoir indûment publié un acte dont la publication n'était pas autorisée. En adoptant l'opinion contraire, il se serait exposé au grief d'avoir laissé ignorer aux tiers une cause possible d'éviction et éventuellement d'avoir rendu l'action en justice irrecevable au cas où le tribunal saisi aurait cru devoir faire application de l'art. 30-5 du décret du 4 janvier 1955.

Ces difficultés et ces risques sont au contraire évités si l'on admet, avec le Tribunal de la Seine, que c'est aux parties en cause qu'il appartient d'apprécier si un acte doit effectivement être publié, sans que le conservateur ait à rechercher si la publication de cet acte est ou non prescrite ou autorisée par un texte.

Il importe par ailleurs de remarquer que, dans la généralité des cas, le risque est plus grave de refuser de publier un acte que d'accepter d'en effectuer, même irrégulièrement, la publication. C'est ainsi que, dans l'espèce soumise au Tribunal de la Seine, la publication, même irrégulière, de l'assignation, n'avait pour conséquence que de révéler aux tiers une action en justice dont la réalité n'était pas contestable et ne pouvait, semble-t-il, être en soi la cause d'un préjudice; au contraire, le refus de publier cette assignation, par lequel le conservateur prenait la responsabilité de laisser ignorer aux tiers les restrictions que risquait de subir le droit de propriété de l'acquéreur désigné dans l'acte publié, était de nature à léser gravement les intérêts des personnes susceptibles de traiter avec cet acquéreur, et pouvait être la source d'une action en dommages-intérêts si le refus était jugé injustifié.

Dans ces conditions, nous croyons devoir conseiller aux collègues de suivre la règle de conduite tracée par le jugement du Tribunal civil de la Seine et de ne pas refuser un acte du seul fait que la convention qu'il constate ou l'opération juridique qu'il a pour objet n'entre pas par sa nature dans la catégorie de celles dont la publication est explicitement prévue ou autorisée.

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 835 et 837 A-II (feuilles vertes).