Retour

ARTICLE 1290

INSCRIPTION.

Immeuble grevé d'un droit d'usage et d'habitation.
Nécessité de deux bordereaux, l'un contre le propriétaire de l'immeuble, l'autre contre le titulaire du droit d'habitation (non).

Question. - Le refus d'inscrire une hypothèque requise contre le propriétaire d'un immeuble grevé d'un droit d'habitation, au motif que l'inscription ne pouvait grever le droit d'habitation appartenant à un tiers et que le bordereau devait donc comporter l'exclusion de ce droit, sauf à prendre, si les parties le souhaitaient, une inscription séparée contre le titulaire du droit d'habitation, est-il justifié?

Réponse. - Droit réel, mais d'un caractère personnel très accentué, dont le contenu dépend des besoins du titulaire du droit et de sa famille (J.C.P. 2826, n° 9) le droit d'usage et d'habitation est incessible (C. Civ., art. 631 et 634).

A cette incessibilité, une jurisprudence quasi-constante (notamment Cass. Civ., 5 août 1978 ; Montpellier, 20 janvier 1925, Albi, 10 janvier 1919) contredite cependant par un arrêt ancien autorisant le propriétaire du fonds grevé à pratiquer lui-même la saisie (Cass., 4 février 1853) a conclu que le droit était insaisissable.

De ce double caractère, une doctrine paraissant unanime (Masounabe, 2° édit., p. 81, n° 90 ; Colin et Capitant, p. 370 ; Mazeaud, tome III, n° 239) a tiré la conséquence que le droit d'usage n'était pas susceptible d'hypothèque.

Certains jugements (notamment Danoi, 14 décembre 1936, V 1937 2-142) ont cependant admis des contraventions à ce principe cohérent.

En fait, pour pallier l'effet de blocage économique, conféré au droit d'usage par ces attributs, la pratique a, le plus souvent, recours à la renonciation.

Mais sa validation par les juges, en cas de contestation (J.C.P. 2826, n° 57 à 59) et dans l'hypothèse d'un droit d'usage à caractère alimentaire, sera subordonnée à la condition que " la substitution (d'une rente viagère au droit d'usage) ait été rendue nécessaire à la satisfaction des besoins mêmes que le droit réservé devait assurer " (Cass. Civ., 3° Ch., 5 mars 1971, D 1971).

Par contres quand le droit d'usage n'a pas le support d'un caractère alimentaire, il y a peu de risque que la renonciation soit contestée, au nom de l'incessibilité, par le propriétaire qui en est l'unique bénéficiaire.

Cette distinction impose donc au rédacteur de l'acte de vérifier la présence ou l'absence du caractère alimentaire " compte tenu de l'incertitude de cette notion, l'hésitation sera souvent permise " (J.C.P. précité, n° 59).

En toute hypothèse, et dans une matière aussi délicate, plus qu'en toute autre il n'appartient pas au conservateur de se faire juge de la validité de l'hypothèque dont l'inscription est requise.

Et, à défaut d'une disposition le prescrivant (Cass. Civ., 14 mars 1968 ; Bull. A.M.C. 734) rien ne l'autoriserait, dans le cas de deux inscriptions indépendantes, à rejeter la première tant que la deuxième ne serait pas requise.

Un refus serait donc injustifié.

Annoter : Masounabe, 2° édit., p. 81, n° 30 ; Bull. A.M.C. n° 734.