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ARTICLE 654

RADIATIONS

Réforme des régimes matrimoniaux. - Régime de communauté.
Inscription requises au profit du mari seul. - Mainlevée.
Art. 222 du Code civil non applicable.

Question. - L'article 222, nouveau, du Code civil dispose : " Si l'un des époux se présente seul pour faire un acte d'administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu'il détient individuellement, il est réputé, à l'égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte ".

Un notaire prétend que cette disposition autorise un créancier marié sous un régime de communauté à donner mainlevée, sans le consentement de sa femme, avec ou sans constatation de payement, d'une inscription requise à son seul profit, quelle que soit la nature de la créance garantie.

Cette opinion est-elle fondée?

Réponse. - Réponse négative, mais pour des motifs différents selon qu'il s'agit d'une mainlevée avec ou sans constatation de payement.

I. - Mainlevée sans constatation de payement. - L'acte par lequel le bénéficiaire d'une inscription hypothécaire en donne mainlevée sans constatation de payement est un acte de disposition de l'hypothèque, laquelle revêt le caractère immobilier (Jacquet et Vétillard, Introduction, n° 1 ). L'art. 222, qui ne vise que les biens meubles, n'est dès lors pas applicable aux actes de l'espèce.

2. - Mainlevée avec constatation de payement. - Dans cette hypothèse, la question de l'application de l'art. 222 ne présente un intérêt que lorsque la créance qui fait l'objet du payement consiste dans le prix de vente de l'un des biens visés à l'art 1424, puisque, lorsqu'il s'agit d'autres créances communes, la mainlevée avec payement peut être valablement consentie par le mari seul. (Bull. A.M.C., art. 627, n° 2 et 5.) Au cas d'une créance consistant dans le prix de vente de l'un des biens visés à l'art. 1424, si le mari était autorisé par l'art. 222 à en donner quittance sans le concours de sa femme, il aurait ipso facto le pouvoir de donner seul mainlevée de l'hypothèque, droit accessoire, garantissant la créance éteinte par le payement..

Mais telle n'est pas la portée de l'art. 222. Cet article ne vise en effet que les biens meubles que l'époux en cause " détient " individuellement, ce qui peut être le cas de biens meubles corporels ou encore des droits mobiliers incorporels qui se confondent avec le titre qui les représente matériellement, tels que les titres au porteur (Etude Cornu, J.C.P. 1966-1-1968) ou les créances qui se transmettent par la simple tradition de l'acte d'obligation. Il laisse hors de ses prévisions les autres biens meubles incorporels qui ne peuvent être " détenu " matériellement. Ces biens demeurent régis par l'art. 1402, nouveau, selon lequel ils sont réputés acquêts de communauté.

Cette conclusion est conforme au but recherché qui est de permettre à chaque époux de faire seul certaines opérations sur les biens mobiliers dont il est détenteur, mais à l'égard desquels il lui serait souvent difficile de faire la preuve de son droit de propriété. Ce n'est pas le cas des créances nominatives dont il suffit de consulter le titre constitutif pour savoir quel en est le titulaire.

On peut par ailleurs observer que le débiteur, qui a nécessairement connaissance de ce titre constitutif, puisqu'il y a comparution, ne peut, en dehors de circonstances exceptionnelles, ignorer que la créance de son prêteur ne forme pas un propre de ce dernier et que, par suite, il n'est pas un " tiers de bonne foi ", comme l'exige l'art 222 pour son application, lorsqu'il se prévaut de la mainlevée consentie par son créancier seul pour requérir la radiation de l'inscription, alors que, compte tenu de la nature de la créance réputée commune, le concours de la femme était nécessaire.

Pour ces différents motifs, l'art. 222 ne peut pas être invoqué au cas de mainlevée avec constatation de payement, pour faire échec aux conséquences de l'art. 1424 et d'autoriser le mari à consentir seul la mainlevée des inscriptions prises à son profit, même lorsque la créance garantie consiste dans le prix de vente de l'un des biens visés audit art 1424.

L'avis exprimé dans l'art. 627 du Bulletin ne peut dès lors qu'être maintenu.

Annoter : C.M.L., 2° éd. n° 1080 et 1081 ; Jacquet et Vétillard V° Femme mariée, n° 16 et 18.