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ARTICLE 1112

RADIATIONS.

Mainlevée judiciaire.
I. - Radiation d'une inscription autre qu'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire.
Incompétence du juge des référés
.
II. - Radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire.
Compétence du juge des référés.

I. - ARRET DE LA COUR DE CASSATION (1° ch. civ.) DU 9 MARS 1977

LA COUR,

Sur le premier moyen :

Vu l'article 2157 du Code Civil;

Attendu qu'aux termes de ce texte les inscriptions d'hypothèque sont rayées du consentement des parties intéressées et ayant capacité à cet effet, ou en vertu d'un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée ;

Attendu que dame Jaboulay s'est portée caution hypothécaire de la société Bretic pour deux prêts remboursables à échéance fixe, sous la condition qu'aucune prorogation de délai ne pourrait être accordée, sans son consentement, à la débitrice ; que, la société Bretic ayant obtenu un report du terme sans l'accord de dame Jaboulay, celle-ci a sollicité en référé la radiation desdites inscriptions, offrant subsidiairement une consignation ;

Attendu que la Cour d'Appel a déclaré satisfactoire la consignation offerte par dame Jaboulay et ordonné la radiation consécutive des hypothèques inscrites sur le bien affecté en garantie ; qu'en statuant ainsi, alors que cette mesure ne pouvait être prise que par le Tribunal de Grande Instance, elle a violé le texte susvisé;

Par ce motif, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen : CASSE ET ANNULE.

II. - ARRET DE LA COUR DE CASSATION (3° ch. civ.) DU 16 MAI 1977

LA COUR,

Sur le premier moyen :

Attendu que des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué en date du 2 juillet 1975, statuant en matière de référé, il résulte que, par jugement du 16 octobre 1974, Ceddia, entrepreneur de maçonnerie, a été condamné à payer à Arduin la somme de 42.054,52 F pour malfaçons, plus 8.000 F de dommages-intérêts en retenant la responsabilité partielle d'Arduin en a qualité de maître de l'ouvrage et de maître d'oeuvre ; qu'il était indiqué dans le dispositif de ce jugement que l'inscription d'hypothèque provisoire autorisée à titre conservatoire par ordonnance de référé du 13 juillet 1972 pourra être maintenue, " du fait que Ceddia ne justifiait pas en l'état de l'assurance de sa responsabilité décennale ", pendant la durée de ladite garantie ; qu'Arduin ayant refusé, malgré l'offre par Ceddia du paiement du montant de sa condamnation et la présentation d'une attestation d'assurance de sa responsabilité décennale, d'accorder à l'amiable la mainlevée de l'hypothèque conservatoire, celui-ci l'a assigné à cette fin ; que par ordonnance de référé du 8 janvier 1975 cette demande a été accueillie, Ceddia ayant à nouveau offert de régler en capital, intérêts et frais le montant des condamnations prononcées par le jugement du 16 octobre 1974, ce qu'il a fait par chèque, du 15 janvier 1975, accepté par Arduin, et ayant présenté une attestation de son assureur affirmant que le risque encouru était couvert ;

Attendu qu'il est fait grief audit arrêt d'avoir confirmé cette ordonnance alors, selon le moyen, que, d'une part, la juridiction des référés n'avait pas compétence pour supprimer la sûreté ainsi accordée par la juridiction du fond en une décision passée en force de chose jugée pour une créance éventuelle autre que celle qui était originairement garantie et que, d'autre part, la juridiction des référés était encore incompétente pour trancher la contestation sérieuse soulevée par Arduin à propos de la justification d'assurance qui était produite par l'entrepreneur et qui était semblable à celle que le jugement définitif, autorisant le maintien de l'inscription hypothécaire, avait déclarée insuffisante pour garantir les droits d'Arduin ;

Mais attendu, d'abord, que le Tribunal, par le jugement du 16 octobre 1974, n'a pas accordé à Arduin une hypothèque judiciaire nouvelle ; que les juges d'appel relèvent que le Tribunal s'est borné à maintenir " en l'état " de la non-justification de l'assurance de la " responsabilité décennale " de l'entrepreneur, l'hypothèque judiciaire provisoire " en vue de garantir une simple éventualité " ; que dès lors les juges, d'appel ont à bon droit reconnu la compétence du juge des référés pour se prononcer sur la mainlevée de cette hypothèque ;

Attendu qu'ayant analysé l'attestation délivrée par l'agent général de la compagnie d'assurances, confirmée par le groupe C.E.C.O. lui-même, la Cour d'Appel a constaté que la garantie biennale et décennale de Ceddia était bien couverte par les polices successives qu'il avait souscrit et a pu en déduire que la contestation au sujet de la validité de la police d'assurances n'était pas sérieuse et en conclure que la mainlevée d'une hypothèque " que rien ne justifiait plus " devait être ordonnée ; qu'il s'ensuit qu'en aucune de ses branches le moyen ne peut être accueilli ;

Rejette le premier moyen.

Observations. - I. - Le premier des arrêts rapportés, en date du 9 mars 1977 reconnaît l'incompétence du juge des référés pour ordonner la radiation d'une inscription de privilège ou d'hypothèque.

C'est l'opinion que nous avons toujours défendue (Bull. A.M.C., art. 434, observ. § I, art. 783, observ., § I, art. 935, art. 957 et art. 1022, observ. § II) et qui a été accueillie par plusieurs Cours d'Appel (Aix-en-Provence, 1er octobre 1974, Bull. A.M.C., art. 1011; Agen, 7 avril 1976, Bull. A.M.C., art. 1056; Paris, 17 novembre 1976, Bull. A.M.C., art. 1077).

On peut donc actuellement tenir pour certain que l'exécution d'une radiation prescrite par une ordonnance de référé doit être refusée.

II. - Cette règle comporte toutefois une dérogation lorsque l'inscription à radier est une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire.

Il résulte, en effet, du second des arrêts rapportés, en date du 16 mai 1977, que le juge des référés est compétent pour ordonner la radiation des inscriptions de cette nature.

Dans le cas particulier soumis à la Cour de Cassation, la difficulté portait sur le point de savoir si la sûreté garantie par l'inscription était une hypothèque judiciaire provisoire ou une hypothèque nouvelle que le jugement statuant sur le fond aurait substitué à la première. La Cour, après avoir constaté que l'inscription en cause était bien une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, a jugé, à la suite de cette seule constatation, " que dès lors les juges d'appel ont à bon droit reconnu la compétence du juge des référés pour se prononcer sur la mainlevée de cette hypothèque ".

Il ressort donc bien de la décision de la Cour Suprême que le juge des référés est compétent, en toute hypothèse, pour ordonner la radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire.

Par suite, les conservateurs requis de radier une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, en exécution d'une ordonnance du président du Tribunal, peuvent satisfaire à la réquisition sans avoir à rechercher si le président a agi comme juge des référés, comme l'a jugé la Cour d'Appel de Paris dans son arrêt du 20 janvier 1977 (Bull. A.M.C., art. 1091) ou si sa décision entre dans le champ d'application des articles 54 et 55 de l'ancien Code de Procédure Civile (v. Bull. A.M.C., art. 1022, observ. § II).

Cette exécution demeure cependant subordonnée à la condition que l'ordonnance ne soit plus susceptible d'appel (Bull. A.M.C., art. 988, 1011, 1077 et 1091).

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 1361-4° ; Jacquet et Vétillard, V° Jugement de radiation, n° 37 (p. 411 et 412).

Voir AMC n° 1315.