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ARTICLE 1380

RADIATIONS.

Mainlevées demandées au juge des référés par le syndic d'une liquidation de biens.
Ordonnance de référé prescrivant la radiation de quatre inscriptions d'hypothèques judiciaires et d'une inscription d'hypothèque légale au profit du Trésor.
Incompétence du juge des référés.
Prise en considération possible, par le Conservateur, dans ce cas d'espèce, des motifs de la décision du juge.

Question. - Est-il possible d'exécuter une ordonnance rendue, à la requête du syndic d'une liquidation de biens par un juge des référés qui, légalement incompétent, prescrit la radiation de quatre inscriptions d'hypothèques judiciaires et d'une inscription d'hypothèque légale, après avoir fait valoir l'inopposabilité de la créance du Trésor envers la masse des créanciers, ainsi que l'acquiescement ou le paiement des autres créanciers?

Réponse. - En vertu de l'article 2157 du Code Civil, les inscriptions sont rayées du consentement des parties intéressées ayant capacité à cet effet ou en vertu d'un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée.

Comme il a été exposé récemment sous l'article 1353 du Bulletin, le juge des référés n'est pas compétent pour ordonner la radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire prise en vertu de l'article 2123 du Code Civil ou d'une hypothèque légale. Dans les cas de l'espèce, la base légale du refus de radier, consiste, en effet, à faire observer que les ordonnances de référé n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée (art. 488 Nouveau Code de Procédure Civile) et qu'ainsi, elles ne sauraient équivaloir à un jugement passé en force de chose jugée, au sens de l'article 2157 du Code Civil, alors même que les délais d'appel seraient venus à expiration. Ces principes conservent toute leur valeur, aussi bien que le conseil donné à l'article 1353 V-B 1° précité de refuser de radier au vu d'une ordonnance de référé " même accompagnée d'un certificat de non-opposition ou appel ". Ce conseil, toutefois, n'a pas eu pour but et ne saurait avoir pour résultat d'empêcher de rechercher si le magistrat n'a pas dépassé les limites de sa compétence parce qu'il était, en réalité, convaincu de l'accord des parties intéressées.

Or, en l'espèce, un créancier représenté à l'audience a formellement acquiescé à la mainlevée des deux inscriptions prises à son profit. De son côté, un autre créancier avait, dans un télex adressé la veille de l'audience et versé au dossier, consenti à la radiation de l'hypothèque judiciaire définitive qu'il avait fait inscrire.

L'hésitation, par suite, ne peut subsister que pour deux des cinq inscriptions en cause. Pour prescrire, la mainlevée de la première, le juge a retenu que les sommes garanties avaient été réglées; pour la seconde, il a relevé que " l'inscription d'hypothèque légale prise par le Trésor public, était inopposable à la masse, ayant été prise postérieurement au jugement déclaratif de liquidation des biens ". Ces motifs, clairement explicités, ne peuvent qu'être qualifiés de sérieux. Ils devaient raisonnablement, s'ils manquaient en fait ou en droit, susciter une réaction des deux créanciers concernés qui en ont eu connaissance au plus tard lors de la signification de l'ordonnance de référé. Aucun d'eux pourtant n'a saisi la Cour d'appel.

Dans ces conditions, sauf à s'assurer auprès du représentant du Trésor public qu'il n'a pas entrepris d'action auprès du juge du fond, on n'aperçoit dans les circonstances de l'affaire aucun motif de conseiller au Conservateur de s'exposer aux frais et tracas d'une instance afin de maintenir contre la volonté d'un juge le signe public de droits incertains auxquels leurs bénéficiaires eux-mêmes ont cessé de s'intéresser.

Annoter : Bull. A.M.C., n° 1345.