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ARTICLE 522

PUBLICITE FONCIERE.

Identité des parties. - Jugement d'adjudication.
Vendeurs "non présents". - Impossibilité d'établir leur identité complète.
Conséquences.

(Rép. Min. Fin. et Aff. Econ., 30 janvier 1962)

M. Jacques Bordeneuve rappelle à M. le Ministre des Finances et des Affaires économiques qu'en vertu de l'article 5 du décret du 4 janvier 1955 tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un Bureau des Hypothèques doit contenir les nom, prénoms dans l'ordre de l'état civil, domicile, date et lieu de naissance, profession des parties et le nom de leur conjoint. Il lui signale qu'un jugement a ordonné la liquidation et le partage de la communauté ayant existé entre les époux T... et B... et, préalablement, à la vente aux enchères publiques des biens immobiliers dépendant de ladite communauté. Or, si certains héritiers des époux T... et B... sont connus, quelques-uns sont " non présents " et ont été représentés à la procédure par un notaire commis par le tribunal ; à la Conservation des Hypothèques, aux fins de publicité foncière, le Conservateur a demandé à l'avoué de fournir les renseignements prévus par l'article 5 du décret du 4 janvier 1955 sur toutes les parties en cause, renseignements que l'avoué n'est pas en état de donner sur les vendeurs " non présents ". Il lui demande si aucune dérogation n'a été prévue à ce dernier texte et, le cas échéant, si, dans le cas signalé, il ne serait pas possible d'en prévoir une. A défaut, en effet, d'une mesure dérogatoire, il sera toujours impossible à l'avoué poursuivant de publier le jugement d'adjudication et au notaire de procéder à la liquidation et au partage ordonnés par le tribunal. "

Réponse. - Sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, il convient, en principe, dans le cas envisagé par l'honorable parlementaire, de ne pas refuser le dépôt, aux fins de publicité, du jugement d'adjudication à condition que les défunts, les héritiers connus et les adjudicataires soient identifiés et que leur identité soit régulièrement certifiée. Toutefois, le document déposé doit être complété par une mention, signé de l'auteur du certificat d'identité dispensant le Conservateur de publier ce document du chef des personnes dont l'identité complète n'a pu être établie. (J.O. 30 janvier 1962 , Déb. Sénat, p. 22-23)

Observations. - .La solution conseillée par la réponse qui précède n'est pas exempte d'inconvénients.

Aux termes de l'art. 74-4 du décret du 14 octobre 1955, " dans tous les cas où la loi prescrit le refus du dépôt ou le rejet de la formalité, ceux-ci concernant l'ensemble de la formalité dont la publicité est requise, même si les omissions, inexactitudes ou discordances relevées intéressent seulement certaines des mentions ou des parties ou certains des immeubles énoncés dans le document à publier ".

Cette règle comporte, il est vrai, en matière de rejet, une dérogation ," en cas d'adjudication par lots et de ventes distinctes réalisées par un seul et même acte ". Mais cette dérogation consiste seulement à considérer le document à publier " comme comportant autant de formalités qu'il y a de lots adjugés ou de ventes distinctes " ; pour ce qui concerne chaque lot ou chaque vente distincte, la règle générale reprend son empire : le rejet ne peut porter que sur l'ensemble de la formalité. En aucun cas, par conséquent, un acte ne peut être publié en ce qui concerne une ou quelques-unes des parties seulement. En particulier, dans le cas visé dans la question écrite, le jugement d'adjudication ne peut être publié à l'égard de certains seulement des vendeurs : ou bien, en raison de l'énonciation incomplète des éléments d'identité des vendeurs " non présents ", le Conservateur refuse de publier le jugement ; ou bien, il passe outre à cette irrégularité et, dans ce cas, le jugement se trouve publié à l'égard de tous les vendeurs.

Il en résulte que l'adjudicataire serait éventuellement en droit de se prévaloir de cette publication à l'encontre des tiers qui prétendraient ultérieurement exercer un droit sur l'immeuble adjugé du chef des vendeurs " non présents ", alors que, par ailleurs, un état délivré du chef de ces derniers ne révélerait pas le jugement d'adjudication qui les a dépossédés.

La réponse ministérielle subordonne il est vrai la formalité à l'apposition sur l'expédition sur formule spéciale d'une mention, signée par l'auteur du certificat d'identité, dispensant le Conservateur de publier le document du chef des personnes dont l'identité complète n'a pu être établie. Mais il est douteux que cette dispense, émanant d'une personne sans qualité pour engager les personnes qui pourraient se prévaloir de la publication et visant au surplus à éluder l'application d'une disposition légale, soit de nature à mettre à l'abri la responsabilité du Conservateur.

Toutefois, si les inconvénients du moyen suggéré par la réponse ministérielle sont certains sur le plan des principes, il semble que, sur le plan pratique, le risque qu'il comporte soit assez limité. D'une part, en effet, les jugements d'adjudication où un ou plusieurs vendeurs sont représentés par un notaire commis et où de plus l'identité complète des vendeurs ainsi représentés ne peut être établie sont assez rares. D'autre part, les " non présents " qui ne peuvent être complètement identifiés sont généralement des personnes disparues depuis longtemps et à l'encontre desquelles il est peu probable que se révèlent des créanciers.

Etant donné par ailleurs que le moyen envisagé est le seul qui permette à l'adjudicataire de parvenir à la publication du jugement d'adjudication, on ne croit pas devoir déconseiller aux collègues de satisfaire à une réquisition de publication partielle à l'égard des seuls vendeurs présents.

Annoter : C.M.L., 2° . éd. n° 489 A (feuilles vertes).

Voir AMC n° 1276.