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ARTICLE 1345

RADIATIONS.

Radiation ordonnée par un juge des référés.
Prétendu acquiescement préalable du bénéficiaire de l'inscription.

Question. - En 1978 une inscription hypothécaire a été prise au profit d'un créancier contre deux époux.

Cette inscription a été renouvelée en 1980 avec effet jusqu'en 1990. Par ailleurs, une cession d'antériorité a été consentie en 1981 au profit d'une Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel et a été mentionnée en marge des deux inscriptions.

En 1985, un avocat dépose à la Conservation une ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance et prescrivant la radiation des deux hypothèques, pour le motif que les débiteurs ont apporté la preuve du paiement de leur dette selon des modalités approuvées par le créancier.

Le Conservateur peut-il procéder à la radiation ordonnée par le juge des référés?

Réponse. - L'incompétence du juge des référés pour ordonner la radiation d'une inscription de privilège ou d'hypothèque (autre qu'une hypothèque judiciaire provisoire) n'est pas douteuse et a maintes fois été affirmée, tant par la doctrine que par la jurisprudence (cf. en dernier lieu, Bull.· A.M.C. 1112 § I après arrêt Cass. du 9 mars 1977, Bull. A.M.C. 1187 et 1315).

Mais on sait également que lorsqu'un Tribunal (ou un juge des référés) est saisi de conclusions ou d'une requête exprimant (ou rappelant) l'acquiescement du créancier à une demande du débiteur tendant à la radiation d'une inscription hypothécaire, la décision qui satisfait à cette demande n'est par une décision de justice contentieuse puisqu'elle ne statue pas sur un différend. C'est un acte judiciaire de caractère authentique (C. Riom, 14 janvier 1952. Bull. A.M.C. 123) qui, constatant le consentement du créancier, renferme une mainlevée volontaire.

Par suite, les conditions auxquelles sont soumises les radiations qu'autorisent ces décisions de justice (que l'on peut qualifier de " jugements d'expédient ") sont celles qui concernent les radiations volontaires et non celles exigées des décisions de justice contentieuses. En particulier, en pareil cas, le juge des référés peut prescrire, comme conséquence du consentement du créancier, la radiation de toutes les inscriptions, sans distinguer selon qu'il s'agit d'inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires ou d'inscriptions d'une autre nature (cf. Bull. A.M.C. 1228).

Encore faut-il qu'il y ait vraiment accord explicite et formel du créancier pour la mainlevée de l'hypothèque. Le jugement ou l'arrêt qui, sans se prononcer sur le sort de l'inscription, déclarerait simplement éteinte ou inexistante la créance qu'elle garantit, n'autoriserait pas, à notre avis, la radiation (Rapp. Jacquet et Vétillard, V° jugement de radiation § 45). Car l'extinction de la dette, même reconnue par le créancier, n'entraîne pas, ipso facto, l'extinction de l'inscription. Celle-ci subsiste jusqu'à sa mainlevée expresse ou sa péremption. Comme le rappelle, en effet, un vieil arrêt de la Cour de Nancy du 26 décembre 1840, " la loi n'a pas entendu abandonner le sort des hypothèques à l'appréciation du conservateur; ces fonctionnaires ne sont pas appelés à examiner si les obligations qui ont donné lieu à l'hypothèque et, par conséquent, à l'inscription, sont - ou non - éteintes " (Jacquet et Vétillard, Introd. § 25). On ne saurait donc présumer le consentement du créancier à la radiation (c'est-à-dire à la fin de la publicité de son droit hypothécaire) et le juge des référés lui-même ne l'a pas fait.

Ce magistrat est, dès lors, incompétent et, pour procéder à la radiation; il faut, ou bien l'accord formel et explicite du créancier, ou bien un jugement définitif du Tribunal de Grande Instance désignant expressément et avec précision l'inscription à radier par date, volume et numéro.

On signale, accessoirement, que le fait que l'ordonnance n'ait pas visé le Crédit Agricole bénéficiaire d'une cession d'antériorité, restait sans influence sur la portée de cette décision de justice si celle-ci avait été; par ailleurs, valable à l'égard de l'inscription primée.

Voir AMC n° 1379 et 1380.