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ARTICLE 1133

ETATS HYPOTHECAIRES

Etat sur publication. - Inscriptions.
Créancier désigné par son seul nom patronymique.
Condition e la régularité.

ARRET DE LA COUR DE CASSATION (3° ch. civ.) DU 27 JUIN 1978

La Cour,

Sur le moyen unique ;

Vu les articles 1382 du Code Civil, 9 du décret du 4 janvier 1955 et 42 du décret du 14 octobre 1955, modifié par le décret du 22 décembre 1967;

Attendu que des énonciations de l'arrêt partiellement infirmatif attaqué il résulte que, par acte reçu par le notaire Robineau, le 20 mars 1966, la dame Jeammot, épouse séparée de corps de Got, a consenti aux époux Jacquet un prêt de 117.000 francs, moyennant une hypothèque de premier rang, inscrite le 14 avril 1966, sur un immeuble sis à Goumay-sur-Marne, appartenant aux débiteurs ; que le bordereau d'inscription mentionnait que l'hypothèque était instituée au profit de " Madame Andrée Elisa Geneviève Jeammot, demeurant à Paris, 66, rue Condorcet, et que domicile était élu en l'étude de M Bove, notaire à Pontoise, ou de son successeur " ; que, le 7 juin 1971, alors que les époux Jacquet n'avaient pas encore remboursé leur dette, un autre de leurs créanciers, la Compagnie Européenne de Crédit pour l'Industrie et le Commerce dite Cecico, a engagé contre eux une procédure de saisie immobilière par un commandement régulièrement publié; que, le 30 juillet 1971 était signifiée au domicile élu en l'étude de M Jannin, notaire, successeur de M Bove, une sommation de prendre communication du cahier des charges dressé par M Porte, avoué à l'époque, en vue de la vente de l'immeuble de Gournay-sur-Marne, pour formuler tous dires et observations et assister à l'audience des criées du 23 septembre 1971, sommation indiquant comme destinataire : " Monsieur Jeammot, demeurant à Paris, 66, rue Condorcet, et au domicile élu en l'étude de Jannin... " ; que, le même jour, Jannin, au vu de la copie de cette sommation, adressait à " Monsieur Jeannot, au lieu de Jeammot, à l'adresse sus indiquée, une lettre recommandée, qui lui est revenue sans avoir été délivrée ; que l'immeuble Jacquet a été adjugé à l'audience des criées le 18 novembre 1971 pour le prix de 48.000 francs au profit de la Société Civile Immobilière 93, sans que la dame Jeammot en ait été informée; que celle-ci a alors assigné en annulation de l'adjudication, avec toutes ses conséquences à l'égard de Jacquet, de la Cecico et de la Société acquéreur, ainsi qu'en condamnation solidaire de Lesgourgues, Conservateur des Hypothèques, du notaire Jannin et de Porte, avocat, au paiement de 5.000 francs de dommages-intérêts ; que, subsidiairement, pour le cas où la nullité de l'adjudication ne serait pas prononcée, dame Jeammot réclamait la condamnation solidaire des susnommés au paiement de 100.000 francs de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle prétendait avoir subi par la perte de sa garantie hypothécaire qu'elle imputait à la faute de ces derniers ;

Attendu que, pour retenir à la charge de Lesgourgues, Conservateur des Hypothèques, une part de responsabilité fixée à 30 % en le condamnant à payer à la dame Jeammot la somme de 6.000 francs à titre de dommages-intérêts, les juges du second degré, après avoir relevé qu'en vertu de l'article 42 du décret du 14 octobre 1955, modifié par le décret du 22 décembre 1967, le nom patronymique du créancier et le domicile élu seuls avaient à figurer sur l'extrait requis du Conservateur des Hypothèques, ont cependant estimé que, compte tenu de l'importance et de la destination des renseignements demandés, le Conservateur ne pouvait se limiter à ces seules indications sommaires pour désigner en l'espèce la créancière hypothécaire, sans faire état des précisions d'état civil concernant son prénom et sa qualité d'épouse séparée de corps et de biens, ni le nom de son conjoint ;

Qu'en statuant ainsi, sans analyser les réquisitions en vue de la délivrance de l'extrait demandé, les juges d'appel n'ont pas permis à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle ;

Et attendu que la Cour d'Appel ayant déterminé et fixé le préjudice global éprouvé par la créancière, en répartissant les parts de responsabilité encourue par le notaire, l'avocat et le conservateur des Hypothèques, la cassation encourue sur le pourvoi formé par ce dernier doit entraîner la cassation totale de l'arrêt en ce qui concerne la répartition des responsabilités et le montant des dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS :

Casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 19 novembre 1976, entre les parties, par la Cour d'Appel de Paris.

Observations. - L'étendue des renseignements qui doivent figurer dans un état hypothécaire est déterminée par les termes de la réquisition pour la rédaction de laquelle le requérant a toute liberté (Précis Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 1596; Jacquet, Traité des états hypothécaires, n° 11). Par suite, pour savoir si un état est ou non entaché d'une omission, il est nécessaire de le rapprocher de la réquisition.

C'est parce que la Cour d'Appel de Paris s'est abstenue, dans son arrêt du 19 novembre 1976 (Bull. A.M.C., art. 1122) de s'expliquer sur l'étendue de la réquisition en vertu de laquelle l'état avait été délivré que la Cour de Cassation a cassé sa décision.

On peut présumer que si la Cour d'Appel avait constaté que l'auteur de la réquisition avait requis un état des inscriptions, sans autre précision, la Cour de Cassation aurait reconnu qu'en se bornant, dans l'extrait délivré, à désigner la créancière par son seul nom patronymique, le Conservateur s'était conformé aux prescriptions de l'article 42 du décret du 14 octobre 1955, modifié, et n'avait pas commis de faute.

Pour que l'état délivré indiquât l'identité complète de la créancière, il aurait fallu que l'énonciation de cette identité complète fût explicitement requise dans le cadre de la formule de réquisition réservé aux " autres renseignements demandés ".

Le litige sera examiné à nouveau par la Cour d'Appel de Versailles, désignée comme Cour de renvoi.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 1721 A (feuilles vertes).