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ARTICLE 725

PUBLICITE FONCIERE.

Effet relatif des formalités.
Partage précédé d'un procès-verbal constatant l'engagement des co-indivisaires d'attribuer à l'un d'eux un immeuble indivis. - Procès-verbal non publié.

Conséquences au regard de la publication du partage.

(Rép. Min. Justice, 4 novembre 1967)

Question. - M. Schloesing expose à M. le Ministre de la Justice le cas de Mmes A et B. (mère et fille), qui ayant fait vendre une propriété se trouvant dans l'indivision entre elles, se sont vu rejeter l'acte de vente par le conservateur des Hypothèques. Cette opération avait eu lieu après les événements ci-après : M. et Mme C. avaient acquis une propriété au cours de leur mariage. M. C. est décédé en 1945 à la survivance de son épouse donataire d'un quart en toute propriété et d'un quart en usufruit des biens composant la succession du défunt et laissant pour seule héritière sa fille unique, Mme B, La veuve ne pouvant plus s'occuper de ses affaires, par suite de son âge avancé a, par acte authentique en 1952, fait donation à sa petite-fille, Mme A. (fille de Mme B.) de la totalité de ses droits sur la propriété acquise au cours de son mariage. La propriété s'est donc trouvée dans l'indivision entre la mère Mme B. et sa fille Mme A. Mme veuve C. est décédée en 1963, laissant sa fille Mme B. et sa petite-fille Mme A. donataire de la quotité disponible, soit la moitié des biens composant sa succession. Voulant sortir de l'indivision, Mme A. a assigné sa mère en partage. La propriété a été vendue aux enchères publiques et a été adjugée à Mme B. colicitante (observation faite que, conformément à l'article 18 du cahier des charges, l'adjudication ne valait pas vente à la colicitante, mais promesse d'attribution dans le partage définitif). Le partage a été dressé par les notaires du ressort et présenté au Bureau des Hypothèques pour la publicité. Cet acte a été rejeté par le conservateur qui demande : 1° une attestation de propriété après le décès de Mme veuve C., alors que cette dernière avait cédé tous ses droits à la petite-fille, prétextant qu'il restait la réserve de la fille Mme B. ; 2° malgré la clause du cahier des charges ci-dessus relatée, la publicité du procès-verbal d'adjudication, prétextant que ladite adjudication rend le colicitant propriétaire à l'égard des tiers, alors que dans plusieurs cas semblables antérieurs à l'acte susvisé, les précédents conservateurs et lui-même n'avaient jamais exigé la publicité du procès-verbal d'adjudication. Il lui demande si un conservateur d'Hypothèques peut exiger, dans ce cas, les publications autres que celle du partage.

Réponse. - Sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, la question posée appelle la réponse suivante : 1° la libéralité consentie par Mme C. à Mme A. a eu pour conséquence de créer, entre cette dernière et Mme B., une indivision qui a pu motiver le partage des biens laissés par la défunte. L'acte de partage doit être publié par application des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955. Le principe de l'effet relatif de la publicité foncière s'oppose a la publication d'un acte de partage si l'origine et la consistance des biens partagés ne peuvent être connues des tiers. Le conservateur des Hypothèques est donc fondé à rejeter la publication de l'acte de partage si les titres de propriété n'ont pas eux-mêmes fait l'objet d'une publication préalable ou simultanée. Dans l'hypothèse où le partage met fin à une indivision créée par le décès de l'auteur des colicitants, est publiée, à défaut de titres, une déclaration notariée précisant l'origine et l'étendue des droits du défunt et de ses ayants droit ; 2° l'adjudication, en préparant le partage définitif, produit entre les copartageants, les effets suivants : a) elle fait cesser l'indivision ; b) elle constate l'existence de droits réels immobiliers sur la tête du colicitant ; c) elle prive la donataire de sa faculté de disposer des droits réels attachés à la qualité d'indivisaire. L'adjudication entre donc dans les catégories d'actes, ou de décisions judiciaires visés, aux articles 28 (§ § 1 et 2) et 30 (§ 1) du décret du 4 janvier 1955 et, en application de ces textes et du principe de l'effet relatif de la publicité foncière, le procès-verbal doit être publié à peine d'inopposabilité aux tiers. L'existence, dans le cas considéré, d'une promesse d'attribution, ne paraît pas devoir faire obstacle à l'application des règles sus-énoncées. La jurisprudence, en tel cas, décide que la promesse d'attribution " n'emporte pas par elle-même et à elle seule partage partiel au cas où l'immeuble est adjugé " à un colicitant et " constitue seulement une promesse appelée à se réaliser au moment du partage définitif ". Cette analyse ne saurait cependant empêcher que la promesse d'attribution ne peut faire échec aux droits des tiers qui sont fondés à considérer que l'adjudication a fait cesser l'indivision et dès lors, revêt à leur égard un caractère translatif. Le procès-verbal d'adjudication doit donc être publié (J.O., 4 novembre 1967, Déb. Ass. Nat., p. 4466-4467).

Observations : Les cahiers des charges préalables à la vente de biens indivis renferment parfois une clause aux termes de laquelle, lorsque la dernière enchère est portée par un des colicitants, l'adjudication ne sera pas prononcée, mais le colicitant dernier enchérisseur aura droit à l'attribution de l'immeuble dans le partage à intervenir, pour le montant de son enchère.

Que l'on considère le jeu de cette clause comme opérant un partage partiel ou une promesse d'attribution, le procès-verbal qui le constate est sujet à publicité par appréciation des articles 28, 4° e ou 37-1 du décret du 4 janvier 1955. Il est donc sans difficulté que le conservateur doit accepter de publier un procès-verbal de cette nature, même s'il se rallie à l'opinion selon laquelle un acte ne peut être soumis à la formalité de la publication que lorsque celle-ci est expressément prescrite ou autorisée (V° Bull. A.M.C. art 648) (1)

Mais lorsque le procès-verbal dont il s'agit n'a pas été effectivement publié, le conservateur est-il fondé, par application du principe de l'effet relatif des formalités, à refuser la publication du partage qui lui fait suite ? Nous ne le pensons pas.

Ce qu'exigent l'art. 3 du décret du 4 janvier 1955 et l'art. 32 du décret du 14 octobre 1955 pour qu'un document puisse être publié, c'est que le titre du disposant ou dernier titulaire du droit c'est-à-dire, en cas de partage, le titre de chacun des copartageants ait lui-même été préalablement publié, s'il n'est pas antérieur au 1er janvier 1956.

Dans le cas visé dans la question écrite, le titre des deux copartageants réside, savoir : pour Mme B., dans la transmission par décès qui s'est réalisée à son profit du fait du décès de son père et pour Mme A dans la donation à elle consentie par Mme C. Ce sont, par suite, l'attestation notariée constatant la transmission par décès profitant à Mme B. et l'acte de donation consentie au profit de Mme A. qui, s'ils n'avaient pas été antérieurs au 1er janvier 1956, auraient dû obligatoirement être préalablement soumis à la publication pour que l'acte de partage puisse lui-même être publié.

Le procès-verbal constatant l'engagement d'attribuer l'immeuble à l'un d'entre eux ne constitue pas, par contre, le titre de ces derniers. Il n'entre pas, dès lors, dans les prévisions des textes susvisés et la circonstance qu'il n'a pas été publié n'empêche pas la publication du partage.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 490 A k II (feuilles vertes).

(1) L'acceptation s'impose d'autant plus que, dans l'opinion dominante, la date du procès-verbal fixe le point de départ du délai de deux mois dans lequel doit être inscrit le privilège de copartageant, sous peine de déchéance (Cass. 19 octobre 1903, J. Cons., art. 5637)