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ARTICLE 1010

PUBLICITE FONCIERE.

I. - Désignation des immeubles. - Vente d'une fraction indivise de terrain moyennant l'attribution au vendeur de fractions divises de la construction à édifier par l'acquéreur sur le terrain. - Désignation de ces fractions par référence à un état descriptif de division obligatoire.
II. - Effet relatif des formalités. - fractions d'immeubles attribuées à leur propriétaire en contrepartie de la vente d'une fraction indivise du terrain sur lequel l'immeuble a été construit par l'acquéreur. - Formalité de publicité concernant ces fractions où l'acquéreur du terrain apparaît comme disposant ou dernier titulaire du droit. - Absence de titre. - Refus de publier.

ARRET DE LA COUR DE CASSATION (3° Ch. Civ.) DU 19 FEVRIER 1974

LA COUR,

Sur les deux moyens réunis :

Attendu que, des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué, il résulte que, par acte du 31 octobre 1962, publié le 30 novembre 1962, et par acte du 31 mai 1963, publié le 13 juillet 1963, Niggio a vendu à la Société Civile Immobilière " Le Soleil ", un terrain lui appartenant, moyennant le prix de 410.500 francs, sur lequel 10.500 francs lui ont été payés comptant, le solde, soit 400.000 francs, étant converti en l'obligation " pour l'acquéreur de construire pour le compte du vendeur sur le terrain acquis, après démolition des constructions existantes, divers locaux, studios, appartements, magasin et garage définis sur le plan annexé au contrat ", auxquels étaient rattachés 134 millièmes des parties communes de l'immeuble entier livrable achevé en totalité le 31 décembre 1964; que l'immeuble en copropriété a été réalisé par la Société anonyme Boudon, suivant marché de travaux du 28 mars 1963 et que le notaire X..., rédacteur des divers actes, a établi, le 11 février 1965, un état descriptif de 149 lots qui a été publié le 4 mai 1965 ; que, réclamant à la Société Civile Immobilière " Le Soleil ", paiement du solde de travaux, la Société anonyme Boudon, après expertise ordonnée en référé et inscription provisoire d'hypothèque judiciaire, le 24 juin 1968, sur les lots 19, 56, 62, 87, 88, 100, 120, 123 et 130 de l'immeuble, a assigné ladite Société et Pin, son syndic à la liquidation de biens, en paiement de la somme principale de 106.322,15 francs ; que le vendeur du terrain, Niggio, est intervenu à l'instance pour se voir reconnaître propriétaire des lots 19, 62, 84, 87, 88, 100, 112, 120 et 123, correspondant aux locaux que la Société Civile Immobilière " Le Soleil " s'était engagée à lui livrer et lui avait effectivement livrés, de sorte que l'inscription provisoire prise par la Société Boudon ne pouvait les frapper et devait être annulée ;

Attendu qu'il est fait grief audit arrêt d'avoir annulé l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire prise par la Société anonyme Boudon le 24 juin 1968 en tant qu'elle portait sur les lots n° 19, 62, 87, 88, 100, 120 et 123 de l'état descriptif de division dressé le 11 février 1965 et publié le 4 mai 1965, et ordonné sa radiation, alors, selon le moyen, que, d'une part, la Cour d'Appel a fait abstraction de ce que le contrat du 31 octobre 1962 comportait comme celui du 31 mai 1963, la vente par Niggio à la Société Civile Immobilière " Le Soleil ", du terrain sur lequel a été édifié l'immeuble et les lots litigieux ; qu'en conséquence, la remise de ces lots par la Société " Le Soleil " à Niggio, lors de l'achèvement des constructions, s'est accompagnée du transfert du terrain correspondant aux millièmes afférents aux locaux litigieux ; que Niggio était, dès lors, de toute manière, tenu de se conformer aux prescriptions légales relatives à la publicité foncière; que, d'autre part, la Cour d'Appel ne pouvait, sans excéder les limites du débat, faire état de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955, non invoqué par Niggio ; qu'elle n'était pas fondée à opposer ce texte à la Société Boudon, dès lors qu'il concerne les actes soumis à publicité, par application de article 28-1° du décret précité et non pas l'état descriptif de division d'un immeuble, prescrit par l'article 7, afin de renseigner les tiers sur l'identité des propriétaires des lots ; que, dès lors, le défaut de publicité des lots réellement attribués à Niggio, lors de l'inscription hypothécaire, laissait à celle-ci sa pleine validité ; que l'arrêt est encore critiqué pour avoir écarté l'argumentation de la Société Boudon invoquant l'apparence, alors qu'elle soutient que la publicité foncière étant précisément source d'apparence, la non-publication des droits de propriété de Niggio par référence à l'état descriptif de division de l'immeuble, avait bien engendré l'erreur commune et invincible dont la Société Boudon a été victime en faisant apparaître la Société " Le Soleil " comme propriétaire des lots sur lesquels a porté l'inscription d'hypothèque ;

Mais attendu, d'abord, que les juges du second degré, analysant les conventions intervenues entre Niggio et la Société Civile Immobilière " Le Soleil " relèvent " que si l'acte du 31 octobre 1962 n'a pu rendre Niggio propriétaire des locaux qui n'existaient pas encore ", outre les 134 millièmes des parties communes dont il se trouvait être propriétaire, par le seul fait des présentes, " celui-ci est devenu propriétaire desdits locaux au fur et à mesure de leur construction " ; que la Cour d'Appel a pu déduire de ces constatations " qu'il n'y a pas eu transfert de patrimoine de la Société Civile Immobilière " Le Soleil " à celui de Niggio, la première n'ayant jamais été propriétaire des locaux litigieux entrés dès l'origine dans le patrimoine de Niggio, et que la Société Boudon a donc pris inscription d'hypothèque sur les immeubles d'une personne qui n'était pas son débiteur, à l'encontre d'une société qui n'a jamais été propriétaire des locaux grevés " ; que, par ce seul motif, les juges d'appel ont, sur ce point, justifié leur décision, le grief formulé par la seconde branche du premier moyen visant un motif surabondant ;

Attendu ensuite qu'appréciant souverainement les éléments de la cause, la juridiction d'appel a pu refuser de valider une inscription hypothécaire sur un bien n'appartenant pas au débiteur de la Société Boudon, laquelle entendait se fonder sur l'erreur invincible consistant à croire la Société Civile Immobilière " Le Soleil " propriétaire des locaux grevés, en retenant que cette dernière " n'avait aucun titre d'acquisition ou de propriété sur ces locaux, qui étaient en possession de Niggio et loués par lui ; que la Société Boudon pouvait se renseigner auprès du syndic de la copropriété pour connaître le véritable propriétaire et que son erreur ne peut donc être considérée comme invincible ni même légitime " ; d'où il suit qu'en aucun de ses moyens, le pourvoi ne peut être accueilli ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 10 mai 1972 par la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence.

Observations. - L'arrêt rapporté rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence du 10 mai 1972 que nous avons commenté sous l'art. 945 du Bulletin.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 490 A h II c (feuilles vertes) et 490 A k II (feuilles vertes).