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ARTICLE 1092

ETATS HYPOTHECAIRES.

Renseignements sommaires.
Enonciations insuffisantes pour servir de base à la répartition du prix de vente d'un immeuble entre les créanciers inscrits.
Répartition opérée suivant les énonciations d'un état sommaire erroné.
Responsabilité partagée entre le syndic de faillite qui a procédé à la répartition
et le Conservateur.

ARRET DE LA COUR D'APPEL DE RENNES 2° ch., du 4 janvier 1977

Faits. - Les faits de la cause sont exposés dans l'art. 1021 du Bulletin.

Le jugement du Tribunal de Grande Instance de Lorient, reproduit dans cet article, a :

- retenu la responsabilité du syndic envers la Direction Générale des Impôts ;

- reconnu que les erreurs commises par le Conservateur dans l'établissement de l'état sommaire délivré ne pouvaient être considérées comme la cause du préjudice subi par la Direction Générale, de sorte que l'action récursoire engagée par le syndic contre le Conservateur n'était pas fondée.

Par un arrêt du 4 janvier 1977, la Cour d'Appel de Rennes a confirmé le jugement sur le premier point, mais l'a réformé sur le second.

Sur ces deux points, la décision est ainsi conçue :

" Sur la responsabilité de M' Laudren :

 

" Considérant que pour retenir la responsabilité de LAUDREN, les premiers juges ont très exactement relevé :

" D'une part, qu'il n'avait pu ignorer l'existence de l'inscription prise le 17 janvier 1962 en raison de la production de la Direction Générale des Impôts et aussi de l'état des créances vérifié par lui-même ;

" Qu'il aurait dû se rendre compte de l'omission que contenait l'état des inscriptions hypothécaires délivré le 9 janvier 1973 sur réquisition de renseignements sommaires urgents, sur lequel ne figurait plus l'inscription précédente, et ce, d'autant plus que la nouvelle inscription prise en renouvellement le 21 octobre 1971 l'avait été postérieurement au prononcé de la faillite et aurait donc dû de ce fait, attirer spécialement son attention ;

" Que cet état sommaire, qui ne comportait de par sa nature même que des renseignements succincts et insuffisants, ne pouvait seul permettre au syndic d'effectuer la répartition des fonds en toute connaissance de cause et sécurité ;

" Qu'enfin, cette répartition avait été faite irrégulièrement et avant même la délivrance d'une ordonnance du juge commissaire l'autorisant, et qu'elle n'avait pas tenu compte du rang de l'hypothèque légale du Trésor inscrite le 17 janvier 1962, mais renouvelée, qui primait les autres inscriptions postérieures ;

" Considérant qu'il s'agit là incontestablement d'une série d'imprudences, de négligences et de légèretés fautives imputables au syndic et dont celui-ci doit répondre ;

" Sur l'appel en garantie

" Considérant par contre qu'aux termes de l'article 2197 - 2° du Code Civil, les Conservateurs des Hypothèques sont responsables du préjudice résultant de l'omission, dans les certificats qu'ils délivrent, des inscriptions existantes ;

" Qu'en ne précisant pas que l'inscription d'hypothèque légale prise le 21 octobre 1971 au profit du Trésor Public, constituait le renouvellement de celle du 17 janvier 1962, ainsi que le spécifiait expressément son libellé, le Conservateur des Hypothèques de Pontivy a enfreint ces dispositions et commis de son côté une négligence certaine qui n'est d'ailleurs par contestée ;

" Considérant qu'à tort les premiers juges ont néanmoins estimé que LAUDREN n'était pas fondé à invoquer cette faute au motif qu'il n'aurait pas dû recourir à ce document succinct et insuffisant pour effectuer sa répartition et a contenter des renseignements qui y figuraient ;

" Considérant en effet que si elle n'a pas été l'unique cause du préjudice, cette erreur initiale n'en a pas moins contribué directement à la réalisation de l'entier dommage allégué en se conjuguant aux négligences postérieures du syndic et en les facilitant ;

" Que l'action récursoire de celui-ci dirigée contre les consorts CORREZE doit être en conséquence déclarée bien fondée en son principe ; que toutefois, la faute commise par le Conservateur ne saurait absorber et faire disparaître celles du syndic, et que la Cour trouve en la cause des éléments suffisants d'appréciation pour dire que les consorts CORREZE devront garantir et indemniser LAUDREN à concurrence du tiers des condamnations prononcées contre lui ;

" Par ces motifs - et ceux non contraires des premiers juges,

 

" Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de LAUDREN et l'a condamné au versement de dommages-intérêts envers les Services Fiscaux, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 1973 ;

" Mais infirmant pour le surplus et statuant à nouveau ;

" Condamne M LAUDREN à payer au Directeur des Services Fiscaux du Morbihan, représentant le Directeur Général des Impôts, la somme de 91.711,75 F;

" Condamne les consorts CORREZE à garantir M LAUDREN à concurrence du tiers du montant des condamnations prononcées contre lui en principal, frais et accessoires;

" Condamne M LAUDREN aux dépens d'appel. "

Observations. - I. Les états sommaires sont essentiellement destinés à permettre aux usagers de s'assurer qu'une situation hypothécaire qu'ils connaissent déjà est demeurée inchangée. Lorsqu'ils révèlent une situation hypothécaire nouvelle, ils ne donnent pas la possibilité d'en apprécier toute la portée et les intéressés doivent, pour être exactement informés, requérir la délivrance d'un renseignement plus complet (état ordinaire, extrait ou copie).

On ne, peut dès lors qu'approuver l'arrêt qui, confirmant sur ce point la décision des premiers juges, décide que l'état sommaire, " qui ne comportait, de par sa nature, que des renseignements. succincts et insuffisants, ne pouvait seul permettre, au syndic d'effectuer la répartition des fonds en toute connaissance de cause et sécurité ".

II. Pour retenir la responsabilité partielle du Conservateur, l'arrêt retient contre lui le fait que, dans l'état sommaire qu'il a délivré, il n'a pas précisé que l'inscription du 21 octobre 1971 avait été prise en renouvellement de celle du 17 janvier 1962.

A l'encontre de ce motif de la décision, on peut faire valoir que cette énonciation n'est pas de celles qui, aux termes de l'art. 42- 1 § I, du décret du 14 octobre 1955 (modifié par l'art. 2 du décret n° 66-356 du 8 juin 1966), doivent figurer " uniquement " sur les états sommaires.

Il faut toutefois observer que l'inscription renouvelée aurait dû être révélée par l'état sommaire et que, par suite, ce dernier était entaché d'une omission certaine.

Dans ces conditions, on peut admettre, avec la Cour d'Appel, que l'état sommaire erroné a pu contribuer à l'erreur commise par le syndic lors de la réalisation du prix de vente.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 1586.